Le châtaigner polynésien
De tous les
arbres qui peuplent les forêts polynésiennes, le mape est l'un des plus
marquants. En se promenant dans les zones humides des îles hautes, endroits de
prédilection de cet arbre, qui n’a pas admiré ses dimensions majestueuses et
les circonvolutions aussi étranges que belles de son tronc. Mais au-delà de son
indéniable beauté, ce châtaigner tahitien fut, et est toujours, une richesse
naturelle majeure des îles polynésiennes. Découverte.
La forêt de mape du jardin botanique de Tahiti |
Te Mape, l’étrange seigneur de nos forêts
Si l’on recense
en Polynésie française une dizaine de variétés différentes de châtaigniers
tahitiens, deux d’entre elles dominent : le mape et le mape
piropiro. L’Inocarpus fagifer – de son nom scientifique - ou mape
en Tahitien, est originaire d’Asie du Sud-est. Il est sans doute arrivé dans
les îles polynésiennes avec les premières migrations de peuplement aux débuts
de l’ère chrétienne. Les Polynésiens, navigateurs hors pairs mais également
excellents horticulteurs, avaient en effet l’habitude de transporter avec eux
de nombreuses plantes qu’ils mettaient en terre arrivés à destination. Quant à
l’Hymenaea courbaril, ou mape piropiro, il est originaire,
lui, d’Amazonie. Il fut introduit beaucoup plus tardivement en Polynésie.
S’épanouissant particulièrement à proximité des cours d’eau et dans les fonds de vallées où il pousse en groupe, le mape présente des caractéristiques remarquables. Il est l'un des rares arbres de la forêt tropicale à posséder un tronc lisse et propre dont l’écorce soit exempte de toute moisissure. Au cours des sept à huit premières années de sa croissance, il s’élève droit et lisse, sans aucune protubérance sur son tronc produisant un bois blanc d’une texture grossière.
S’épanouissant particulièrement à proximité des cours d’eau et dans les fonds de vallées où il pousse en groupe, le mape présente des caractéristiques remarquables. Il est l'un des rares arbres de la forêt tropicale à posséder un tronc lisse et propre dont l’écorce soit exempte de toute moisissure. Au cours des sept à huit premières années de sa croissance, il s’élève droit et lisse, sans aucune protubérance sur son tronc produisant un bois blanc d’une texture grossière.
Fin et droit, le mape vit les pieds dans l'eau |
Ses branches, bien droites, sont essentiellement utilisées pour fabriquer des
clôtures et des manches d’outils (haches, pioches, etc). Pour le reste, son
bois est particulièrement adapté à la fabrication du charbon de bois qui était
sa destination principale.
Lorsque l’on pratique une incision sur le tronc du jeune mape, il en coule une sève d’abord incolore qui, en séchant à l’air, devient d’un très beau rouge rubis évoquant la couleur du sang. Dans les arbres plus vieux, ce suc est coloré et, quand on les blesse on croirait voir du sang jaillir d'un corps humain. C’est pour cette raison que l’on désigne ce liquide par le nom de «Toto Mape» (sang de mape).
À la base de l'arbre on trouve une résine orange et collante qui se transforme en ambre à travers un processus chimique qui dure des millions d'années.
A l’âge de huit ou neuf ans, le mape subit une transformation majeure : tout autour de son tronc jusque-là droit et lisse, jaillissent des projections irrégulières depuis les branches jusqu’aux racines, se rejoignant par endroit et dessinant des creux dans d’autres. Ces projections prennent à leur tour des formes nouvelles qui, d’années en années, se divisent et se rejoignent, ménageant des espaces aux arcades étranges dans le bois. Petit à petit, des arcs-boutants pouvant s’éloigner de plusieurs mètres du tronc,s'enlacent autour de lui, parfois jusqu’à plus de deux mètres de hauteur. Lorsque l’arbre est à proximité de l’eau, ces protubérances peuvent se prolonger jusqu’au fond du lit de la rivière et, sur terre, forment des abris naturels utilisés par les chèvres et les porcs sauvages.
Plus il vieillit, plus le mape sculpte son tronc... |
En juin et juillet, les extrémités des branches se recouvrent de feuilles ambrées qui deviennent d’un blanc crémeux avant de passer progressivement au vert foncé. Dès lors les arbres se couvrent, en août et septembre, de grappes floconneuses de petites fleurs blanches au parfum très agréable, pénétrant et sucré, qui embaume les sous-bois.
Après la fleur, naturellement vient le fruit. Lorsqu’il est mûr, on l’appelle mape pa’ari. Il peut être jaune, marron ou encore vert clair. C’est un fruit agréable et très nourrissant qui se consomme soit cuit dans la braise, soit rôti à l’étouffée. Son goût fait immanquablement penser aux marrons chauds et les Polynésiens, qui en raffolent, le consomment comme une friandise. Aujourd’hui encore, il est vendu bien chaud au bord des routes. Il est à noter que si le fruit du mape piropiro est lui aussi comestible et goûteux, il est doté d’une odeur si écœurante qu’il en a hérité son nom piropiro, ce qui signifie « puant » en tahitien. Lorsque le fruit mûr tombe de l’arbre, il est alors appelé mami et il est alors plus ferme que lorsqu’on le cueille sur l’arbre pour le consommer. Au sol, l’enveloppe se dessèche et le fruit commence à germer, il porte dès lors le nom de ro’a. À ces deux stades de son évolution, convenablement cuit, le mape est encore bon à manger s’il a été convenablement rôti.
Le mape et ses utilisations traditionnelles
Les grandes
surfaces planes reliant les arcs-boutants au tronc principal jouèrent un rôle
majeur dans l’histoire des peuples polynésiens. En les frappant avec une
branche en bois dur ou un caillou, on obtient un son de percussion modulable
qui porte très loin dans la forêt et jusqu’à la mer et permettait de
communiquer de vallée en vallée pour transmettre des informations urgentes. Par
exemple avertir d’une agression par une tribu voisine. Sans doute s’agit-il là
de l’ancêtre des percussions polynésiennes.
La plus connue des utilisations médicinales du mape est un ra’au Tahiti (médicament traditionnel) destiné à guérir la piqûre du poisson nohu (Le poisson pierre dont la piqûre est redoutable et extrêmement douloureuse) et à combattre l’inflammation qui en résulte. Dans ce cas, le suc du fruit vert de mape est mélangé avec le suc de l’écorce d’atae (erythrina indica) en les mâchant. La pâte obtenue est appliquée comme un cataplasme sur la piqûre et l’inflammation disparaît alors promptement.
Dans la société traditionnelle, le mape était utilisé comme colorant naturel. Il permettait d’obtenir les teintes suivantes : noir, vert sombre et vert clair, violet foncé, pourpre violacé, pourpre carmin, rouge brun. Ces colorants étaient utilisés dans la décoration des tapa, des vêtements et de certains objets rituels.
Les fabuleux méandres des racines de mape |
Le mape et la légende
Dans la culture
traditionnelle polynésienne, le mape était présenté de la façon
suivante : tous les mape sont issus des êtres humains. Les fruits
viennent des reins de l’homme, organes qui s’appellent d’ailleurs mape
ou rata. La sève à l’étonnante couleur rouge en est le sang. Le nez et
les narines, quant à eux, se retrouvent dans les étranges contorsions du tronc.
En 1840, les grands prêtres Tamera et Mo’a transmettaient ainsi leur vision du mape : « Il est l’Arbre. Le pluvier siffleur et l’oiseau de paradis nicheront dans ses branches et se nourriront de ses fleurs au bord de la rivière. »
En 1840, les grands prêtres Tamera et Mo’a transmettaient ainsi leur vision du mape : « Il est l’Arbre. Le pluvier siffleur et l’oiseau de paradis nicheront dans ses branches et se nourriront de ses fleurs au bord de la rivière. »
Voici ce que l’on raconte sur les terres de Paea (côte Ouest de Tahiti) : Aiti tane, du district de Mata’oae, était clairvoyant. Un jour qu’il contemplait un certain mape au fond d’une vallée, il s’écria : « Aue tera vahine i te’aroha e ! » (Comme cette femme est pitoyable !). Ne voyant personne à proximité de l’arbre, ses amis lui demandèrent ce qu’il entendait par là et il répondit : « Dans le creux de cet arbre je vois une femme qui pleure, tenant des jumeaux dans les bras ! » Peu de temps après, rentrant au village, ils apprirent qu’une femme du district venait de mourir juste après avoir donné le jour à des jumeaux mort-nés. Ils en conclurent que ce que Aiti avait vu, c’était cette femme se lamentant sur la fin prématurée de ses enfants.
Un article de Julien Gué
merci pour cet article
RépondreSupprimerTrès bel article. Mauruuru
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