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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

jeudi 16 décembre 2021

19è FIFO L’hybride


Dans les limbes du Pacifique

 

           Sous le signe d'une double renaissance - présentielle et distancielle - le 19è Festival International du Film documentaire Océanien se tiendra du 05 au 13 fév.2022 à Papeete. la conférence de presse (9 déc.21), concoctée par l'Association du FIFO vient de la confirmer sur le Paepae a Hiro de la Maison de la Culture Te Fare Tauhiti Nui.


            Premier indice de taille, le Festival International du Film Documentaire Océanien (FIFO) refait surface en partie sous sa forme initiale – renoue avec 19 ans de rencontres et de partages entre documentaristes et public – et renaît comme le phénix dans une configuration hybride : « physique » et « numérique ». Suite à une 18è Session uniquement « virtuelle » pour cause de pandémie mondiale : édition exceptionnelle, qui cependant a réussi à promouvoir une visibilité étendue aux autres continents, elle était animée façon studio  sur la scène du Petit Théâtre désert, par l’équipe de l’AFIFO. Un acquis qu’il convient de maintenir.


Des images, ensemble : oui !

              En même temps, comme pour concrétiser la régénération de l’oiseau mythique, l’affiche du 19è FIFO puise dans l’image de Pluck – court-métrage de la réalisatrice néo-zélandaise ViV Kernick (18è session / Off/ Fenêtres sur courts) – cet emblème de la restauration d’un passé enfoui et prêt à s’envoler : le korowai, la cape de prestige maori, se ravive de toutes ses plumes…

L’affiche du 1er FIFO  à l’expo du cinquantenaire

             Le cinquantenaire de Te Fare Tauhiti Nui s’achevant vous pouvez encore vous profiler dans les reflets de l’exposition « Un demi-siècle d’histoire(s) », sous la galerie couverte. Conçue par Jean-Christophe Shigetomi, (Président de l’Association Mémoire Polynésienne et médiateur culturel) : instructive, elle ne manquera pas de vous interpeller et de vous en faire déchiffrer les symboliques telle « Nā maeha'a (Nos jumeaux). à moins de la suivre en virtuel en cliquant sur le lien.

 

Un site, un océan documentaire

             L’accueil se poursuit donc, depuis la création du FIFO (2004), expose en substance Yann Teagai, directeur actuel de TFTN, conformément aux mesures sanitaires « sollicitées par les Autorités ». La couverture médiatique assurée par Polynésie la 1ère, qui souhaite in fine, par l’entremise de Gérard Hoarau, son Directeur, retrouver la dynamique de « l’avant-covid » dans cette manifestation qui « ouvre la reprise de la saison culturelle ». Place donc aux véritables acteurs de la nouvelle session 2022.

L’accueil

Et pour entretenir le lien avec feue la précédente session, pour compenser aussi la quasi absence du FIFO Hors-les-Murs et de son périple coutumier inter-îles, le Musée de Tahiti & des Îles – Te fare Manaha organise des projections libres du 10 au 12 décembre. Car un Festival en distanciel se vit amèrement, déplorent les organisatrices incontournables de l’événement : Mareva Leu, Directrice Générale et Miriama Bono, fédératrice & ordonnatrice. La privation de dimension humaine, de contacts réels avec les participants, les réactions des spectateurs laissent une empreinte indélébile.

La conférence de presse accuse des carences notoires, dues au confinement sanitaire de certains états du Pacifique. Le jury du FIFO se verra encore contraint de délibérer en visioconférence. L’équipe instigatrice, ne pourra ménager sa peine, amenuisant son temps de sommeil en fonction des décalages horaires. Le virtuel pour pallier la crise sanitaire, mais à quel prix ! Celui de l’épuisement d’une équipe qui gagne ! Restons lucides. 

 

Une sélection et un jury aux couleurs océaniennes

              Sur 130 documentaires inscrits, taux qui a augmenté d’un tiers après le premier confinement mondial, 38 ont été retenus pour le FIFO ; soit un peu plus du tiers aussi. La sélection officielle est sévère, fondée sur la qualité. Le rapporteur du comité de présélection (7 membres polynésiens) en souligne les critères, regrettant les faiblesses de certains films et la défaillance de la Polynésie dans la catégorie compétition. Ce qui risque de faire couler beaucoup d’encre.

Mareva Leu & Miriama Bono

En dehors du thème capital que constituent « montée des eaux et protection de l’environnement », la tendance est endotrope, l’accent est mis sur la focalisation interne, en ce qui concerne « l’histoire – point de vue des victimes –, la vie traditionnelle, l’identité », nous informe-t-on. Quant aux liens inter océaniens, ils s’attachent aux pratiques sportives – dont l’incontournable « ovalie » – , picturales, poétiques et musicales, nous fait-on part.

           Sur les 12 films en compétition, la moitié provient d’Australie. Des 17 films hors-compétition, 7 relèvent du fenua. La section Fenêtre-sur-courts comporte 9 courts-métrages.

            Quant aux courts-métrages de fiction, encore plus courts que dans la précédente section, d’une teneur et d’une facture fantaisiste, nous assure-t-on, la sélection – dont s’acquitte un autre comité de 6 membres – compte 10 films sur les 23 fictions inscrites.

 

Des limbes du Pacifique…

             Le clou de cette approche du 19è FIFO reste bien évidemment la révélation du jury. Commençons par les dames qui constituent la totalité des 6 membres :

-         l’Australienne Hollie Fifer, réalisatrice, commence sa carrière en 2009 et navigue en Océanie avec The Opposition (Papouasie-NG), Grand Prix du FIFO 2017. Directrice des programmes à la Doc Society, elle réalise Unbalanced, « axé sur l’artiste pendant le confinement 2019 ».

-         la Néo-zélandaise Kathryn Graham, responsable du département de développement maori à la New Zealand Film Commission et chargée de production pour Maori TV et TVNZ

-         l’Hawaïenne Beckie Stochetti, Directrice exécutive du Festival International du Film Hawaïen, productrice.

Toutes trois ailleurs : raison pandémie sans doute. Et sous le banian, la surprise du jour, les trois Polynésiennes qui complètent le jury :

-         Heiura Itae-Tetaa, Directrice de Speak Tahiti-Paraparau Tahiti ; auteure, journaliste et productrice de films documentaires et de série de fictions ; auteure  du film Des Paroles et des écrits (FIFO 2019)

-         Tepiu Bambridge, Directrice éditoriale de Polynésie la 1ère, journaliste et présentatrice

-         Virginie Tetoofa, réalisatrice et productrice d’Ahi Company. Un petit clin d’œil à son premier court-métrage ‘Arioi Vahine (2009) et à la série Paripari Fenua.

Des limbes au jury du Pacifique…

             Virginie encore étonnée à en perdre la voix et qui vous explique : « Je ne pensais pas avoir achevé assez de projets pour être au jury, mais au final je suis contente de faire partie de l'aventure et d'être de l'autre côté du miroir. J'attends aussi avec impatience les débats avec les autres membres du jury et de découvrir les 12 films en compétition. L'Australie en ayant 6 en lice, je pense que la compétition sera rude.» 

Conjonction de paroles

           Et pour couronner un conseil singulier, à la tête du jury le Néo-calédonien Emmanuel Kasarhérou, président du musée du quai Branly. diplômé de l’Institut national des Langues et Civilisations orientales (INALCO) en langues et civilisations océaniennes (1981) et titulaire d’un Diplôme d’Études Approfondies d’histoire de l’art et d’archéologie à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne (1985).

Un président néo-calédonien : L’Art est Parole

               Auteur, avec R.Boulay, de Kanak. L’Art est une parole (2013), en corrélation avec l’exposition du même nom ; il précise dans [#Ma Parole] : « La culture kanak, c’est une parole qu’il faut écouter »

La parole, elle est au cœur du compte-rendu lyrique de Moana’ura Tehei’ura du comité de sélection FIFO, chorégraphe, également présent au Salon du Livre, Président du jury du Heiva 2018, concepteur chorégraphique de Pina’ina’i où « libérer le mot du livre pour le faire vibrer à l’oreille du spectateur »constitue sa préoccupation scénique première.

La parole est un art : Moana'ura Tehei'ura

Se réjouissant du choix du premier président (du jury) autochtone, nous livrant une synthèse vibrante et saisissante de la sélection, citant chaque archipel concerné : « Parole douleur (Papouasie-Nouvelle Guinée), Parole deuil, Parole authentique, Parole Art (Nouvelle-Calédonie), Parole espoir (Kanak), Parole femme, Parole Histoire vue de l’intérieur pour corriger ce qui a été raconté, Parole des écrivains, Parole révolte, Parole réparation… », il cite Chantal Spitz, dans "Ihotupu" (Indigène) :

 « La parole est le refuge du peuple Pour que l’essence de la terre devienne terre Pour que l’essence de l’humain devienne humain »

Parole cinématographique, parole échange, parole critique, parole satisfecit, parole émotion, parole reconnaissance, souhaitons à l’aventure océanienne tant attendue, le cri du cœur.

Un article de  Monak

 

- Cf. Paul Wamo, je demande la PAROLE… (réalisateur Julien Faustino) + Des Paroles & des Écrits (Réalisateur Denis Pinson) au 16è FIFO (2019):

https://www.youtube.com/watch?v=26tWadbwB6I

- Un site FIFO  où partager dès maintenant ; car il évolue en permanence : https://www.facebook.com/fifo.officiel

 

              Tous droits réservés à Monak & Julien Gué. Demandez l’autorisation avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

 

jeudi 18 février 2021

18èFIFO suite & fin

 

Suite et fin

 

          Le 18ème FIFO 100% numérique terminé, reste à se demander si la formule particulièrement performante au niveau de la communication immédiate ne présenterait pas le danger de cantonner la culture à  une pratique exclusivement distancielle ?

 

           Évidemment, les circonstances de la pandémie, considérées par tous comme exceptionnelles, nous mettent devant le fait accompli d’une fermeture des lieux de culture ! Ce qui pousse les plateformes numériques à accroître leurs performances. Le résultat est là : nous avons bénéficié d’un accès accru à la culture et pour le FIFO de la diffusion et de la visibilité de l’événement en un simple click… et dans un fauteuil. Ce qui représente par ailleurs des contraintes financières.

 

 La magie sonore ?

            Sauf que la situation dure maintenant depuis un an et que personne ne sait quand va s’achever la crise sanitaire. Sauf que nous devons nous contenter de n’être que de simples voyeurs passifs et qu’un colloque, une table ronde, un atelier se dynamisent avec la participation effective du public. Bon d’accord, nous pouvons être reliés par téléphone au plateau comme dans Cross wires.

           Sauf que et enfin, si le numérique nous a permis de déguster les films du FIFO sur le mode intime… les écouteurs dans les oreilles, et d’entrer à plein dans la magie sonore - je pense à la composition électronique de Fabien Bourlier dans Eden Tribal -, l’expérience nous parque dans notre individualisme.

 

 Redéfinir la culture ?

            En fait, nous n’avons pas mis beaucoup de temps pour nous adapter au nouveau fonctionnement digital : juste un click ! et nous avons pu aménager notre propre planning de réception. Mais la culture peut-elle se suffire à l’unique consommation tout comme pour les musées et expositions en ligne ?  

         Addictes à nos écrans, la formation en ligne, on connaît, même que les Masters Culture se développent à vitesse grand V. Vrai que dénommer "festival 100% numérique" plutôt que "festival sans public", la frustration est moins grande ! Tu parles !

Comme des ombres

           Sauf que l’idée d’un festival étant de partager ses idées, pour qu’elles fusent, se renouvellent et explosent, le festival en ligne demeure une aberration. Sauf que les réalisateurs de documentaires restent à l’affût du public et que leurs œuvres, comme les nouvelles tendances, elles ne surgissent que de la confrontation avec le public : et pas sur les plateaux animant des salles vides ou dans les laboratoires du virtuel. 

 

La sélection : des critères ?

         La production des films documentaires étant ralentie, sinon quasiment stoppée comment vont se définir les critères de sélection pour la prochaine édition du FIFO ?

       Va tout de même falloir me dire pourquoi aucun des films sélectionnés toutes catégories au 18èFIFO ne traitent des mesures contraignantes de confinement édictées mondialement ? Aucun documentariste ne s’y serait aventuré ? Le sujet brûlant du démantèlement insidieux de nos sociétés ne concernerait personne ?

Eh oui ! rebondir...

            Les reportages qui circulent sur la toile seraient-ils par trop virulents ? Se seraient-ils sabordés qualitativement par manque de distance ? Manque de temps ? Pourtant chaque date butoir d’inscription se solde par un casse-tête. Serait-ce par censure ou autocensure : ne pas déranger l’ordre établi ? Le 1er confinement (mars 2020), pourtant moins drastique dans certaines régions a déclenché des rituels d’exception.

 

La connectivité, enfin !

        Nous n’avons plus qu’à souhaiter ou proposer que le 19ème FIFO soit 50/50 présentiel et distanciel : de façon à multiplier les voies d’accès et à nous en laisser le choix ponctuel. Qu’il fasse fructifier les avantages du numérique :  à la fois pour que nous puissions accéder librement aux connexions et nous permettre de participer aux moments forts, comme les débats.

            Mais surtout, qu’il réhabilite la dimension humaine ! Que la résistance culturelle s’organise pour que nous ne soyons encore contraints de nous contenter des miettes que le politique nous jette en pâture. Bien sûr, nous avons évité la neige pour les uns, les trombes d’eau sous les tropiques, en nous calfeutrant bien au chaud derrière nos écrans !

Dans une autre vie

         Hypothèses bien vaines si les prises de conscience des organisateurs ne sont pas validées, entérinées et soutenus par les professionnels et les spectateurs.

           À moins que, justement, cette propension de toutes les catégories du 18ème FIFO à philosopher sur la mort… sur l’enfermement comme refuge, sur la survie post-traumatique à la promiscuité intrafamiliale dont l’inceste… n’ait été qu’une préfiguration à la mort de la culture !

            La connectivité humaine, que diantre !

Un article de  Monak

 

                  Tous droits réservés aux auteurs. Demandez leur l’autorisation avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

en Compétition 18èFIFO

L'écriture de tous les destins

 

       Langage, communication ! Le cinéma a son langage : celui de l’image ; l’alphabet de ces signes ou de ces sens audiovisuels. Une écriture que capture la caméra et que restitue l’écran.  De quoi parle-t-on dans les films en compétition du 18ème FIFO ?

 

        Depuis sa création (2004) le FIFO a pressenti le rôle que pouvait jouer le film documentaire océanien : espace d’expression, vitrine d’exposition, il est aussi une tribune. Mais il ne s’en contente pas. Sa fonction ? conscientiser et engager le spectateur et le monde sur les réalités et les problèmes qui incombent, déséquilibrent et noyautent nos sociétés.

          Les évidences, la réalité océanienne, elles sont forcément identitaires. Qui mieux que soi pour parler de soi ! Que s’opère ce renversement du regard de l’Autre : passer enfin à l’ère de la culture qui éradique définitivement la doctrine de l’assimilation (qui se trouve loin d’être égalitaire !), comme la notion de civilisation dans les territoires anciennement ou encore colonisés.


                                    L’écriture de la Terre

Les pages d’histoire du 18èFIFO, rétrospectives ou contemporaines, avèrent parfois très crûment que « l’assimilation, ça signifie l’aliénation, le refus de soi-même », dixit Césaire que j’approuve. Rappelons : Eden Tribal (NK), Roch Pidjot, le souffle de la dignité (NK), The skin of others (AUS), et dans les Films hors compétition :  4 Nov 2018 – Le temps de l’identité (NK), Gambier, le crépuscule des idoles (PF), La route des Arts et enfin Tahiti, l’invention du Paradis (FR).

 

écrire au FIFO

Ou en d’autres termes : Quelle culture ? Citons à nouveau Aimé Césaire, puisque le FIFAC a ouvert cette 18ème session : « à tort ou à raison, j’ai toujours pensé que l’arme pour nous - on n’y croyait pas suffisamment -, c’est la culture. On opposait alors civilisation à sauvagerie.

Mais les ethnologues et l’expérience nous ont appris qu’il y a la culture. Je définis la culture ainsi : c’est tout ce que les hommes ont imaginé pour façonner le monde, pour s’accommoder du monde et pour le rendre digne de l’homme. »

                                                    L’identité culturelle n'est pas vénale

Et pour conclure : « Il faut relire le Discours sur le colonialisme [6] — nous sommes en 1955 — et sa dénonciation de la société occidentale, européenne et américaine, son ethnocentrisme, son idéologie « chrétienne » mystifiante, son « humanisme formel et froid » dans lesquels, dit Césaire, « la perte de l’Europe elle-même est inscrite » si elle n’y prend garde. » (Albert Gauvin)

        Ce qui présuppose une coopération évidente entre bailleurs de fond et réalisateurs qui peut s’avérer contradictoire : quand les demandes de subventions à la création soulèvent l’épineux dilemme de ne pas heurter la politique de l’état bailleur. À condition de ne pas se trouver en butte à la censure. Tel est le dilemme auquel se trouve confronté le film d’impact !

 

                                                  Makatea : les blessures de la terre

Il est des tatouages qui blessent : la terre s’en souvient et peine à cicatriser ses injures : Makatea,terre convoitée ne peut en boucher tous les trous. Il est des pages que l’histoire n’aurait pas voulu tourner : soit qu’elle n’a pas fini de s’accomplir comme pour Roch Pidjot, le souffle de la dignité ; soit qu’elle s’inscrive autrement Loimata, Shot Bro.

 

écrire ou réécrire l'histoire

Il est des pages que l’histoire a souillées : et la honte résonne encore sur les générations sacrifiées. The skin of Others. Qui sont “ces autres” que la pudeur ne peut nommer. « cet autre soi-même, devenu étranger à soi». Ces autres humains auxquels ne sont accordées que des droits civiques tronqués.

          Comment l’histoire a-t-elle pu autoriser de telles abjections ? confiner les autochtones comme des animaux dans des concessions, les occulter comme le dénonce Roch Pidjot en 1945 ! à l’ère technologique, de la thermodynamique, des recherches spatiales, de tant de progrès…

 

                                                                " Deux couleurs, un seul peuple " 

          Comment a-t-on osé s’appuyer sur la théorie aberrante de l’infériorité des ethnies locales, du code de l’indigénat qui reproduit de fait le système de l’esclavage antique : où des privilégiés exploitent le travail d’esclaves qui n’ont pour tout salaire que l’aléa de survivre à la fosse aux lions des arènes officielles !

          Roch Pidjot assume, à la tête de l’UICALO (Union des Indigènes Calédoniens Amis de la Liberté dans l’Ordre) puis député (1964 à 86), malgré la surdité et les humiliations de la métropole, un rôle d’intégrité  en vue de la réappropriation d’un patrimoine en partie confisqué : dont le festival Mélanésie 2000 (en 1975) pourrait en être le symbole.

 

l'écriture de la vie 

Il est des parcours de vie que le suicide stoppe  brutalement. Jess Feast, la réalisatrice des fééries aquatiques de Mana Moana3, amorce Shot Bro (NZ) par une noyade sur fond d’incantations. Prenant le relais du one-man show de Rob Makaraka, elle nous alerte sur ce fléau qui ravage massivement les pays d’Océanie. Un taux impressionnant qui touche la minorité māori de Nouvelle-Zélande. La Polynésie française n’est pas épargnée.

Étonnant, - ce qui en fait sa force poignante -, le documentaire s’appuie sur deux fils conducteurs : il suit la tournée théâtrale de l’acteur, son investissement, la charge émotionnelle qui s’en dégage, les ressorts qui créent le contact direct ; d’autre part, il va investiguer les déclencheurs du suicide, les traumatismes refoulés, à travers le témoignage de Rob Makaraka, mais aussi dans les rencontres avec les publics vulnérables auxquels son spectacle est destiné : groupes de parole, Associations de prévention, centres de détention. 

 

                                                                  Le combat pour la vie   

            C’est que Rob Makaraka, survivant d’une tentative qui a défrayé la chronique en 2009, tente avec son spectacle de provoquer un dialogue interactif, de reconnecter, d’écouter ceux que le silence enferme dans la spirale du suicide. « Drôle, sombre, réaliste » sa pièce ; sincère, il se livre. Le retour est chaleureux.

 

l'écriture de soi

Il est des pages vierges où s’accomplir résonne à l’écho des voix de la communauté. Où l’espace de le faire est si proche qu’il vous entoure. Gerard Elmore vous convie à en découvrir le rituel avec Ka Huaka’i : The Journey to Merrie Monarch. C’est aussi l’histoire de la restructuration de la Troupe qui vous est contée, celle d’un idéal.

Limité à Hawaï, pour qu’il garde son authenticité, le hula ancien, marque de la troupe, varie selon la lignée familiale : ici, la transmission est féminine. Gestuelle, pas, déhanchement, chants et interprétation rigoureusement codés racontent une histoire destinée à informer, passer un message ou s’entretenir avec les dieux. Seuls pahu et pūʻili les cadencent. Disparu sous la pression religieuse, illégal même, il revient en force à partir de 1874. Monarch ? car il est dédié au roi qui le réinstaura.

 

                                                                Un voyage transcendantal

        Que cherchent Tatie Launa et les danseurs aguerris ? au-delà de la technique, le dépassement, une fusion mystique, un voyage transcendantal.

         De plus en plus impacté et impactant, le film documentaire océanien soulève de plus en plus de problèmes de fond. Son propos se durcit et ménage de moins en moins d’instances. Belle évolution que ce 18èFIFO ! 

 

Un article de  Monak

 

          Tous droits réservés aux auteurs. Demandez-leur l’autorisation avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

 

À voir absolument : Shot Bro  https://storybox.co.nz/project/shot-bro/

 

 

mardi 16 février 2021

Plein cœur 18ème FIFO


En  arts et en lumière


 

        9 Films "en compétition" pour le 18ème FIFO.  Sourire amusé pour ces chiffres qui jonglent entre eux, un peu coincé pour ceux qui depuis le 6 février 21 attendent le verdict du 12 : les réalisateurs.

 

          À balayer l’ensemble de ces 9 longs-métrages documentaires, se relève un panel représentatif des pays de la sphère océanienne participant à cette édition exclusivement numérique du festival : avec, par ordre de figuration La Nouvelle Zélande (3) avec une incursion vers Samoa, l’Australie (2), la Nouvelle Calédonie (2), Hawaï (1) et la Polynésie française (1).

 

                                 au coeur de la composition 

           Parmi les “grosses pointures” du 18eFIFO, un trio indéniable de réalisatrices(teurs) se distingue pour la profondeur même du propos. La trame filmique doublée d’une mise en abyme  est sous-tendue par une allégorie qui la structure : les équipiers du waka pour Loimata, le double (l’incrust), l’ombre dansante pour Freeman, le roc fondateur ou meurtrier pour The skin of others.

 

          De fait, la catégorie "en Compétition" du 18ème FIFO, nous révèle des documentaristes-créateurs qui alliant audace et brio, pour relater le fait social, l’essence et l’interprétation symbolique d’arts voisins : la voile, la chorégraphie, le travail d’acteur. Ce qui  montre la qualité et l’inépuisable talent des réalisateurs.

 

Mon coup de coeur

Mon coup de cœur se nomme The Skin of Others (Australie) ou comment aller au bout d’un rêve. Dr Tom Murray, réalisateur, ne pouvait mettre au panier le projet de porter à l’écran, l’enfant du Bush à la famille massacrée (#1887 ) - Douglas Grant - , sous les traits de  Balang T.E. Lewis, l’acteur aborigène qui devait en incarner le rôle.  Le réalisateur, au décès de Balang (2018) en plein tournage, conçoit une mise en écho des deux destins, distants d’un demi siècle, mais si semblables dans cette Australie de l’apartheid non déclaré.

 

                          la mise en abyme d'un double drame

énorme travail de restructuration, le film prévu initialement, prend la forme d’une mise en abyme, en axant sur les rushs précieux où l’acteur devenait le guide de la mémoire aborigène du Bush et inversement sur le plateau se pliait aux directives de Tom Murray pour rendre plus réalistes l’accent écossais de Doug Grant ou l’interprétation de ballades à la cornemuse…

« Un nègre écossais » : lance Doug Grant en écosse, bercail de sa famille d’adoption, après avoir été libéré et décoré de la Grande Guerre où il avait été capturé à Bullecourt (1917), prisonnier en Allemagne où il avait été relativement mieux traité : ça passe ou ça craque !  à l’époque des zoos humains de l’Occident colonial.

 

Un pont sur Sydney

   Ce n’est pas le seul pont que lance le réalisateur au cours de son film, tout comme Doug, qui, de retour (19), ne cesse d’invectiver le gouvernement (jusqu’en 29) par des articles militants en faveur de la reconnaissance des Autochtones et qui lui valent quelques ennuis : « L’Australie est aborigène de naissance, les Australiens par adoption… Après 150 ans, le gouvernement peut certainement voir s’éclaircir la voie à suivre pour émanciper les aborigènes australiens »

Le relais ne cesse de passer de Doug à Balang, des lectures des poètes du Bush à la rencontre d’Henry Lawson (1867-1922), de la faille à la fêlure. Brisé, muet, il sombre dans l’alcool et la dépression.

 

                                         La photo de famille... évanouie

Du pont de Sydney à la maquette édifiée par Doug au-dessus du bassin de l'hôpital psychiatrique - où il était patient -, et consacrée "à la fierté de ceux qui ont fait le grand sacrifice", les voies de la biculture...

Du "chant of Jimmie Blacksmith" à la réplique de Balang "Blanc de cœur et noir de peau": "The Ballad of the Bridge Builders", co-écrite par Dr Murray et David Bridie, élue "meilleure musique originale composée pour l'écran" au 2020 APRA Screen Music Awards.

 De l’empreinte de pied datant de l’âge de pierre que refuse le musée à Doug à celle de Balang…

 

Vogue va'a

Merci à Moana'ura Tehei'ura pour un "Inside the doc : Loimata, The sweetest Tears" absolument époustouflant d’acuité et d’analyse précieuse.

S’il est un moment, une atmosphère, une perception vécue dans notre quotidien et que la réalisatrice a su faire passer à l’écran, c’est cette « connectivité enracinée dans la culture des îles océaniennes, ce , (ce non-vide qui unit les êtres et les éléments) », (pour reprendre les termes de l’interview avec Anna Marbrook*).

 

                                               La connectivité

Toute la différence avec le rationalisme à l’occidentale et notre destinée qui nous fait naviguer dans ce va’a ou waka (pirogue océanienne) de la vie.

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Un article de  Monak

 

             Tous droits réservés aux auteurs. Demandez leur l’autorisation avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.