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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

samedi 29 juin 2013

Tetiaroa, l’atoll de Marlon Brando


Encore une île assassinée

Tetiaroa, l’île privée de Marlon Brando, un endroit paradisiaque au destin unique, est-il condamné par les promoteurs et les politiciens véreux ?

            Voici l’histoire hors normes de l’atoll de rêve d’une star hors normes…

Tetiaroa est le seul atoll des Îles-Du-Vent. Par beau temps, on en devine les contours depuis les hauteurs de Tahiti, située une cinquantaine de kilomètres plus au sud. Les 6 km² de terres émergées sont rattachés à la commune de Arue* depuis toujours.

Tetiaroa est un atoll fermé au charme fou
Il s’agit d’un atoll fermé, c'est-à-dire qu’il n’y a aucune passe pour pénétrer dans son lagon de 7 km de diamètre, cerné de 13 motu* et d’une profondeur maximale de 30 mètres.

Cet atoll, d’une rare beauté et remarquablement conservé jusqu’à ces derniers mois, est sans doute condamné.

Histoire d’une île pas comme les autres
Dans la période pré-européenne, l’atoll se nommait Teturoa ou Tetuaroa. Sa grande beauté et sa proximité avec Tahiti en firent, très tôt, la résidence d’été des Arii* et des Pomare, famille royale de Arue. C’est la reine Pomare IV qui l’abandonne à la fin de son règne, vers 1870.

Aimata, la reine Pomare IV
Le premier Européen à avoir découvert l’atoll est le célébrissime Britannique Capitaine William Bligh, en 1789, alors qu’il recherchait des déserteurs faisant partie des mutinés de son navire, "La Bounty".

En 1904, la famille royale d’Arue offre l’atoll au Dr Johnston Walter Williams. Cet Anglais était… le seul dentiste de Polynésie !

Tetiaroa et Marlon Brando
L’histoire de l’atoll bascule au début des années 1960 avec le tournage, à Tetiaroa, du film "Les mutinés de la Bounty". Marlon Brando, star du film, tombe amoureux de l’endroit… et de Tarita, la jeune Polynésienne qui lui donne la réplique dans le film et qui deviendra son épouse.

Marlon et Tarita Brando : couple mythique du cinéma
En 1965, il négocie un bail emphytéotique et devient donc « propriétaire » de Tetiaroa pour 99 ans.

Il y fait tracer une petite piste d’aviation sur le motu Onetahi, puis un hôtel dont la gestion sera confiée à la belle Tarita. Plus tard, ce sera leur fils qui prendra la succession.

L’affiche originale d’un film mythique
Les choses se gâtent à la mort de la star (1er juillet 2004). Entre les créanciers de l’acteur quasiment ruiné, les conflits entre héritiers et les autorités politiques polynésiennes avides de récupérer cette petite merveille, la succession n’est pas simple à régler.

Presque immédiatement, divers projets immobiliers de luxe fleurissent. Les héritiers, comme les associations de protection de l’environnement sont contre. L’aviation civile, sans doute sous la pression de Gaston Flosse alors président du pays, décide de fermer la piste d’aviation, condamnant de facto l’hôtel à la fermeture…

La famille Brando à Tetiaroa : les années bonheur
Débute alors une longue période de conflits autour de cet atoll paradisiaque.

Tetiaroa ou la réalité du mythe polynésien
A quelques milles nautiques à peine de Tahiti, Tetiaroa est restée telle qu’elle était au début des années 60. Aucune pollution ; très peu de bâti puisque l’hôtel et ses dépendances, les seules bâtiments de l’île, sont des constructions très proches de l’habitat traditionnel ; et surtout un lagon parfaitement préservé, tout comme la faune et la flore, qu’elles soient terrestres ou aquatiques.

Face à cette exceptionnelle préservation, les défenseurs de l’environnement en Polynésie militent pour transformer l’atoll en une réserve naturelle protégée.

Tetiaroa : « Une île entre le ciel et l’eau… »
Hélas, le projet se heurte dans un premier temps aux pêcheurs tahitiens qui ont l’habitude d’exploiter ce lagon depuis fort longtemps.

Autre danger beaucoup plus inquiétant : un promoteur et une chaîne hôtelière projettent d’y construire un hôtel de très grand luxe destiné à une clientèle de milliardaires privilégiés triés sur le volet.

La cupidité et la corruption des élus polynésiens étant ce qu’elle est, c’est cette solution qui a été retenue.

Tetiaroa, un atoll condamné ?
Malgré de nombreux mouvements de protestations, les travaux ont commencé. Et avec eux les problèmes et les inquiétudes.

L’aérodrome de Tetiaroa au temps de la famille Brando
La piste d’aviation est rallongée. Des travaux ont attaqué la barrière de corail pour construire un appontement, mettant en grand danger l’équilibre écologique très fragile de ce lagon fermé.

L’accès à l’atoll, pourtant propriété du territoire, est désormais interdit à toute personne étrangère au projet. Les pêcheurs y compris.

Et lorsque l’on considère l’impact écologique d’une telle unité hôtelière, on peut être inquiet pour l’avenir de ce paradis polynésien. D’autant qu’il est impossible de vérifier comment sont fait les travaux et que personne ne sait comment l’établissement sera exploité.

Les travaux n’auraient aucun impact sur l’environnement de l’atoll !...
En effet, afin de pouvoir maîtriser totalement la circulation des informations, le promoteur a lui-même créé un association soi-disant indépendante dont le rôle est de contrôler le déroulement des travaux et leur impact sur l’environnement. Association dont tous les membres sont choisis par le dit promoteur…


Tetiaroa, l’atoll rêvé de Marlon Brando
Une fois encore, les autorités locales auront privilégié des des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt collectif. Car lorsque l’on connait la situation du tourisme en Polynésie depuis le début des années 2000, on est en droit de se demander comment cet hôtel pourra être rentable et surtout : que rapportera-t-il aux Polynésiens…


Lexique :
*Arue : l’un des anciens royaumes de Tahiti et aujourd’hui l’une des communes de l’agglomération de Papeete.
*Arii : grands chefs dans la hiérarchie traditionnelle polynésienne.
*Motu : ilet, terre émergée sur la barrière de corail d’un atoll.


Un article de  Julien Gué

Tous droits réservés à Julien Gué. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs


lundi 24 juin 2013

Cocteau : scène d’enfer au paradis


La brûlure des planches

Trois sur scène et un homme-orchestre, une alchimie à son comble au pinacle du centre Vaima qui surplombe Papeete. Complicité d’une équipe théâtrale dont les accents, au faîte de la cathédrale, viennent frapper ce clocher qui dialogue les heures. Une alcôve en pleine boîte de nuit : les amoureux sont seuls au monde !

Le bel indifférent, versions Julien Gué dans une formule spectacle unique d’une heure et demie (entracte non compris), troue l’espace nocturne d’accents déchirants. Deux couples fictionnels dans la tourmente viennent perturber la quiétude du public et y nicher quelques contacts gorgés d’affects. Les habitants du quartier ne sont pas les seuls qui réagissent naturellement de leurs terrasses ou de la rue. Voilà ce qui arrive quand un metteur en scène de métier s’implique dans le secteur théâtral pro ou amateur. Plus vrai que vrai !

Julien Gué : une mise en scène préméditée
Pour ce moment éphémère, les acteurs ont ouvert les vannes du pathos, de la frénésie et de la fureur. Dans le for intérieur des interprètes se joue le rapport entre un marionnettiste et ses créatures scéniques en totale implosion. Cette incursion de la fiction dans le réel, cette rencontre fortuite entre théâtre et quotidien polynésien connaîtra-t-elle des prolongements ultérieurs ?

 

Au détour de la critique : Michèle de Chazeaux

Michèle de Chazeaux, figure incontournable de la critique et de la culture à la TV et à la radio polynésiennes (entre autres), semble opter pour cette alternative. Elle accepte de s’entretenir avec nous en toute franchise.

« J’étais très curieuse d’éprouver les effets de cette double interprétation, sur un texte qui m’agace un peu pour son féminisme. J’ai trouvé que « pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ».

Léonore Caneri a eu beaucoup de cran pour assumer l’incident technique (mutisme inopiné de la bande-son en pleine prestation).  Et c’est avec beaucoup de cœur, qu’elle y a pourvu. Elle a vécu son rôle avec passion, avec excès même. Etait-ce pour cacher son trouble ?

J’ai penché pour l’interprétation d’Hélène Boyancé. Du fait de la répétition du texte, ai-je pu davantage apprécier ? Toujours est-il que j’ai pu goûter toute la finesse de son interprétation. Cette partie-là était plus courte.


  Léo : journal d’une femme brisée
Peut-être que le tango nous dispersait : un peu plus bref, sans gâcher l’émotion, serait-ce plus intéressant ?

Le jeu de l’homme, Rai Tevaearai, je l’ai préféré dans la première partie : de l’élégance, de la classe, beaucoup de présence, plus de crédibilité. Dans la seconde, le jeu versait dans plus de facilité, était plus spectaculaire.

Le niveau est assez bon. La représentation tout à fait honorable. Le choix du décor est original et marginal. C’est un plus ! Il rend le texte moins conventionnel. Car c’est un thème « bateau ».

L’initiative devrait se renouveler dans le cadre du Morrison’s. Le lieu est intéressant pour se prêter à une initiation au théâtre.

Quand la critique s’invite
J’ai passé une très bonne soirée ; mes amies aussi. Ce spectacle est à encourager. »

La maladie de l’amour en deux versions

Sur ces planches austères et froides tranchant sous le clinquant des spots, viennent s’échouer, se raccrocher à la vie, les débris d’un couple, de tout couple en naufrage. L’image est tourmentée, torturée, bouleversante. Sur scène, peu de moments de latences, le public observe un silence des plus troublés, des plus palpables. A l’unisson de ces enjeux jetés pêle-mêle, il opte pour l’une ou l’autre version, celle qui lui ressemble. Car il s’agit de drame. Le drame de tout un chacun. Le drame de l’amour.


Hélène : la dérive de l’amour
La pièce commence en pleine crise. Une voix émerge. Marquée par l’attente pesante, douloureuse, elle met aussi en valeur son contrepoint : le détachement, concrétisé par le personnage masculin. Celui qui vient détourner les objets de leur fonction initiale, les piétiner, les annihiler et par-là même, anéantir la relation de couple.

Le gramophone embrouille la communication, met en place ce duo de tango virtuel. Le perroquet, symbole de servitude, essaime les vêtements comme un puits sans fond. A l’instar du bruit de l’ascenseur, la corde du boxeur devient lien de dépendance que se voudrait garder l’amoureuse. Le téléphone, perturbateur des plus cyniques, y déclenche égarements et flambées. Une création en tempos de rengaines : l’élément musical s’y joue une partition fine.

L’adulation au summum 
L’action s’y relance perpétuellement, les acteurs se saisissent de la scène à bras-le-corps. Les intentions de la mise en scène œuvrent comme des trépans, habitent les interprètes, s’adaptent aux personnalités, capturent le moindre détail, différencient les deux versions.

Deux types de jeu, deux types d’acteurs : pari gagné !

Deux aspects des ravages de l’amour, sur un même texte, ce n’était pas une sinécure pour le metteur en scène. Mais le résultat est tangible. Pas si facile à structurer avec le pavé du monologue féminin adressé à un amant présent mais irrémédiablement muet.

Dans cette insoutenable incertitude qu’impose la représentation, les incidents de scène modulent l’interprétation et le jeu de l’actrice « parlante ». Si les répétitions ont permis de boucler et de renforcer la cohérence du parcours et du rôle de chacune, reste toujours une marge de « diffraction » : cette trouée qui engage et bouscule à la fois consciemment et  viscéralement la dynamique du personnage.


Le bel indifférent : 1ère version avec Léo et Rai  
Léo, actrice de la première partie, passe de la résignation, de l’écrasement, au sarcasme. Une attitude de « bête blessée » qui laisse poindre sa rage, se perd dans les dédales de l’affrontement, de la déclaration de rupture aux revirements d’acceptation, pour s’achever sur un appel de désespoir tonitruant.

Le clivage est profondément marqué : plus Emile manifeste d’entregent, plus elle paraît gauche ; plus il est à l’aise, plus elle se chiffonne, devient servile, frôle l’hébétude ; plus elle l’accable, plus il s’esquive. Elle consomme sa défaite. Sa prestation de vivant reproche, buttant sur la désinvolture de son partenaire, multiplie ce mode du chassé-croisé : d’où l’intérêt et la justification de la danse dans cette mise en scène.


Le bel indifférent : seconde partie avec Hélène et Rai  
Hélène, actrice de la seconde partie, nous en livre la version tragique. Pelote de paroxysmes, elle se corrode comme une Phèdre. Un couple à la Lise Taylor et Richard Burton, avec ses atermoiements, ses grandeurs et ses règlements de compte. Au summum de l’exaspération, elle est la sensualité même : entame ses premiers mots « Toi, toi, toi ! », se brûlant à la reviviscence charnelle de l’acte amoureux, pour en finir comme s’avortant elle-même ou retardant sa re-naissance à l’amour.

Léo joue dans une sorte de mise à distance du personnage, Hélène, dans la prise en charge tripale et l’épure du personnage. Mille et une versions auraient pu se succéder, tant ce mot de la fin ne clôt pas l’histoire.

L’hymne au corps : un ego bien actuel

Cocteau pouvait-il convenir à un public polynésien ? L’auteur se moque des références : il n’affuble son texte d’aucune connotation temporelle. Les didascalies y sont rares. La pièce peut voyager dans le temps et les âges. Le personnage masculin d’Emile, plus jeune que les deux actrices, nous introduit dans la relation cougar bien contemporaine.
 
Aux antipodes…
Quelle que soit la version primitive ou celles que conçoit Julien Gué, toutes s’appuient sur les allusions livrées par le monologue. Le jeune homme tire sa réalité des clubs de danse de salon (rétros à l’européenne ou du 3ème âge), mais aussi des salles d’entretien musculaire (body building affectionné mondialement par jeunes et moins jeunes). Si la mise en scène de Cocteau était une gageure, dans le parti pris d’une présence masculine hermétiquement close, Julien Gué y introduit le contact, dans sa rigueur et sa violence : phénomène propre à notre siècle, sous toutes les latitudes.

De même, il réactualise le contexte un peu guindé à la Cocteau, dans cette dimension du corps et de l’apparence qui se traduisent pour l’homme par la danse et la boxe. Il ne saurait éluder du théâtre ni la composante chorégraphique ni cet hymne au corps, matérialisés en Polynésie par la danse et les joutes, sinon qu’il les transpose. Danse et muscles sont inséparables de la séduction !


Rai : celui qui me hante  
Focus sur le regard : le théâtre est image. La place du miroir est prépondérante : Emile s’admire face au public, dans les yeux du public, se nourrit d’une réalité hors-couple, concrétise l’incommunicabilité. Rai (Emile) emprunte au tango la manière d’être de son premier personnage. Position du corps, fierté, possession, balayage de l’espace, autosatisfaction masculine, parade sensuelle, conducteur du couple dansant : égo viril dans toute sa splendeur.

Sinon que sa danseuse est purement imaginaire. Léo, sa partenaire, tente de s’y substituer, de l’y suivre, d’entrer dans ses pas, de coller à ses codes et figures, à sa personnalité, d’exister. Dans le même processus, Hélène, entre coups de boutoir, vient le supplier au pied du lit, le capter à ras-du-sol, dans une attitude de supplique.

De l’hymne à l’amour, encore…

Si surprenant que cela puisse paraître, la majorité des moments humoristiques, conçus sur des fractures entre jeu et texte, entre attitudes paradoxales, se manifeste dans le public par un pâle sourire. Tant le sujet reste grave en fait ! Un sujet qui lui ressemble.
  
Polynésiens, Popa’a (occidentaux), Raere (transgenres)… tous concernés !  Si, par hasard, des réminiscences à la Piaf vous venaient à l’esprit, serait-ce pure coïncidence ?

Sublimer !
Malgré les défaillances liées aux conditions matérielles et autres impératifs techniques inhérents à l’absence de moyens du théâtre amateur, la représentation plein feu boîte de nuit révèle deux versions incomparables. Elles mettent en valeur de véritables prouesses d’acteurs.

Le Théâtre ne repose-t-il pas sur l’acteur ?

Un article de Monak



Tous droits réservés à Monak. Demandez l'autorisation de l'auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet ou dans la presse traditionnelle.

jeudi 20 juin 2013

« Le bel indifférent » à Tahiti



Théâtre de chambre façon Cocteau

 

Le patio du Morrison’s café, ouvert au ciel et aux intempéries, invite le théâtre à y faire une incursion exceptionnelle devant un parterre de convives attablés. Au centre de la capitale polynésienne brossé par les rumeurs et les néons nocturnes, il pose le décor sonore d’un spectacle bien singulier : Le bel indifférent. Belle coïncidence : la pièce de Cocteau se déroule dans une chambre d’hôtel dominant la rue.

En cette soirée du 4 juin 2013 l’ondée vient de cesser à Papeete ce qui signifie, pour les acteurs en formation de l’Association Horo’a, Léonore Caneri, Hélène Boyancé et Rai Tevaearai, un surcroît d’adrénaline. Mais il pleut dans leur cœur, tout comme dans cette mise en scène orageuse de Julien Gué. « Balayé », comme le chantait Piaf, le contexte des années quarante de sa sortie à Paris. Julien Gué nous livre une création audacieuse  qui emballe et ébahit le public venu nombreux. Bien lui en a pris : « Je ne regrette rien ».

Une scène à ciel ouvert
Abordant les tensions du couple en péril, elle ne dépayse pas les Polynésiens. Hétérogène et hétéroclite, le public mêle natifs, melting-pot asiatique installé depuis des générations et divers autres résidents étrangers ou de passage. Vaste panel de milieux sociaux aussi dont des déscolarisés précoces maintenant adultes découvrent pour la première fois le théâtre : une grande première.

 

Petit déballage critique

À travers sa distribution locale, découvrons dans les coulisses de la création ces astuces éprouvées par l’équipe pour en garantir le succès. Dans le bouquet de plantes vertes de la rampe, une souffleuse muette articule au summum de la mimique. Les pieds au bord de la scène, à portée de pulsation des acteurs, comment ai-je vécu cette première à Papeete ?

Quand il s’agit de théâtre, qu’attend-on des acteurs ? Qu’ils soient crédibles mais surtout qu’ils nous étonnent, nous bouleversent, nous embarquent.  Le challenge est honoré de ce point de vue. Les actrices ont été « fracassantes dès leur entrée en scène ». Des boules d’émotion à la mitrailleuse, une rafale d’élans au paroxysme, un vrai corps à corps avec l’assistance car, plus que paroles, elles sont charnelles. 

 La voix du souffleur : Florence Guettaa
Même si le texte originel est ardu, ficelé comme un objet clos, le jeu des acteurs le rend compréhensible, abordable, proche ; il a profondément touché. Le saisissement est au rendez-vous. Le monologue du personnage féminin adressé à un interlocuteur autiste au corps très parlant  repris en deux mises en scène distinctes, m’a fait vibrer. Tout comme la salle.
                                                                                               
J’ai totalement adhéré à l’investissement des acteurs, impliqués au bout de leurs limites : acrimonie de Léo alimentée par la désinvolture de Rai, vibrations tripales d’Hélène quêtant une réaction sentimentale de Rai. Car tout repose sur la puissance du jeu et l’interaction des rôles : là, le cadeau est immense, tout en éclats à couper le souffle, distribués entre le rôle muet de l’homme, constamment dans la bulle de son égocentrisme et le soliloque de dolorosa féminines, parfois furies, qui craquent et deviennent carpettes. Elles ont forcé mon intimité comme de vraies fulgurances. J’en ai tiré un plaisir immédiat.

Une équipée, la scène

Julien Gué innove en reprenant la même pièce avec des acteurs différents : deux couples sous les feux des projecteurs, pour le même cri de détresse dans le huis clos d’une chambre d’hôtel. Globalement, les deux séquences consécutives ont bien passé la rampe. Chacune dans son genre : la première fonctionne sur une tonalité plus aigre, la seconde nous sollicite de manière plus sensuelle. 

Un chassé–croisé plus qu’amer…
A contrario et successivement, la prestation masculine varie d’une séduction tous azimuts à une émulation de soi, plus fermée sur elle-même. Elle s’ancre dans une chorégraphie personnalisée où, sur fond de tango d’abord puis d’échauffement aux arts de combat dont la partenaire sert de punching-ball, répondent les accents du discours (féminin).  Cette conception renforce l’antagonisme du système de personnages, comme si le drame se rejouait à perpétuité. Le clivage est net entre la « version-tango » et la « version-boxe », séparées par un entracte.

La mise en scène est double. Elle ne s’appuie pas sur les mêmes nœuds du texte et varie selon les couples. Dense, elle ne manque pas d’inventivité : entre sollicitation incessante, invectives, retours sur soi et appel à la pitié. Elle explore les points clé du texte dans une mise en espace et en situation qui en font des moments forts. Et c’est là que se situe mon second plaisir sensualo-intellectuel : dans le déchiffrage de cette construction scénique complexe à souhait. Merci Julien Gué !

Cet inconnu nommé amour…
Si l’attaque est vigoureuse et le final va crescendo, par instants la dynamique accuse quelques faiblesses. Pas de secret : avec une durée de répétitions due aux contraintes de disponibilité des acteurs et équivalant au cinquième requis par le secteur professionnel, un temps de maturation aurait été bienvenu pour éviter les baisses de rythme et appuyer certains passages du scénario par un événement.

Au rendez-vous  du public polynésien

Quand il s’agit d’amour, parlons de rendez-vous. Et celui du Bel indifférent avec les spectateurs n’était ni détaché, ni insensible, ni dédaigneux, ni impassible. Au contraire : le public, tous backgrounds confondus, fait preuve d’enthousiasme, d’attachement, d’une véritable affection pour le spectacle et ses interprètes.

  Un éventail non-stop de sentiments…
A leurs dires, à leurs attitudes, bien calés sur leurs sièges et leurs banquettes de gourmets (foodies), se reconnaissent-ils, dans l’un des personnages et souvent dans un mélange des deux. Aux points forts du texte, à l’exacerbation des sentiments, à la cruauté des situations, au ressentiment, à l’explosion et au déchaînement des passions, ils se sentent concernés. Ils en témoignent.

Un geste de la main sur la cuisse de la voisine, un hochement de tête, des regards entendus pour se rappeler ce que certaines ont vécu ou vivent encore. Puis ces quelques mots échangés à la sortie du spectacle : « C’est fort ! Houch ! », « C’est nous ! », « On a tripé dans ce type de galère, sans pouvoir s’en sortir », « Dans notre vie, on a été confronté à ce genre de désamour, victime ou bourreau pas vraiment consentants ».

L’hébétude
On se secoue un peu pour sortir du grand choc de l’amour malheureux et de l’émotion catapultée par les deux figures féminines. « Ce Monsieur Cocteau, il aurait pu être de chez nous, d’ici ». « La deuxième femme, celle qui prend les raclées de son tane (mari), tout à fait kaina (local) dans ce qu’elle tient tête, qu’elle le provoque». Car, si l’interprète masculin a séduit par sa prestation physique, il ne fait qu’aviver par sa froideur le drame qui a fait  palpiter l’assistance.

Un vrai plaisir des sens
Ces deux images sont représentatives de la complexité de la mise en scène. D’une part, elles étoffent le personnage masculin dans tout ce qu’il signifie de cruauté et d’autolâtrie (danse, musculation). D’autre part, elles sont jouées en contrepoint par l’interprète féminine. Ce genre d’appropriation et de détournement font plus que me convaincre : elles me procurent un plaisir extrême. Une véritable stratégie scénique est à l’œuvre.

Le chantage du silence  
Ce qui m’a vraiment conquise dans cette tragédie de l’illusion de l’amour, de sa déréliction, de sa consomption, de son exténuation, c’est ce portrait initial qui résume et augure du jeu des deux actrices. Deux images qui déterminent la suite des deux mises en scène avant l’entrée du partenaire : deux visions du metteur en scène, deux ressentis qui le concrétisent. Léo nous introduit dans un rapport à l’autre fait de ressentiment et de frénésie impuissante, s’en prenant à l’oreiller, le respirant, le tordant, le retapant, comme pour lui insuffler une autre nature. Son final sera un cri. Hélène s’abandonne à un onanisme consommé et consumant, comme pour ressusciter les flashs fusionnels. Elle clôt le spectacle en position fœtale.

La désespérance

Dans une scénographie minimaliste, sans mobilier, dont le lit est excentré pour laisser place à une sarabande d’habillage et de déshabillage autour d’un perroquet, les rapports de couple sont mis à nu dans la mise en scène de Julien Gué. Pas seulement dans leur fonction de servitude, mais dans la mesure où nous, public, pouvons les endosser. La fenêtre et le miroir en avant-scène, focalisent ce regard de voyeur du public.

 

Piaf et “Le bel indifférent” vus par Paul Meurisse

Biopsie de l’acteur ? D’une certaine façon, à n’en pas douter, car l’acteur est la clé de ces deux versions du Bel indifférent.

 

A voir et à revoir, dirait-on, même si la représentation du Morrison’s Café restera unique. Même si l’image finale ressemble à une fausse fin.


Un article de Monak

A suivre « Scène d’enfer au paradis : la brûlure des planches », un article de Monak où les acteurs racontent leur aventure avec Cocteau qui promet des surprises de jeu et une interview exclusive de Michèle de Chazeaux.

          Tous droits réservés à Monak et Odile Dufant. Demandez l'autorisation des auteurs avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet ou dans la presse traditionnelle.

jeudi 6 juin 2013

Moorea, the sister island

Smart suburb of Tahiti

Second most populous island of French Polynesia, Moorea becomes, since a few years, the smart suburb of its big sister, Tahiti.

Moorea Island seen from high above  in the sky
By 17° 29’ 31” of latitude South and 149° 50’ 8” of longitude West, Moorea Island (Mo’orea in Tahitian language) lies barely 17 km on the Northwest of mythical Tahiti.

Moorea Island Map
 Initially named by the Polynesians Aimeho or Eimeo, Mo’orea means in reo Tahiti (the local language): “lizard (mo’o) yellow (rea)”.

Moorea and the history
Given their very great closeness, the history of the islands of Tahiti and Moorea makes them inseparable.

Moorea, with Tahiti in background 
 As regards the period prior to contact (understand the arrival of the western “discoverers”), both islands knew the same development.

They were discovered and inhabited at the same time by the same people. Afterward, even there were numerous conflicts, there were always royal alliances. This past, these ancestors and this history together common were never really denied.


The first Westerner who entered officially Moorea on a map (as Duke of York Isle) was the British Samuel Wallis, in 1767, when he landed in Tahiti. But he didn’t bother to travel, considering useless to investigate it.

In 1769, the explorer James Cook’s officers and naturalists went to settle an astronomical observatory. But the famous captain, he too, didn’t set foot here. It’s only in 1777, during his last journey in French Polynesia that he landed on the island for the first time. The place where he casts during some days, Papao’s Bay, one of the most beautiful of the South Pacific, is since called to his memory Cook’s Bay.

Cook’s Bay, seen from the Belvedere
English missionaries, in 1817, installed the first ones a mission of evangelization here. They created a sugar refinery and a textile factory there. But their efforts were annihilated when the Island was annexed by France in 1843, at the same time as Tahiti, direct consequence of the Pritchard affair.

Legend of Mouaputa, the leaky mountain
 One night, the god of the thieves, Hiro, tried to steal Rotui Mount to take it at home, to Raiatea. He put a rope around the mountain which he hung on his outrigger and began rowing. But Pai, “superhero” who stayed up since Tahiti, surprised him in full act. He climbed a hill and threw his lance to stop Hiro.  

Mouaputa Mount, the leaky mountain
He missed him, but the weapon crossed Mouaputa Mount, leaving the hole which we can see there still, ended its race to Raiatea, breaking a piece of rocky peak. Hiro gave up Rotui Mount, but seized all the same a small hill which he brought back at home to Raiatea. This hill is always visible today, just next to Taputapuatea Marae.

Moorea and the geography
            Quite as Tahiti, its big sister, Moorea is a part of Winward isles, in the Society Archipelago, one of the five which form French Polynesia.

Both islands are separated by a deep channel about 17 km wide which reaches, by places, more than 1 500 m of depth.

Contrary to Tahiti, Moorea is completely encircled by a lagoon. Nevertheless, it remains widely opened on the ocean thanks to its twelve shipping waterways.

Rotui Mount and Cook’s Bay and Opunohu Bay
Extremely steep, the island is constituted by eight particularly stiff mountains which offer spectacular landscapes. The highest, Tohiea Mount, peaks at 1 207 m. This very particular relief doesn’t leave enough space for 16 191 inhabitants (inventory of 2007), distributed on ten villages which nest according to valleys, among the almost totality of the circumference of the island.

Rain and sun on Moorea from Opunohu Bay
Shaped like a butterfly with spread wings, Moorea Island is altogether encircled by 70 km of a coastal road offering luxurious landscapes. This road binding all the villages, besides its vital economic role for the inhabitants of the island, also allows the casual traveler to discover the magic sites of Cook’s Bay and Opunohu Bay.

Moorea and the economy
            The main activities of Moorea are the tourism and the farming.

If the tourism, in Polynesia, is a sector seriously in crisis, Moorea continues to make (with it) its main economic resource. Nevertheless, during the last decade, several luxury hotels had to close their doors, starting with the most famous: the village of Club Méditerranée. Nevertheless, Moorea remains the third island the most visited of Polynesia, after Tahiti and Bora Bora.

One of the upper-class hotels of Moorea  
Besides hotels, the island offers very numerous boarding houses by allowing the tourists to stay far cheaper and likely nearer the population.

The presence on the island of the only agricultural high school of Polynesia, on the other hand, is a driving element of the local agriculture, also worn by the plantations of pineapple of Rotui Company which produces fruit juices of the same name.

Except these two main activities, we count number of small food-producing farms and activities service providers of the tourist operators.


Dolphins and tourists are sometimes compatibles…
Contrary to Tahiti’s one, Moorea’s lagoon is still in excellent health, even if it seems very fragile and already threatened in certain places.

Moorea, smart suburb of Tahiti 
            If the flight connection of Air Moorea was deleted at the end of the year 2010 (seven daily return flights), many sea links bind both islands, allowing the inhabitants of Moorea to work in Tahiti while going back home every evening.

One of Twin-Otter of the deceased Air Moorea Company
It’s the same for the high school students who are obliged to come to Tahiti to attend their studies, because there are no secondary establishments on the island sister.

Thanks to it, numerous easy families choose to settle down to Moorea while keeping their professional activities in Tahiti, transforming little by little the island sister into island-dormitory…

Tahiti seen from a beach of Moorea   
But, the weekend, the Tahitians cross the channel to enjoy a trip out of town, to get a breath of fresh air in the “countryside”…

An article of Julien Gué
Translated from French by Monak

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