Lagons et cocotiers en 24 images secondes
Alors
que le cinéma en est à son deuxième siècle d'existence, aussi isolée soit-elle,
la Polynésie française a inspiré bien des histoires immortalisées sur la
pellicule.
Tahiti ou la joie de vivre : 1957 |
Les
toutes premières séquences cinématographiques tournées en Polynésie seraient
l’œuvre de Gaston Méliès (le frère du célébrissime Georges Méliès). Âgé de
soixante ans, il s’embarque pour un long périple dans les mers du Sud pendant lequel
il tourna de très nombreux films dont aucun ne trouva d’acheteur à son retour.
C’est
au cours de ce voyage qu’il aurait tourné en Polynésie un film intitulé «
Ballade des mers du Sud ». Hélas : ce film s’est perdu corps et bien !...
N’ayons pas trop de regrets : il n’est pas certain du tout qu’il ait été tourné
à Tahiti. En fait, la venue même de Gaston Méliès sur nos îles est sujette à
caution.
La
véritable histoire polynésienne du cinéma de fiction débuterait donc, avec
certitude cette fois, en 1927 avec un film de Robert Flaherty et W. S. Dyke : « White shadows of the south sea », plus connu sous le titre « In the South Seas » et qui
deviendra « Ombres blanches » en VF.
C’est ce même Flaherty qui signera au côté de Friedrich Murnau le scénario du « Tabu » tourné à Bora Bora deux ans
plus tard.
Pendant le tournage de Tabu |
Fictions et documentaires
Tout comme pour la peinture ou la littérature, nos îles ont toujours été une source inépuisable d’inspiration pour les cinéastes. Le mythe polynésien est toujours aussi puissant pour la plupart des artistes occidentaux, mais l’ouverture de l’aéroport de Tahiti permit une augmentation sensible des tournages. L’intérêt des télévisions du monde entier pour nos paysages, les merveilles des eaux transparentes de nos lagons ou les mystères des civilisations polynésiennes ont considérablement multiplié le nombre de ces tournages. Au point que des producteurs locaux ont trouvé place sur ce marché, alimentant ainsi, outre les deux chaînes de télévision locales, des programmes du monde entier. Aujourd’hui, les professionnels de ce secteur se sont fédérés afin de pouvoir négocier avec les autorités une véritable reconnaissance et des soutiens financiers comparables à ceux existant en métropole.
Le film le plus célèbre avec Marlon Brando |
Il
n’en va pas de même pour les films de fiction. En quatre vingt ans, une
vingtaine de films seulement ont été réalisés au fenua. A cela plusieurs
raisons. La première est liée à l’histoire même du cinéma : jusqu’au début des
années soixante, la quasi-totalité des films était tournée en studio. Ensuite,
la pellicule cinématographique est un support extrêmement fragile et nombre de
bobines arrivèrent dans les laboratoires détruites ou détériorées alors que les
équipes de tournages étaient rentrées chez elles. Il était donc impossible de
retourner les séquences concernées. Enfin, la lenteur et le coût des voyages
rendaient le tournage en studio beaucoup moins onéreux. Aujourd’hui encore,
tourner en Polynésie coûte très cher.
Pour
toutes ces raisons, nombre de productions ont été (et sont toujours) réalisées
sur d’autres îles moins isolées, par exemple dans les Caraïbes. L’intrusion de
l’outil informatique au cinéma permettant d’utiliser des séquences déjà
tournées comme décor, cette méthode particulièrement économique est de plus en
plus souvent utilisée pour d’évidentes raisons de rentabilité.
Ainsi,
si la Polynésie a servi de toiles de fonds à de nombreuses productions, bien
peu de ces images ont été effectivement tournées sur place.
Le mythe et la réalité
Si nos îles ont souvent servi de cadre au cinéma à de nombreuses fictions d’aventure ou sentimentales, le mythe du « paradis sur terre » n’y est pas étranger. Mais l’utilisation qu’en firent les cinéastes du monde entier n’a fait que renforcer le mythe. Ainsi, se nourrissant de lui-même, il continue de grandir, se servant du cinéma comme d’un puissant amplificateur. Alors, ces images de la Polynésie constituent sans doute la plus efficace et la moins onéreuse des promotions pour nos îles.
Photo de plateau pendant le tournage de "Tahiti la joie de vivre" |
D’autre
part, le
tournage d’un long métrage représente un apport financier non négligeable
dans l’économie locale, de manière directe et indirecte.
Demain sur nos écrans…
De plus en plus, de jeunes polynésiens passionnés travaillent avec ces professionnels venus d’ailleurs et découvrent leurs métiers. Ce sont ces mêmes jeunes qui, à l'image du très prometteur Erwin Lee, vont faire des études cinématographiques en Europe, aux États-Unis ou en Australie pour devenir techniciens, réalisateurs, cameramen… On peut donc rêver qu’un jour prochain une fiction de long métrage, écrite, interprétée et réalisée par des Polynésiens, s’affiche au fronton des salles obscures du fenua et d’ailleurs.
Le dernier long métrage tourné en Polynésie, bien qu'il soit censé se dérouler en Nouvelle-Calédonie... |
En
attendant, l’activité cinématographique reste un des espoirs du développement
économique de la Polynésie qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires, et
les productions locales qui sont de plus en plus nombreuses. Des évènements
comme le Festival International de Film Océanien (FIFO) sont là pour nous
montrer le dynamisme de ce secteur en train de naître.
Sources :
-
Premier catalogue des films ethnographiques sur la région du Pacifique,
introduction de Jean Rouch, Unesco 1970
-
Bernard Rapp, dictionnaire mondial des films, Larousse 1995
Mes
remerciements particuliers à Eric Bourgeois et Marc Louvat de l’ICA pour leur
aide si précieuse. www.ica.pf/, www.cinematamua.canalblog.com/
Toutes
les images qui illustrent cet article proviennent des collections de l'Institut de la Communication Audiovisuelle
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Cet article vous a fait réagir ? Partagez vos réactions ici :