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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

samedi 28 avril 2012

Le 1er mai

La fête des travailleurs

Et oui : c'est la première contre-vérité  que certains (appuyés par la quasi-totalité des médias, il faut bien le dire) voudraient nous imposer, mais le 1er mai n'est pas la fête du travail.

Le 1er mai 2011 à Strasbourg, capitale de l’Europe
De nos jours, internationalement célébrée, elle porte le nom officiel de : Journée internationale des travailleurs, fête des travailleurs. Des travailleurs : pas du travail.

Et, à l'origine, elle avait été instaurée comme une journée de grève dans le cadre de la lutte pour la réduction du temps de travail…

Le muguet du 1er mai
La tradition du brin de muguet du 1er mai n'a rien à voir avec la fête des travailleurs, et elle est d'ailleurs bien plus ancienne. Ce fut longtemps un œillet rouge qui symbolisa la fête des travailleurs et le mouvement ouvrier ; tradition qui disparut, pendant la deuxième guerre mondiale suite à l’initiative du gouvernement de Vichy du Maréchal Pétain en 1941, au profit du muguet.

Charles IX fut aussi le père de la St Barthélémy
C'est le 1er mai 1561 que le roi Charles IX reçut un brin de muguet en guise de porte-bonheur. Touché par l'attention ainsi que le charme et le parfum de la fleur, il décide d'en offrir chaque année un brin à toutes les dames de la cour.

La tradition était née.

Une fête oui, mais d'abord un combat
C'est en France, en 1793 et à l'initiative de Fabre d'Eglantine, qu'apparait pour la première fois de l'histoire cette "fête du travail". Elle était fixée le 1er pluviôse (janvier).

Mais c'est aux Etats-Unis, en 1884, que les syndicats américains, au cours de leur congrès annuel, se donnent deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils choisissent de débuter leur action le 1er mai tout simplement parce que l'année comptable des entreprises américaines commence à cette date et que les contrats de travail ont leur terme ce jour-là.

Le massacre de Haymarket Square

Première victoire : le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200 000 travailleurs d’obtenir la journée de huit heures. D’autres travailleurs, dont les patrons n’ont pas accepté cette revendication, entament une grève générale. Ils sont environ 340 000 dans tout le pays.

Première défaite : le 3 mai 1886, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester, à Chicago. Le lendemain a lieu une marche de protestation et dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers.

Portrait d’Adolph Fischer

C’est alors qu'une bombe explose devant les forces de l’ordre. Elle fait un mort dans les rangs de la police. Sept autres policiers sont tués dans la bagarre qui s’ensuit. Conséquence de cet attentat : cinq syndicalistes anarchistes sont condamnés à mort (Albert Parsons, Adolph Fischer, George Engel, August Spies et Louis Lingg) ; quatre seront pendus le vendredi 11 novembre 1887 (connu depuis comme Black Friday ou « vendredi noir ») malgré l'absence de preuves, le dernier (Louis Lingg) s’étant suicidé dans sa cellule. Trois autres sont condamnés à perpétuité.

Deuxième victoire : en 1893, la révision du procès reconnaît l'innocence des huit inculpés ainsi que la machination policière et judiciaire mise en place pour criminaliser et briser le mouvement anarchiste et plus largement le mouvement ouvrier naissant.

Sur sa tombe sont inscrites les dernières paroles de l’un des condamnés, August Spies :
« Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui »

Le 1er mai en France

Dans notre pays c'est la IIème Internationale Socialiste qui, le 20 juillet 1889 à Paris, décide de faire de chaque 1er mai une journée de manifestation avec pour objectif la réduction de la journée de travail à huit heures (soit 48 heures hebdomadaires, le dimanche seul étant chômé).


En 1890, l'évènement est ainsi célébré dans la plupart des pays, avec des participations diverses.


Le 1er mai 1891 à Fourmies
C'est un nouveau drame, en France celui-là, qui va enraciner le 1er mai dans la tradition de lutte des ouvriers européens.

Le 1er mai 1891, à Fourmies, dans le Nord de la France, la manifestation tourne au drame : la police tire sur les ouvriers et fait neuf morts (voir la Fusillade de Fourmies et l’affaire de Clichy). Avec ce nouveau drame, le 1er Mai s’enracine dans la tradition de lutte des ouvriers européens.

Quelques mois plus tard, à Bruxelles, l’Internationale socialiste renouvelle le caractère revendicatif et international du 1er mai.

Le 1er mai 1919 à Paris sous la neige

C’est le 23 avril 1919 que le Sénat ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant une journée chômée.


Plus tard, en 1920, la Russie bolchévique décide que le 1er mai sera désormais chômé et deviendra la fête légale des travailleurs. Son exemple est suivi dans la plupart des autres pays.

Les tentatives de récupérations du 1er mai
Ils furent nombreux, les dirigeants politiques qui tentèrent de récupérer le mouvement ouvrier et ses actions à des fins bassement politiciennes. A commencer par le Maréchal Pétain.

Le Maréchal instaure officiellement le 1er Mai comme « la fête du Travail et de la Concorde sociale » le 24 avril 1941. Par la même occasion, le jour devient férié, chômé et payé. Et la radio ne manque pas de souligner que le 1er mai est également la fête du saint patron du maréchal…

1er mai 2011 à Paris
À gauche, beaucoup voudraient que la fête du Travail redevienne la fête des Travailleurs, rejetant ainsi les mesures de Pétain.

Pour la petite histoire, en 1955, Pie XII institue la fête de saint Joseph, artisan, destinée à être célébrée le 1er mai de chaque année…

Le 1er mai aujourd’hui
En France, depuis quelques années, la journée du 1er mai et ce qu’elle représente font l’objet de toutes les convoitises. Et donc de toutes les tentatives de récupération.

Si la célébration de Jeanne d’Arc, ce jour-là, par le Front National est restée, jusqu’à présent, un événement anecdotique, il est, en 2012, une autre tentative qui elle a fait grincer les dents des syndicats, des travailleurs, des mouvements ouvriers et de la plupart des partis de Gauche.

Quand Sarkozy parle du « vrai travail »
Cette tentative, c’est la volonté du candidat à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, de célébrer à Paris, entre les deux tours de l’élection, les « vrais travailleurs ». Une annonce qui a provoqué un tollé chez tous les militants et représentants du monde du travail.

Lire le livre de Maurice Dommanget : Histoire du 1er mai



Un article de Julien Gué

lundi 23 avril 2012

Henri Hiro

L’empreinte du poète guerrier polynésien

Vingt ans après sa disparition, Henri Hiro n'en finit pas de remuer les consciences et les âmes des Polynésiens, tant par son œuvre que par sa vie.

Deux décennies après son décès, c’est toute la Polynésie qui rend hommage à Henri Hiro par une multitude de spectacles, de projections de films et d’expositions dont celle, particulièrement réussie, que lui a consacré le Musée de Tahiti et des îles.

Henri Hiro, le poète guerrier polynésien
Henri Hiro n’eut pas toujours droit aux mêmes égards de son vivant. Son combat en dérangeait beaucoup. Si, aujourd’hui, les médias se battent à coup de superlatifs pour parler de lui et de son œuvre multiple, lors de sa mort, le plus grand éloge qu’ils lui rendirent parlait de « premier poète polynésien »…

Henri Hiro, artiste et homme d’action

Comment parler d’un tel homme sans occulter une part de sa personnalité, sans omettre un pan de son œuvre, sans trahir sa pensée ?

Natif de Punaauia, Henri Hiro y passe toute son enfance. En 1967, grâce à l’aide financière de sa paroisse, il part pour la France afin d’y poursuivre des études à la faculté théologique protestante de Montpellier. Il en revient, diplôme en poche, en 1972.

Dès son retour, il marque les esprits en devenant, avec Jacqui Drollet, l’un des membres fondateurs du mouvement écologiste La ora te natura dont il est le président. C’est dans un constant et rigoureux souci du respect de l’environnement qu’il accomplit cette mission, exprimant notamment dans ses actions son profond rejet des expériences nucléaires du Centre d’Expérimentation du Pacifique.

Henri Hiro parle de la Maison de la culture en 1979
En 1974, il prend la direction de la maison des jeunes et de la culture, aujourd’hui Te fare Tauhiti Nui.

L’année suivante, dans le prolongement de son engagement anti-nucléaire, il participe à la création du parti politique La Mana te Nuna’a avec Jacqui Drollet.

A la même époque, symboliquement et dans le but de revaloriser la culture polynésienne, il choisit le pareo comme unique vêtement. Choquant et provoquant la raillerie à l’époque, la chose est totalement acceptée aujourd’hui.

Sa soif de savoir et de création est inextinguible et le pousse du cinéma à la danse, de la musique à l’écriture et au théâtre. Tous domaines dans lesquels il ouvre des portes et laisse des traces ineffaçables.

« Ariipaea-Vahine » est à l'origine un poème de Henri Hiro
Entre tradition et modernité : avec l’œuvre de Henri Hiro, cette expression galvaudée prend tout son sens.

Le retour aux sources de Henri Hiro

Les choses changent en 1984, à la suite d'un lynchage administratif en règle : la marmite à créer en ébullition permanente dont il avait fait la maison de la culture devenait par trop dérangeante.

Henri Hiro : l’enfance comme le plus grand espoir
En 1985, écœuré, il démissionne simultanément de tous ses postes « en ville » et se retire, avec femme et enfants, dans sa vallée nourricière de ‘Arei, sur l’île de Huahine. Il estime qu’en tant que Polynésien, la ville fait de lui un captif.

« Démentalisé de sa polynésianité », il se sent étranger parmi son entourage, étranger à lui-même.

Afin de ne pas se suffire de paroles, il façonne de ses mains son peho (vallée). Il ne vit pas à ‘Arei en rétrograde mais véritablement en homme-nature. Il tropicalise à la sauce ancestrale les confortables condiments des temps modernes afin de vivre en harmonie dans le contraste.

Face à l’occidentalisation de la société tahitienne et s’adressant aux popa’a*, il déclare un jour : "Si tu étais venu chez nous, nous t'aurions accueilli à bras ouverts. Mais tu es venu ici chez toi, et on ne sait comment t'accueillir chez toi"…

Auprès du vieux pêcheur Teihota’ata qui lui enseigne le parler tahitien, il apprend aussi que : « être bien dans sa langue, c’est être bien dans sa peau, c’est être bien avec les autres… un mot, une expression qui se perd, c’est un trésor social qui disparaît… »

Henri Hiro manifeste contre le nucléaire en 1980
« Au crépuscule du soir, le miracle du souffle » abandonne Henri Hiro à l’âge de 46 ans. Il repose au cimetière de Fa’ie à Huahine.

Que reste-t-il de Henri Hiro ?

Son œuvre, si le mot peut être juste, est avant tout multiple et polymorphe. Dans tous les espaces dont il s'est emparé, Henri Hiro vivait l’alchimie de son identité avec son temps. Il ne pouvait l’imaginer sans le combat qui va avec.

On peut trouver sur Internet un certain nombre de vidéos avec lui, parlant de lui ou montrant certaines de ses œuvres. A commencer par Te Ora, une série télévisée produite en 1988, écrite par Henri Hiro et réalisée par Bruno Tetaria. Principalement tournée sur l'île de Huahine, Te Ora fut coproduite par l'Association Harrisson W. Smith et l'ICA. Il s'agit de fables écologiques pour les enfants ayant pour héros les arbres du fenua.

Deux semaines seulement avant sa disparition, l’écrivain Michou Rai Chaze avait réalisé une interview de Henri Hiro publiée dans Les Nouvelles de Tahiti. Cet entretien a été repris dans le Bulletin de la société des études océaniennes (n° 240-250 de mai-juin 1990) consacré au poète alors tout juste disparu.

« Tarava » de Henri Hiro (1983)
Aujourd’hui, la poésie de Henri Hiro est enseignée dans les écoles de Polynésie. Hélas, pas son théâtre. Ni son sens de la beauté et de la justice.

Et encore moins sa vision d’un monde polynésien débarrassé de ses œillères.

Lexique :
*Popa’a : Blancs de métropole installés en Polynésie.

Un article de Julien Gué

jeudi 19 avril 2012

Une 6ème Réaliste



Réhabiliter les acquis
La « récréation est terminée », du moins pour les profiteurs de la droite, qui se sont enrichis sur la crise. Dorénavant, il n’est plus utopique de prévoir son effondrement.

La 6ème république guidée par le peuple
Le discours du Front de Gauche est maintenant pris au sérieux. Simple, la percée du Mouvement, alerte les portefeuilles et les vieilles certitudes.

Les détracteurs, socialistes compris, sont priés de médiatiser  autre chose que la haine et la désinformation s’ils ne veulent faire payer à la République le prix fort de la compromission.

L’humain d’abord : réalité ou slogan ?
Car elle a perdu bien de ses principes ces dernières années - la République - : elle est devenue privée (aux mains d’escamoteurs) ! Et, incontrôlable, ne gère plus que des numéros, pas des humains.

La 1ère insurrection, c’est le vote
-          L’humain, c’est bien cet être qui peut se procurer les « petits bonheurs » liés aux fruits de son travail ? Ce n’est pas s’user au travail (travailler plus), sans disposer de temps pour s’occuper des siens
-          L’humain, c’est assurer le nécessaire et ne pas « crever comme une bête » parce que le travail est devenu un privilège
-          L’humain, c’est ne pas continuer à se dégrader parce qu’on n’a pas les moyens de se soigner
-          C’est pouvoir rendre ses enfants meilleurs que soi, parce qu’on leur a garanti les moyens d’éducation

Il semble bien réel en effet, que le Front de Gauche se soit attelé à réhabiliter les droits précédemment acquis par les luttes sociales.

Et qui contesterait la légitimité de Mélenchon en tant que véritable représentant du peuple ?

La voix du peuple 
L’évolution ne touche pas seulement le domaine politico-économique, elle concerne aussi  les mentalités : le peuple, ce n’est pas uniquement les travailleurs, mais aussi les intellectuels. La lutte des classes ne prendra fin qu’avec une réelle égalité entre les citoyens.

On peut d’abord le vérifier avec les comités de soutien de la campagne électorale - largement énumérés -, mais aussi avec les participants anonymes de cette journée. Des chercheurs, des philosophes, des artisans, des professionnels de la santé et de divers secteurs de l’industrie.

A l’Île St-Louis : un Théâtre d’indignés ?
Le rassemblement du 19 avril 2012, au Palais des Congrès (Porte de Versailles), incite nombre d’artistes à entrer en contact, en toute liberté d’écoute et de partage. Pour une fois que la culture ne semble pas être une intruse.

Le peuple : il était aussi présent dans sa frange d’étrangers. Ceux qui ne peuvent pas voter estiment avoir été représentés par les discours successifs du Front de Gauche. Raison pour laquelle ils sont présents, au dernier meeting de la campagne, à Paris.

Etonnant, n’est–ce pas, que ce meeting ait attiré les étrangers résidents, comme ceux des pays voisins ! Des pays qui supportent le plus mal la crise. Les frontaliers de Belgique déclarent être venus pour se préparer aux luttes prochaines qui auront lieu dans toute l’Europe. Ils se sentent soulagés que les Français se décident enfin à réagir contre les malversations d’un régime qui n’a que trop duré.

La 6ème République, ça se précise
Cette journée est qualifiée de « formidable » car elle correspond à l’aboutissement du mouvement de réprobation européenne, entamé lors du référendum de 2005. Même si les Français « y ont mis le temps ! »

Laissez-nous vivre
Le temps n’est plus aux bilans, mais à l’action. Trente ans de calamités et de fléaux résumés par une mort-lente de ceux qui ont été paupérisés par le système.

Et dans la foule présente, beaucoup portent les stigmates de la précarité et du malheur. Usés par le travail, sans retraite décente, que revendiquent-ils, par la voix du tribun Mélenchon ?

Des conditions décentes de vie ; en terminer avec la survie, où les bas salaires forcent les employés à multiplier les heures de travail et ne permettent pas d’assumer les charges familiales.

Solidarité, Méditerranée à Paris
En finir aussi avec les prémices de « futures guerres de religion » : en deux siècles, après l’antisémitisme, passe-t-on à l’anti-islamisme. Bannir aussi cette contre-vérité de l’accroissement de l’espérance de vie : l’Allemagne vient d’en constater le raccourcissement face à une prolongation de la durée de travail et de l’âge de mise à la retraite.

Et puis conclure, une fois pour toutes avec « les parasites » de la finance qui se « gavent » sur le dos des travailleurs, en éliminant le circuit.

Maintenant et demain
De ce moment historique, attendu depuis force années, l’impression de délivrance affleure, même chez les plus jeunes. Chacun d’eux résume par un mot ce qu’il éprouve au sortir du meeting :

-          « ça fait du bien », « On se sent bien »  « lyrique », « Amour »
-          « ensemble », « partage », « justice », « humanité »
-          « Confiant », « espoir », « continuité »
-          « révolution », « on lâche pas », « résistance », « ouvrier », « radicalisme »

En attendant les urnes
Un adolescent, visiblement ému, hésitera sur les termes en s’expliquant : « Trop
Longtemps, que ça avait disparu… cette… cohésion »

Les mots reprendraient sens ?

 Une attitude qui s’avère déjà efficace entre les inconnus du même meeting. « L’inconnu, celui qu’on apprend à connaître » ? Serait-ce la même définition que pour l’étranger, dans cette révolution des mentalités ?


Un article de MonaK

L’intégralité du meeting de la porte de Versailles

lundi 16 avril 2012

Rabâa Skik : Uni(e)s-vers-elles

« Corps en Révolution »

« A quoi servirait un regard s’il n’invitait à un autre regard ? » : ainsi l’Association Uni(e)s-vers-elles (Groupe d’études et d’actions féministes tunisiennes), fondée à Paris, ouvre-t-elle le préambule de l’exposition qu’elle est en train de monter sur « Voile, Dévoile –Corps en révolutions), pour l’année 2012.

La fortune du ventre : Douro (5 millimes !) - 2009
Au programme, un ensemble d’artistes, sexes et disciplines confondus. Haythem Zakaria, Rabâa Skik, Amel Bennys (plasticiens), Zied Hamrouni (musicien), Tahar Bekri, Mohamed Kacimi (écrivains), Hichem Driss (photographe) et un film témoin de Fatma Cherif. Ils sont tous Tunisiens, résidents fixes ou temporaires en France : générations de la révolution et en marge. D’autres nationalités solidaires y prendront part aussi.


Zoom sur Rabâa Skik : « traverser la révolution »
Pour une artiste peintre qui, Institut Supérieur des Beaux-Arts en phase quasi terminale, axe sa peinture sur le corps féminin depuis sa première exposition à Tunis en 2009, la révolution tunisienne ne faisait que répondre à ses interrogations bien légitimes.

Déjà, se trouve-t-elle confrontée à l’acquiescement comme à l’agressivité d’un public découvrant ses jeunes talents. Et encore, bénéficie-t-elle, de ce lieu protégé nommé galerie. Excepté par les critiques journalistiques et leurs lecteurs  qui peuvent en faire une cible facile.

Esquisse monotype pour « Voile, Dévoile » - 2012
Déjà, semble-t-elle anathème : dénonçant par son graphisme le sort féminin, lié au seul statut de mère-porteuse. Ventralement gonflés, matrices rebondies, les traits pourtant jeunes, les corps y sont prématurément flétris, comme terre devenue aride.

Les regards encore vifs de ses sujets, oscillent d’une toile à l’autre, entre un miroir qui renvoie l’image conforme attendue et l’expression de la tristesse à la dérobée. Ainsi s’opposent le cliché sociétal de l’œil complice - rangeant la femme dans son rôle d’objet qui se doit de plaire et de faire plaisir -, et ce vague à l’âme du regard perdu dans le lointain.

Scandale suprême, ses huiles et acryliques ne s’embarrassent pas de vêtements. Nus, ils sont traversés par la pesanteur de presqu’un millénaire de tabous figuratifs importés d’orient. Difformes, déformés par ce modelage des mentalités, ils s’apparentent à la tourbe ocre, épaisse et gluante, qui a assis sa médina natale dans sa fonction de ville sainte, Kairouan.

La création : un acte sacré ?
Qui accorderait à une jeune fille l’audace de transgresser, et de façon publique, la pudeur imposée par la morale coutumière, faute d’autre discours politique sous la dictature ? Dans le milieu des arts plastiques, les premières plasticiennes n’apparaissent que sous l’émulation de la politique culturelle de Bourguiba. C’est-à-dire plus de 50 ans, après le 1er Salon tunisien de 1894, puis la consécration du mouvement de l’Ecole de Tunis, exclusivement masculins.


Absentées mais exhibées par la scène politique
L’art fait-il partie du débat politique ? Grande question, que la Tunisie, affranchie de la dictature précédente, n’a pas eu le temps de débattre, tant la réponse s’est révélée abruptement aux premiers jours du printemps de la nation. Là, pas de voiles, pas de pudeur : les extrémistes rétrogrades ont tapé sur tout ce qui bougeait ou s’exposait artistiquement, êtres comme œuvres.

Quant aux femmes, si elles sont absentées des postes politiques par le gouvernement transitoire actuel, leur sexualité est exhibée au grand jour des marchandages parlementaires, comme viande à l’étal : réduites à un discours injonctif, concernant leur organe intime. Ce   phénomène est perçu comme une aberration, suite à 56 ans de Tunisie indépendante ! Enorme paradoxe où la femme, ridiculisée, fait les frais de la place publique. Régression culturelle, où les dirigeants actuels occultent le terme de « dignité », acquis par la révolution.

Une morale du sexe dans la tête
L’art aurait pour enjeu la création, ce rapport entre l’être et son œuvre, l’œuvre et son public virtuel. Acte de vie, il est source de communication. L’artiste s’y investit corporellement : dans sa façon d’appréhender, de conscientiser, de concevoir, de fabriquer, comme dans sa manière de vivre. Ainsi s’établit une forme de rituel dans le dialogue qu’il entretient avec l’œuvre. Et il n’est pas de tout repos.


Femme, « antidote miraculeux aux intégrismes »
La répression lancée par le gouvernement Ennadha, le 9 avril 2012 à Tunis, montre que les cibles sont d’abord féminines. L’association Uni(e)s-vers-elles notait déjà cette formule adéquate (hélas !) :« femmes, l’antidote miraculeux pour dissoudre les intégrismes ».

Les figurations de Rabâa Skik répondent à cette stigmatisation, exacerbée depuis octobre 2011. Les corps ne sont plus représentés que par les symboles réducteurs dont ils font l’objet : le voile, la béance* – à la fois défloration et viol des consciences -, mais aussi l’arme du sexe, la contrainte démesurée - ses interdits tentaculaires-.

Le poulpe tentaculaire (2012)
Le corps féminin, renforcé dans sa fonction d’objet par la perception commune, la plasticienne lui confère des allures plus rigides, plus hermétiques. Elle s’engage donc sur la voie de la sculpture, comme pour donner corps à cette prise de conscience.  Son approche sur toile, qu’elle maintient toujours, évolue vers davantage de combinaisons : alliant les techniques mixtes de l’huile et du crayon gras, aux collages et autres modes de tissage sur supports.

L’icône désincarnée
Au chaos ambiant du pays, la réplique de l’état d’émeute pour ses toiles. Les corps qui semblaient fusionner, s’engendrer les uns les autres, au début de sa jeune carrière, se parcellisent. Ils n’existent plus que sous la mascarade des apparences.

Morcelés, ils se prêtent à des pantomimes ou subissent la danse funèbre des espoirs déçus.  L’effet,  supposé libératoire, de la révolution, se solde par l’intrusion prégnante de la mort. Mais l’artiste n’en poursuit pas moins son implication professionnelle et continue-t-elle à se passionner pour le monde qui l’entoure et l’habite.

Baudruche intégriste au latex
En accord avec son vécu, Rabâa Skik, ne cède en rien à sa détermination.  Elle ne renonce pas à sonder les différents aspects d’une condition féminine qui la regarde de près. Ce n’est pas son image qu’elle projette. Mais, directement concernée par le sort de ses semblables, elle s’y identifie, s’en revêt et en subit les affres.


Un article de MonaK

* - Tout un jeu de connotations pour « niqab », pièce d’étoffe trouée et la défloration.

lundi 9 avril 2012

La Polynésie, les femmes et la violence

Les vahine seraient-elles des sextoys ?

Agressions sexuelles, viols et violences de toutes sortes faites aux femmes représentent près des deux tiers des condamnations prononcées en Polynésie française.

« Séquestrées, torturée et violée à 19 ans pendant 3 mois ! » Ce titre terrifiant a fait la une de la presse polynésienne le 19 mars 2010. Si cette affaire fait froid dans le dos elle n’est, hélas, que l’arbre qui cache la forêt.

Un titre qui fait peur
Elle mérite cependant que l’on si arrête car elle est révélatrice d’un certain nombre de dysfonctionnements particulièrement alarmants de la société polynésienne.

L’enfer familial

Dans les premiers jours de janvier 2010, une jeune femme de 19 ans et sa sœur quittent le domicile familial en raison d’un conflit avec leur père et vont se réfugier chez une de leur tante qui habite le même quartier avec sa famille.

De ce jour, et jusqu’au 18 mars, plus personne ne verra la jeune femme ni n’en aura aucune nouvelle.

Ce fameux 18 mars, elle est retrouvée errant dans la rue entièrement nue, couverte de bleus et de blessures purulentes et complètement hébétée. Elle est immédiatement hospitalisée et la gendarmerie mène l’enquête.

Dans les heures qui suivent, la tante, l’oncle, leurs enfants et la sœur de la jeune femme sont mis en garde à vue pour séquestration, sévices corporels, viols en réunion, proxénétisme, et j’en passe…

Pendant toute la durée de son calvaire, la jeune fille a été battue, violée par les membres de sa propre famille (oncles et cousins) et vendue à des amis et voisins. Sans que personne ne se demande où elle avait bien pu passer ? Pas même ses propres parents ?

En permanence sous la surveillance de l’un ou l’autre de ses tortionnaire (sa propre sœur y compris), on lui avait confisqué l’intégralité de ses vêtements afin qu’elle ne puisse pas s’enfuir.

Personne ne s’est inquiété. Personne n’a rien vu ni rien entendu. Les très nombreuses personnes qui sont passées dans la maison de l’horreur ne se sont rendu compte de rien. Pour l’heure, et malgré les aveux de certains des coupables, aucun des « clients » n’a pu être retrouvé alors qu’ils seraient tous (ou presque) des habitants du quartier.

La justice a frappé, mais combien d'impunis
Quand on connait l’entassement des fare dans ce quartier, on se demande comment cela est possible.

La justice et les violences faites aux femmes

Les condamnations pour violences faites aux femmes et pour délits sexuels ont connu une progression exponentielle depuis le début des années 2000 en Polynésie française.

Ce n’est pas que ces délits aient vu leur nombre augmenter. C’est simplement que, depuis une petite dizaine d’année, une volonté politique de « faire quelque chose » s’est imposée sous la pression populaire et grâce à l’action de certains médias, très marginaux, à l’origine du mouvement. Face à cette pression, les décideurs n’ont eu d’autre choix que d’agir.

Il en va de même pour les très nombreuses églises qui prospèrent grassement en Polynésie française et qui, jusque là, observaient toutes un silence religieux face à ce fléau.

Aujourd’hui, les victimes osent de plus en plus facilement porter plainte. Les forces de l’ordre n’essaient plus (ou beaucoup moins) de dissuader les plaignantes de le faire, et la justice condamne de plus en plus sévèrement les auteurs de violences et crimes sexuels.

Premières victimes : les enfants
Des structures (presque toutes associatives) se sont créées pour aider ces victimes à s’extraire du milieu qui les détruit, les protéger et leur permettre de se reconstruire.

Aujourd’hui, il est deux chiffres particulièrement significatifs :
·                     Les deux tiers (approximativement) des hommes condamnés par la justice en Polynésie française le sont pour des crimes sexuels.
·                     Il y a 320 détenus hommes dans le centre pénitentiaire de Nuutania (Tahiti) pour seulement une vingtaine de femmes.
·                      

La responsabilité des familles

L’écrasante majorité des victimes de violences sexuelles sont mineures au moment des faits et leur tortionnaire est, presque toujours, un parent proche.

Compte tenu des conditions de vies de la plupart des familles polynésiennes, il n’est pas concevable de croire qu’aucun des autres membres de la maisonnée n’ait eu conscience de ce qui se passait, voire qui n’ait été témoin direct de quelque chose.

Dans une société où plus d’un quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, envoyer le père en prison parce qu’il a abusé de sa fille de 12 ans, c’est souvent enlever à une famille de 6, 8 ou 10 personnes le seul revenu régulier du foyer.

C’est aussi attirer sur la maison la honte et la réprobation de toute la communauté. Comment, dans ces conditions, oser prendre la parole et dénoncer ses propres parents ?

En dehors des chiffres de la police et des rôles des tribunaux, il n’existe aucune enquête ni aucun chiffre sérieux et fiables permettant de se faire une idée précise de l’ampleur du phénomène.

Lexique :
Vahine : la jeune femme, la compagne, l’épouse
Tane : l’homme et, par extension, le compagnon, le mari


Un article de Julien Gué