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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

mardi 22 avril 2014

Polynésie Music


La groupie du Coco King’s Queer

Deux ans que je les avais manqués dans l’Hexagone !… Nos chemins nomades se croisaient. Moi en stop, en covoiturage, par rail, par air. Eux dans leur pick-up itinérant : Les King’s Queer ! 

Puis une certaine aurore flamboyante à l’aéroport de Faa’a les a déversés d’un oiseau de fer, manureva dit-on par ici, parmi les fleurs capiteuses et les « Fleurs » suaves de l’underground insulaire… se déhanchant en cadence aux accents d’une romance d’accueil, style ûte*.


Ambiance polynésienne pour un accueil avec Shelby Hunter (vidéo)
Sourire de Laet, éblouissement -dans le sens plein du terme- de Grib. Le duo ravageur « King’s Queer», compil « Amours & Révoltes » en bagage accompagné, se déloquant des pelures calorifères de la grisaille, entame ses premières pérégrinations sur le sol tahitien dans les bras de l’association Horo’a et consorts.

Le maelstrom polynésien
Saison des pluies entrecoupée d’éclaircies plein soleil, Îles sous le Vent en alerte orange : « précipitations, grains et rafales », sans aucune allusion au fanion de même couleur battant tambour pour les élections municipales… les King’s Queer mettent le pied dans l’engrenage d’un tourbillon de rencontres artistiques.

Nous nous sommes bien vaguement frôlés sur l’estrade sonorisée d’un certain Slam de Cocotiers, en avant-première du Printemps des Poètes à Papeete, car la poésie pue des pieds. Nous tenons à le dire : « On lave pas la poésie / Ça se défenestre et ça crie », le confirmait le frère Ferré, Léo de son prénom… « Mauvais Genre » était mon cadeau : une groupie ne recule devant rien !

Hitinui dans un orero des mythes anadyomènes…
Déjà, La Villa, hébergeait entre étage, terrasse et avenue, cette manifestation bigarrée en textes, expos diverses (dont l’installation de « Game Over» d’Éric Ferret) et jeux verbaux, jongleurs, taggueurs, performeurs de tous styles (jeunes de la section théâtre du lycée Aorai) ; écrivains, chanteurs, déclameurs, danseurs d’Urban Dance), en guise de bienvenue à la « King’s Queer Art Collection ». 

Pour donner le ton de cette soirée atypique au croisement des cultures littorales de partout, le mythe fondateur de l’origine anadyomène de nos héros favoris (K’s Q)… sera porté par Hitinui entre tradition du orero* et absurde. Clin d’œil bien sûr au tridacne géant des légendes polynésiennes et à la mythologie d’une certaine Grèce antique (fresque de Pompéi, Botticelli, Le Titien). Fabulation festive pour rendre compte de cette étrange notion d’étrangeté : le Queer ! Insubordination façon climat des îles, avec le cri de guerre : « Amours, Révoltes & Cocotiers ! », scandé par le collectif organisateur.

« Slam des Cocotiers » clame ses fruits d’amour & de révolte
Le sort des groupies étant de coller au moindre sourcillement de leur idole, ce qui s’avère en Polynésie comme un véritable code verbal, je ne plaquerai aux King’s Queer ni identité, ni style musical, pour ne pas les contrarier.

Ni ne pointerai le coup de théâtre qui les a fait venir dans ces archipels des antipodes. Ils se sont largement étendus sur le sujet à la radio et à la télé polynésienne. Moi, je me contente de donner mes impressions. Un groupy, ça se dégoupille aux sensations !

Bain d’ambiances insulaires…
Qui dit insularité polynésienne doit s’attendre à hospitalité. Hormis le quasi silence de la presse écrite, ce qui peut se comprendre quand on aborde la musique, par contre les quotidiens ont relayé fidèlement le calendrier de cette prodigalité tropicale ! Quant aux médias audio-visuels, ils s’en sont donné à cœur joie.


…entre lagon, plateaux et sites de l’improbable

C’est que la musique navigue sur les flots comme sur les ondes. Et les bribes venues d’ailleurs, ça interpelle ! Alors, pour déboucher les bouteilles à la mer, les messages qui traversent les océans : d’abord, l’inévitable accueil lagon avec Léo Paul-Pont de Radio 1

Bientôt suivra le « Mana Culture »,  appareillant pour la cambuse des King’s Queer. Tournée hors studios dans la baie de Matavai, comme sur un vaisseau improbable, l’émission nous livre les climats d’une traversée artistique, « à bloc de ses écoutes ».


Mana Culture : un abordage tout en douceur (vidéo)
A l’espace Kavaka du musicien Armando, comme une proue dressée entre tumultes de la rivière et embruns à volonté, un tournage sur le pont, dans ce fare du bout des terres, s’achevant entre sculptures et sofa, roulis et tangages. King’s Queer jette l’ancre.

Puis sur les hauteurs de Papeete, entre deux prestations, le plateau TV de Fare Maoh’i, à la pondération sémillante proverbiale, les invite à plonger dans cette aura polynésienne qui les accueille. Emere à la barre.


Fare Maoh’i : une présentation amène (vidéo)
La bâtisse les recevra à nouveau, avec Mateo au micro de Polynésie 1ère. Entre labyrinthes de couloirs et une vue imprenable, les plaisirs d’entretiens qui les laissent se raconter comme à l’escale.

En fin de cabotage, à quelques heures de leur dernier concert tahitien, un petit détour par « Le Grand Huit » (Polynésie 1ère) à grosses bordées de boutades. L’équipe Yann, Lolo, Isa et Pascal élaborant, à coups d’informations solides et structurées, l’une de ces émissions déjantées à couper le souffle. Interactive à souhaits, elle s’assure un max d’audimat. L’équipage toujours sur le pont, c’est avec brio qu’il ramène dans ses filets les trésors des îles.


Au Grand-Huit : ce que vous n’avez ni vu, ni peut-être entendu (vidéo)
Entre musique, matières, convictions, un grand moment King’s Queer d’éclats de rire, de formules lapidaires, de questions-réponses aux auditeurs. Comme des vœux de « bon vent » à trois jours de leur retour.

Pérégrinations à gogo
Globe-trotters infatigables de l’arpège métamorphosé allié à la musique instrumentale, du mix, du beat, de ses syncopes, de ses silences et ses redites, du son, de ses textures, de ses accents, de ses assonances, de ses harangues et de ses lyrismes… leurs explorations multiples les mènent à l’écoute de la ville, ses inflexions kaina, ses murmures de ruelles, ses branle-bas de marchés, ses battements de to’ere, ses cliquètements, ses échos, ses respirations de foule.

 « Electrons libres » sur scène comme dans la vie, pendant leur séjour au fenua, les King’s Queer se coulent aux atmosphères d’un peuple, embrassent leur oxygène, s’accordent aux éléments, se nourrissent d’impressions, sans filtre, sans mentor, fidèles à leurs principes d’indépendance contestataire et d’appartenance à ces communautés de par le monde qui ne sont ni conventionnelles, ni formatées, ni parasitées.

Les petits « bœufs kaina » de la rue
Ils se meuvent au feeling. Là, les reconnaissent leurs groupies qui, s’ils ne se sont contentés que de clamer « Amours & Révoltes !!! » pendant les concerts de la tournée tahitienne  et de revêtir le T-shirt Rairoa à l’emblème maoh’i du groupe, « coiffent le bonnet noir (encore Ferré) », symbole anar et du « guillotinable ». Le groupy croit toujours défendre une cause au péril de sa vie : c’est dans cette prise en charge qu’il se forge et s’exalte !

Euphorie des concerts
Si King’s Queer, fraîchement débarqué, a d’abord fait cavalier seul, malgré ses invitations expresses, formulées de vive voix aux orchestres de rue kaina, au premier jour de sa tournée insulaire au Club 106, il a bien vite partagé la scène avec d’autres groupes locaux. D’abord à Raiatea, avec le pop-band Manino, suivant le concept intrinsèque à l’Hawaiki Nui Hôtel du mixage des publics. Trop heureux de ces sortes de rencontres du bout du monde…

De retour à Papeete, le duo s’est pris d’affection et d’affinité mélomane pour Badass Unicorn et s’est offert avec eux le Tiki d’Or, avec pour invités les jeunes « Groovy Coconuts », ainsi qu’un retour au 106 avec la soirée « Coco Molotov ».    

Coco Molotov, un programme !
Et s’ils formulent leur façon de faire a posteriori, exposent leurs déterminations du moment, leur engagement artistique, les messages qu’ils veulent transmettre, ce n’est que bien plus tard, après avoir suivi leurs inclinations, leurs coups de cœur, avoir nourri leurs rêves au hasard des rencontres, avoir pêché au vol des inspirations nouvelles, les avoir assimilées, intégrées en leurs fibres.

Ils s’en sont entretenus avec les ados du lycée Aorai section théâtre qui, comme chacun le vérifiera, font preuve d’une maturité adulte et d’un esprit critique à toute épreuve. Mais, n’y étant pas venus pour parader sous les louanges, les King’s Queer ont déballé leur boîte à sons, leur trompette, leur mélodica pour un atelier vocal. Réalisant avec eux, après une initiation à la musique électro, des chorus à base d’improvisation. D’autres groupies naissaient et qui sait, d’autres approches, d’autres envies d’exister…


Quand Taïna Fabre infiltre les ateliers-théâtre (Video Mana Culture)
Car, si la prestation scénique des King’s Queer se veut avant tout musicale, sa théâtralité est indéniable.

Véritables performances, hautes en relief, elles explosent comme une fête, s’embrasent d’irréfragables feux. C’est qu’elles expriment à travers les mots, leurs phrasés musicaux, leurs éclats sonores et leurs déflagrations, la parole comprimée, le mutisme de chacune des individualités de leur public. Et ils l’en remercient généreusement  en les y incluant.

La fratrie musikos
C’est aussi grâce à la maîtrise de la scène, qu’ils exercent au niveau de leur investissement dynamique, de la gestuelle, des déplacements, de la maestria dans le maniement de leurs costumes et des accessoires divers, que leur concert est une véritable petite bombe au mécanisme bien rôdé. Ils modulent les contrastes inhérents à leur personnalité, leur complémentarité, leur connivence, tout en ménageant les surprises en tout accord majeur !

Des images sculptées
Car ils en sont l’âme et les artisans, les bardes et les chantres, les acrobates, les techniciens et les instrumentistes, les concepteurs et les pyromanes. Une manière de faire, d’être, de penser tout à la fois…

La fratrie musikos leur est essentielle, indispensable, vitale pour se sentir soutenus mais pas seulement. Ne voulant s’enfermer dans aucune case, c’est avec eux qu’ils confrontent leurs techniques, vont jusqu’au bout de leurs expérimentations ; qu’ils prennent le risque de se remettre en question et de s’aventurer en de nouveaux chemins.

Des messages en pagaïe !
Fidèles aux mythes qui les accompagnent, la présence de la « Lady Pirate » les escorte immanquablement sous toutes les latitudes. Ils peuplent leur imaginaire d’êtres tirés de la réalité tourbillonnante de leurs vagabondages ou de coïncidences qu’ils transposent. Leur perspicacité toujours aux aguets.

Provo  
Pour tout vous dire, en effet, sur le déclic qui m’a électrisée comme une tornade, bien avant de les rencontrer, je ne renie rien de mes adhésions premières sur la musicalité de leurs compositions, associée à des grands coups de gueule et à des trépidations qui ébranlent.

Entre sensualité & manifestes
Depuis ces préludes, sensible à cette façon de faire corps avec la musique, j’ai goûté par tous les pores de ma peau et de mes sens à des concerts où ils se sont montrés flamboyants.

Pour vous confier aussi comment la « King’s Queer Art Collection » est sortie de ses cartons pour habiller Dame Nature et s'en vêtir, je vous convierai à cette flânerie performance-plastique dans les jardins de la mairie d’Arue. Vous y découvrirez le bonus "pochette polynésienne" d'Arno. Un enregistrement que nous nous sommes permis d’identifier sous le titre de « King's Queer Arts Coconuts ! »


« King’s Queer Art Coconuts ! » dans la verdure
Si vous voulez tout savoir, sur la tournée, les actants, le climat, les humeurs, messages et commentaires de leurs suiveurs, le vécu polynésien au jour le jour des King’s Queer figure in extenso sur la page web « Amours, Révoltes & Cocotiers… ». Ne vous privez pas de leur transmettre vos états d’âme et vos toquades.

…Et, pour en finir avec les moroses de la langue de bois, détenteurs hélas de trop de blockhaus ankylosés et austères et qui font vitrines sur ce qui se dénomme  la culture sous tous les antipodes… pour couper court aux exclusifs officiellement-commercialisés et imposés, je persiste… avec ce bastion de la culture self-made que nous offre King’s Queer. Un groupy, ça pense aussi !

Un regard, une voix, un corps : Les King’s Queer !
Les King’s Queer ? Je les associerai à ces portées d’artistes dérangeurs encore et plus que jamais…

Cette consanguinité de la stridulation chère à Ferré que contestent certains conclaves et chapelles contestables du bâillon actuel de l’art :

« JE PROVOQUE-À L´AMOUR ET À L´INSURRECTION
YES! I AM UN IMMENSE PROVOCATEUR…
Des armes et des mots c´est pareil
Ça tue pareil…Mettez-vous le bien dans la courbure »

Une groupie errant dans les studios de Polynésie Prem…
La Groupie ne se rassasiant jamais, je me trouve, en fin de tournée alizéenne, en terre... plutôt en rade… de nostalgie.



Un article de  Monak

*Petite incursion dans le dictionnaire de l’Académie Polynésienne (FARE VĀNA'A) et autres langues pa’umotu et marquisiennes : 
Le ûte est un chant pour deux ou trois, accompagné d'un orchestre traditionnel et d'un ukulele ou d'une guitare.
 'ŌRERO : Orateur, discoureur
Kaina : populaire, polynésien
FARE : Maison, case, bâtiment  (Cf. Fare Maohi)
FENUA : Ile, pays. (E fenua rahi 'o Tahiti = Tahiti est une grande île)
MĀ'OHI : originaire de Polynésie Française
TŌ'ERE : instrument de percussion, constitué d’un morceau de tronc fendu et évidé

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