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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

dimanche 31 mars 2013

La meilleure vanille du monde




Au cœur des montagnes de Taha’a

 

C'est sur l'île de Taha'a, en Polynésie française, qu'est produite la meilleure vanille du monde. Histoire d'une gousse de "Vanilla tahitensis".

La vanille dite « de Tahiti » est cultivée dans de nombreuses îles de Polynésie française. Toutefois, une seule d’entre elles a été surnommée « l’île vanille ». Il s’agit de Taha’a, dans l’archipel de la Société.


La merveilleuses Taha'a vue de Raiatea
Il est vrai que la vanille produite à Taha’a offre des qualités gustatives que l’on ne retrouve dans aucune autre production de Polynésie. A cela plusieurs explications liées à un climat très particulier, une qualité des terrains spécifique, mais aussi et surtout un savoir-faire et une méthode de production particulièrement élaborés et soigneusement préservés.

La vanille est d'abord une orchidée
Toutefois, avant de s’intéresser au processus de production de la vanille, il est bon de savoir qu’il existe deux méthodes de culture de l’orchidée : l’une dite traditionnelle et l’autre, relevant d’une démarche plus industrielle, dite culture sous ombrière.

Une ombrière à Taha'a
La culture sous ombrière produit une gousse de vanille de bien moins bonne qualité que la culture traditionnelle pour des raisons que nous aborderons plus loin.

A flanc de montagne, une vanilleraie traditionnelle
Hélas pour le consommateur, il n’existe pas de label de qualité permettant de reconnaître une vanille de Taha’a produite de l’une ou l’autre manière. Mais les plus grands chefs du monde ne s’y trompent pas, eux, et viennent se servir sur place directement chez certains producteurs.

 

La vanille, une orchidée parasite

"Vanilla tahitensis" est une orchidée parasite grimpante. En Polynésie, elle se développe à mi-hauteur des montagnes, à l’abri de la canopée, enroulant ses longues lianes autour des arbres lui offrant leurs troncs nus en guise de tuteur.

La vanille est bien une orchidée parasite
Et c’est là que se fait toute la différence entre la culture naturelle et la culture sous ombrière.

En milieu naturel, "Vanilla tahitensis" s’imprègne, en s’en nourrissant, de la matière même de l’arbre sur lequel elle se développe. Cette source particulière d’aliments influant directement sur le parfum et le goût de ses gousses. Le reste de la nourriture de l’orchidée lui venant de ses racines enfouies dans l’humus de la forêt tropicale.

Un plant de vanille en milieu naturel à Taha’a
Pour la vanille cultivée sous ombrière, le tuteur n’est rien d’autre qu’un poteau en ciment. Aucune source alimentaire à en attendre donc. D’autre part, il s’agit de cultures hydroponiques hors sol. Le parfum de la gousse produite s’en trouve donc considérablement amoindri.

C’est pour ces raisons que nous nous intéresserons à la production de vanille en milieu naturel.

 

Du plant à la gousse de vanille

Aujourd’hui, à Taha’a, les vanilliculteurs qui travaillent en milieu naturel ont réussi à faire en sorte de développer leurs plantations dans des zones beaucoup plus basses des flancs de montagne. Cette adaptation de la vanille à des zones de vie moins élevées facilite grandement le travail des producteurs.

La fécondation de la vanille se fait à la main…
En effet, lorsque les plantes fleurissent, pour qu’elles produisent la délicieuse gousse noire, il faut féconder chaque fleur à la main, une par une… Ne plus avoir à faire, chaque jour, une longue ascension avant d’accomplir ce travail, puis une longue descente dans la forêt tropicale, est un gain de temps et d’énergie énorme.

Une fois cet épuisant et fastidieux travail terminé, il faut laisser la vanille produire son fruit, tout en entretenant la plantation afin qu’elle ne soit pas envahie, et donc étouffée, par l’exubérante végétation tropicale.

Les gousses de vanille prêtes pour la récoltes
Lorsque la gousse est enfin arrivée à maturité, mais juste avant qu’elle ne s’ouvre naturellement pour libérer les graines qu’elles contient, il faut alors la cueillir délicatement afin de ne pas l’abîmer.

 

Le séchage des gousses de vanille

Cette étape de la transformation des gousses de vanille est cruciale car c’est d’elle que dépend en grande partie la qualité finale de la vanille.

Etalées au soleil sur de grandes claies très aérées, c’est au cours de cette délicate opération que les gousses vont acquérir cette couleur noire si caractéristique. C’est aussi lors de ce processus que le parfum va se révéler.

Sous haute surveillance, la vanille sèche au soleil de Taha'a…
L’opération nécessite une surveillance constante car, au moindre passage nuageux, les gousses doivent être mises à l’abri dans des caisses isothermes afin qu’elles ne refroidissent pas. Puis, ressorties au soleil, dès que celui-ci est revenu.

La nuit, comme à chaque passage nuageux, la vanille se met à l’abri
Une fois les gousses bien noires, vient un moment crucial pour l’obtention d’une vanille offrant le meilleur de son parfum : le massage.

 

Le massage de la vanille

Cette délicate opération du massage de la vanille se déroule de la manière suivante : une a une, chacune des gousses est malaxée avec douceur sur toute sa longueur dans le but d’écraser les graines qui se trouvent à l’intérieur, libérant ainsi l’essentiel de l’arôme du fruit.

Les gousses prête pour le massage
Si l’opération est fastidieuse, elle est aussi particulièrement délicate car il ne faut en aucun cas percer la précieuse enveloppe végétale.

Le massage terminé, les gousses sont triées en fonction de leur longueur, de leur grosseur et de leur état général.

 

La vanille, or noir de la Polynésie française

Si la vanille naturelle de Taha’a est considérée, en gastronomie, comme le summum de la qualité mondiale, elle est utilisée dans bien d’autres domaines et sous bien des formes différentes.

La vanille de Taha’a et ses nombreux produits dérivés
En dehors de la gousse, que tout le monde connaît, on en fait également un extrait sous forme d’huile, on la fait macérer dans du rhum pour le parfumer, on en tire une essence utilisée en parfumerie et en cosmétique et, beaucoup moins connue, une poudre utilisée en cuisine.

Aujourd’hui, l’île de Taha’a produit l’essentiel de la vanille dite de Tahiti. Il ne reste plus donc aux vanilliculteurs de l’île qu’à créer et faire reconnaître un label garantissant l’origine et le mode de production de leur vanille, incontestablement la meilleure du monde…

Tous mes remerciements à :
« La Vallée de la Vanille » de Bryan le Danois et Moeata pour la gentillesse de leur accueil, la clarté de leurs explications et la qualité de leur vanille ;
Ainsi qu’à mes amis de la pension « Au phil du temps » pour leur accueil et leur disponibilité…

Un article de Julien Gué

Tous droits réservés à Julien Gué. Demandez l'autorisation de l'auteur avant toute reproduction du texte ou des images sur Internet ou dans la presse traditionnelle.

vendredi 29 mars 2013

Le Tiare Apetahi



Une fleur va mourir

 

Le Tiare Apetahi, plante endémique d'un seul sommet de l'île de Raiatea, est gravement menacé de disparition.

Perdue au cœur du plus grand des océans, dans les Îles-sous-le-Vent, se trouve la petite île de Raiatea.

Sur cette île paradisiaque, une montagne, du haut de ses 1 017 mètres, domine les eaux magiques du lagon. Sur les flancs de cette montagne, nommée Tefatua, se trouve un plateau appelé Temehanirahi. C’est là, sur ce plateau, à 772 mètres d’altitude, que pousse l’une des fleurs les plus célèbres et les plus rares du monde : le Tiare Apetahi.

Sur le mont Temehanirahi, territoire du Tiare Apetahi
Menacée par la pollution et les hommes, cette fleur mythique, victime de sa légende, a été décimée par la convoitise des hommes. Aujourd’hui, elle est en grand danger de totale disparition.

 

La légende du Tiare Apetahi

Le Tiare Apetahi serait né d'un funeste incident.

Pour s’être disputée avec son tane Apetahi, une femme de pêcheur se donne la mort au sommet du mont Temehanirahi. Au préalable, elle s'ampute un bras qu'elle place dans un trou, main vers le ciel.

Le lendemain, au lever du jour, des promeneurs, à la recherche de bambou et ayant passé la nuit au sommet du mont, sont réveillés par de petits bruits secs… Regardant autour d’eux, ils découvrent un étonnant spectacle : des fleurs blanches en forme de mains ouvertes éclatent sur tout le plateau, le couvrant d’une magie blanche à l’odeur entêtante… Ils la baptisent du nom de Tiare Apetahi, ce qui veut dire : "un seul côté".

Tiare Apetahi du mont Temehanirahi

Averti, le mari se rend sur place, déterre une fleur qu'il tente de replanter dans son jardin en souvenir de sa femme. Il recommence mille fois, mais jamais la fleur n’accepte de fleurir ailleurs que sur le plateau…

 

Le Tiare, emblème de la Polynésie française

Qui n’a pas à l’esprit le visage d’une vahine en pareo, une fleur de tiare délicatement posée sur l’oreille ?

Le Gardenia Tahitensis ou Tiare Tahiti
Chaque arrivant en Polynésie française se voit remettre un collier de fleurs de tiare ou tout simplement une fleur de tiare que l'on place derrière l'oreille. Si les femmes portent cette fleur épanouie (de même que la fleur d'hibiscus), les hommes ne la portent qu’en bouton.

            Présent dans une grande partie du Pacifique insulaire (jusqu’au Vanuatu), le tiare, de son nom scientifique Gardenia tahitensis, est un arbuste aux fleurs délicates et au parfum inoubliable. Au point que cette fleur est devenue l’emblème de la Polynésie française, mais aussi celui des îles Cook.

Il existe une multitude de variété de tiares en Polynésie. Il en est à cinq, six ou huit pétales. Il en existe aux fleurs blanches, nacrées, ourlées de rose ou de rouge…

Le Tiare Apetahi voyage grâce à la poste polynésienne
Le tiare est présent dans tous les jardins de Polynésie, mais aussi dans les rues, les espaces publics et, bien sûr, dans la nature.

Mais le Tiare Apetahi ne ressemble à aucun autre.

 

Le Tiare Apetahi

Le Tiare Apetahi est unique, d’abord parce qu’il est endémique d’un petit bout de montagne de l’île de Raiatea, mais il l’est aussi par sa forme unique et très particulière.

Alors que tous les autres tiare connus présentent une corolle circulaire fermée, le Tiare Apetahi fait penser à une main ouverte, les cinq doigts écartés.

Les cinq pétales du Tiare Apetahi en fleur et en bouton
Il l’est également par le nombre de ses pétales : alors que tous les autres tiare ont un nombre pair de pétales, lui en a invariablement cinq.

 

Le Tiare Apetahi gravement menacé de disparition

Le Tiare Apetahi est en voie de disparition. Les chiffres sont terrifiants : en octobre 2008, seuls quelques plants subsistaient sur le plateau du Temehanirahi. Il se dit aussi que quelque deux cents plants seraient préservés dans une réserve naturelle interdite au public, mais cette information n’est pas vérifiée. Elle est d’autant plus sujette à caution que toutes les tentatives, sans exception, de faire pousser cette fleur étonnante ailleurs que dans son micro environnement naturel ont échoué.


Aujourd’hui, il faut un guide agréé pour contempler le Tiare Apetahi
Bien sûr, parmi les responsables de cette catastrophe écologique (parmi tellement d’autres), il y a la pollution et les changements climatiques. Mais les véritables responsables sont, d’abord, les promeneurs qui les cueillent pour leur plaisir égoïste et inconscient. Ensuite et surtout, le Tiare Apetahi est victime des braconniers qui revendent cette fleur unique et symbole de l'île de Raiatea.

 

Un espoir de sauver le Tiare Apetahi ?

En janvier 2005 est créée l’association Tuihana, dont le but, volontairement vague, est « d’organiser et de soutenir des actions de protection, sauvegarde et mise en valeur du patrimoine naturel et culturel de l’île de Raiatea ».

Depuis 2007, Tuihana a engagé un programme de sauvegarde du Tiare Apetahi. Aujourd’hui, il semble que son action commence à porter ses fruits.

Le Tiare Apetahi dans son milieu naturel sur le mont Temehanirahi
Ce travail avait commencé par la sensibilisation de la population de l’île, la création d’un espace protégé, des excursions avec un guide connaissant parfaitement la fleur, et chargé autant de la protéger des visiteurs que de former ces derniers pour qu’ils deviennent, eux aussi, des défenseurs de cette fleur somptueuse. Les chiffres résultant de ce travail de titan devenaient plus qu’encourageants.

Nous n’en sommes plus là aujourd’hui : le nombre de plants diminue de manière plus que préoccupante : « En l’espace de 10 ans, on est passé de 3000 plants de tiare apetahi recensés à 260 plants. Si ce chiffre n’éveille pas la conscience, et n’éveille pas dans chacun d’entre nous le besoin de le conserver, il ne reste plus qu’à continuer comme ça et,dans 10 ans, on arrêtera de parler de l’Apetahi », a déclaré (début 2013) Jacky Bryant, ministre de l’environnement.

Non, les Tiare Apetahi ne sont pas tous blancs…
Les sanctions prévues par la loi ont été récemment sérieusement aggravées par l’Assemblée de Polynésie, mais sans les moyens humains et financiers pour faire respecter la loi en question…

Un article de Julien Gué


Tous droits réservés à Julien Gué. Demandez l'autorisation de l'auteur avant toute reproduction du texte ou des images sur Internet ou dans la presse traditionnelle.

mercredi 27 mars 2013

Le nucléaire français en Polynésie



Une menace pour tout le Pacifique Sud

 

Seize ans après le dernier essai nucléaire à Moruroa, les retombées de la bombe française menacent de plus en plus la Polynésie française.

Si le dernier tir nucléaire français en Polynésie française a été effectué en 1995, les premières retombées de trente années d'expérimentation dans le Pacifique Sud commencent tout juste à apparaître, mais du bout des lèvres, dans les discours officiels.

Ainsi le 27 janvier 2011, à Tahiti, le délégué du ministre de la Défense français, Marcel Jurien de La Gravière, admet au journal télévisé "qu’un effondrement d’une partie de l’atoll de Moruroa n’est pas à exclure". Il annonce que cela risque de provoquer une vague de 20 mètres de hauteur.

Un essai nucléaire aérien français à Moruroa
Rappelons que la France a réalisé 179 tirs nucléaires aériens et souterrains dans ce petit atoll de l'archipel des Tuamotu, non sans en avoir, au préalable et sans lui demander son avis, déporté purement et simplement la population.

La bombe politique de 2011
Si l'évangélisation du Pacifique Sud porte la lourde responsabilité d'une acculturation profonde et irréversible de l'ensemble des peuples polynésiens, c'est bel et bien l'Église protestante Ma'ohi qui, la première, s'est levée pour protester contre les essais nucléaires français en Polynésie et qui, en 2001, enfanta l'association Moruroa e Tatou, seul organisme à se battre contre l'État pour faire reconnaître les droits des Polynésiens face aux conséquences de ces essais.

Le 3 février 2011, la Conférence des églises du Pacifique (l’organisation œcuménique régionale), qui réunit les églises chrétiennes de toute la région, apporte son soutien à l’association Moruroa e tatou et aux habitants de Tureia suite aux dernières révélations de Julien de La Gravière sur l’effondrement de Moruroa.

La Conférence des églises du Pacifique, qui condamne les essais nucléaires de toute nature et l’utilisation de l’énergie nucléaire dans la région du Pacifique, invite le gouvernement français à "reconnaître sans aucune réserve les radiations nucléaires et la pollution de l'océan Pacifique comme une conséquence directe de l'effondrement de l'atoll".

En 1980, Henri Hiro manifestait contre le nucléaire en Polynésie
En réalité, la reconnaissance officielle par l'Etat français des graves inquiétudes que suscite l'évolution géologique de l'atoll de Moruroa fait suite à un rapport du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) en date du 10 janvier 2011.

Ce rapport explique très clairement que l'atoll est bel et bien en train de s'effondrer et que la première des conséquences de cet effondrement sera un tsunami de grande ampleur.
Il est intéressant de noter que ce risque majeur avait déjà été évoqué dans un autre rapport officiel, resté sans suite celui-là, en 1997 !

Mais si la France reconnait aujourd'hui, du bout des lèvres seulement, un danger réel, c'est uniquement sous la pression de Moruroa et Tatou et de la Conférence des Églises.

L'atoll de Tureia condamné ?
Situé à une centaine de kilomètres au nord de Moruroa, Tureia est directement et immédiatement menacé par cette catastrophe annoncée.

Pour 8 km² de terres émergées, Tureia compte 318 habitants permanents.

Si l'on s'en tient aux éléments annoncés par le rapport du CEA, la vague ne submergerait que les terres situées en-dessous de la cote 3 mètres. Hélas : il est bien rare que l'altitude maximum d'un atoll dépasse les 3 à 5 mètres.

La carte du risque de tsunami pour l'atoll de Tureia
D'autre part, et de cela le rapport ne parle pas : une fois la vague passée, toutes les terres ayant été submergées deviennent impropres à toutes cultures durant de nombreuses années en raison du sel déposé. Il en va de même pour les quelques réserves d'eau douce naturelles qui, même si elles sont impropres à la consommation humaine, sont vitales pour l'arrosage des cultures vivrières.

Que vont devenir ces 318 personnes ? Où vont-elles aller vivre ? Comment et par qui seront-elles indemnisées ? Ni le gouvernement français ni le gouvernement polynésien ne répondent à cette question. Questions pourtant déjà posée par le rapport de 1997 et sans cesse martelées depuis par l'association Moruroa e Tatou.

Et les éléments radioactifs ?
Donc, le socle de l'atoll de Moruroa est en train de s'effondrer, l'état français lui-même en convient. Il va y avoir un tsunami, dont acte. Il reste un point de détail que le rapport déjà cité ne soulève pas mais qui, pourtant, est générateur de bien plus d'inquiétudes qu'une petite vaguelette de 20 mètres de haut.

Un champignon nucléaire sur Moruroa
Puisque Moruroa s'effondre sur elle-même, qui aujourd'hui peut garantir que les matières hautement radioactives qui sont scellées dans le sous-sol de l'atoll ne vont pas être libérées à l'occasion d'une fissure, voire de l'éclatement de leurs gangues de protection ?

Une manifestation anti nucléaire au Japon
Cette question là inquiète de plus en plus l'ensemble de la population polynésienne. Et bien au-delà toutes les populations du Pacifique Sud, Australie et Nouvelle-Zélande comprises, car le régime des alizés ne changera pas ses trajectoires habituelles sur la simple demande des autorités françaises. Souvenez-vous du nuage de Tchernobyl...

Le silence n'est plus de mise
Il est grand temps que les autorités françaises lèvent enfin, comme le réclame depuis toujours Moruroa e Tatou, le secret-défense qui couvre encore tous les éléments relatifs au Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP). Secret-défense qui a été en partie levé pour ce qui concerne les dossiers médicaux des anciens travailleurs des sites d'expérimentation. Mais la loi d’indemnisation est tellement restrictive qu’à ce jour aucun des anciens Polynésiens de Moruroa n’a eu gain de cause…

Moruroa, le 2 juillet 1966
Pour obtenir enfin toute la lumière sur ces essais nucléaires, leurs conséquences, et pour que les dirigeants de la France comme de la Polynésie assument enfin leurs responsabilités face à ces désastres annoncés, l'Association Moruroa e Tatou se bat au qotidien. Hélas sans grand succès.

Lire également l'excellent article du Figaro/Sciences :


Un article de Julien Gué



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dimanche 24 mars 2013

Saint-Valentin et Tunisie



Marché de l’amour ou de la haine ?

 

A la Saint-Valentin, les amoureux de toutes obédiences, ou sans, se délectent en se déclarant leur flamme. Les nations en guerre la revendiquent comme une trêve ou un armistice : un acte de résistance comme en Palestine… en passe de le devenir en Tunisie !

L’amour semblerait plus que jamais antinomique, à en croire nos amoureux, avec nos sociétés. A en bannir totalement le marketing ainsi que les prêches religieux, un peu partout répandus. Point n’est besoin de recourir aux forcenés de la publicité pour constater que l’amour est un marché entretenu par ceux-là même qui en dénoncent l’immoralité.


L’Amour mythique, Qays et Layla…
Bien que l’amour éternel, platonique, se trouve au cœur des légendes d’orient et d’occident, Tristan et Yseut, Qays et Layla, se voient troquer leur aura par un homme d’abstinence. La fête comme le Saint se trouvent différemment tiraillés, sans parler de ceux qui en revendiquent indifféremment les  reliques ! Face à ce gag hautement dilatatoire de nos zygomatiques, je n’ai pu résister à la tentation de faire partager mon hilarité.

 

Un saint, deux reliques, un sceau : « Ton Valentin »

On le fait naître sous le règne de l’empereur romain Claude II (Marcus Aurelius Claudius Gothicus ; 10 mai 214 - août 270), dit Claude le Gothique, mais surtout, l’empereur-soldat. Prêtre (chrétien), Valentin brave l’interdit et marie la soldatesque.

Incarcéré, condamné à être décapité, Valentin (de Rome) aurait adressé un dernier sceau à la fille d’un aveugle à qui il aurait fait recouvrer la vue : « Ton Valentin ». Canonisé en 1496 « pour son courage et sa lutte pour le mariage », il est devenu le patron des amoureux.

Mais il n’est pas le seul du nom à avoir été béatifié. Son prénom signifiant « santé », le statut n’est pas signe de longévité. Les martyrs foisonnent : Valentin de Terni (273), de Viterbe (304, fête le 3 novembre), de Ravenne (IVème siècle, 16 déc.)… et d’autres, un évêque de Strasbourg (Vème), Valentin de Griselles (4 juil.), etc…

Un saint martyr de l’amour profane
Ainsi l’authentification du patron des amoureux oscille entre le Valentin de Rome et celui de Terni. On n’assiste pas vraiment à une querelle de reliques. Sauf du côté d’Athènes en 1990 et de St-Pierre-du-chemin à Rome. Celles de Terni se fêtent à Dublin le 14 février depuis le XIXème siècle. Celles de la collégiale Saint-Jean-Baptiste de Roquemaure (Gard) auraient été importées de Rome et auraient sauvé les vignes du phylloxera en 1868.

Certains revendiquent l’origine berbère de cette fête en occultant l’existence de Valentin et en rappelant que le pape Gelase 1er qui l’a instituée en 495 était originaire de Kabylie, de la tribu des Djelass. Toujours est-il que la Méditerranée antique était un vrai miracle de tolérance et d’intégration !

Entre paganisme et chrétienté
Comme un hommage au printemps, débutant le 5 février chez les Romains de l’antiquité, « chaque année le 15 février, les Romains rendaient un culte païen à la louve romaine qui avait allaité Romulus et Rémus dans la grotte de la Lupercal ». La fête très populaire des lupercales (Lupercalia) était un hommage à Faunus, dieu de la nature et de la fertilité, appelé également Lupercus.

Après le sacrifice d’un bouc, un tirage au sort, tous les 15 février, pour désigner le couple de jeunes gens qui passera l’année ensemble. La fête consacre la fertilité.

Faut-il rappeler que l’Empire Romain, à cette époque païen, s’étend sur tout le pourtour de la Méditerranée : Afrique du nord bien comprise jusque dans ses déserts entre Maurétanie (Tingitane Maroc-Algérie), Numidie + Afrique proconsulaire (Tunisie-Libye), Cyrénaïque (Libye-Egypte) Judée, Arabie, Syrie, Cappadoce + Bithynie (Turquie), Macédoine, Germanie, Gaulle, Brittanie, Lusitanie avant de devenir chrétienne sous Dioclétien (306-337).

Un pape kabyle de la tribu des Djelass (Gelasio 1er)
En conséquence, la célébration est christianisée : « En 495, le pape Gelase 1er décida de célébrer en grande pompe la fête de Saint Valentin, le 14 février, un jour avant la fête des Lupercales !!! ». La fête de l’amour prend naissance.

Mais il en est tout autrement en Angleterre. Geoffrey Chaucer au XIVe siècle, auteur de cet hymne à l’amour épicurien des Contes de Canterbury, rappelle la croyance tirée des bestiaires médiévaux (fables) de La Dame à la Licorne : le 14 février était le jour où s’appariaient les oiseaux. Reviviscence de l’amour courtois : « fol’amor, fin’amor » (XIIème siècle) : le profane entre en lice.

Le poète Othon de Grandson, auteur de La Complaincte amoureuse de Sainct Valentin Gransson et autres ballades élégiaques sur le sujet, exilé en Angleterre, est magnifié un siècle plus tard par Charles d’Orléans (XVème siècle), pour cette tradition qu’il entretient. Elle passa du monde anglo-saxon au monde latin. Valentin fait son entrée dans la littérature.

L’amour, une échappée à Gaza ?
Sans cesse ce besoin de spiritualité des sentiments. Et le XIXème siècle, avec le romantisme, entérine le phénomène.

La Saint- Valentin tunisienne pour « mettre fin à la haine »
Si la coutume de la Saint-Valentin en Tunisie remonte au siècle dernier, elle est totalement laïque, à l’instar de la fête des mères. Bien entendu, comme elle ne concerne que les couples elle n’a aucun retentissement familial.

La fête des amoureux au minaret...
Ainsi que le notifie la presse tunisienne depuis plus d’un quart de siècle, consacrant un article ou parfois un feuillet de son magazine dominical, la fête des amoureux est entrée dans les mœurs, au bonheur des commerçants. Ce jour-là, dans les années 90 déjà, si vous n’aviez pas réservé dans les restaurants, inutile de penser pouvoir disposer d’une table !

Cette année (2013), après les condamnations wahhabites intempestives et les violences qu’a connues le jour de l’an, le mufti de la république, à la tête des affaires religieuses islamiques, lui donne le feu vert ! 

Même si cette fête ne faisait pas partie des habitudes du plus petit hameau perdu dans la montagne, même si elle ne semble pas concerner tout le monde, il semble qu’avec ce coup de projecteur médiatique elle ait attiré de nouveaux pratiquants. Il serait difficile d’en donner le pourcentage exact. 

Des roses* pour les martyrs de Syrie
Mais la clique des rétrogrades, prohibant toute autre réjouissance que celles inscrites dans les pratiques religieuses, s’est largement ridiculisée. Les quotidiens ne sont jamais autant intervenus pour le signifier. Et les interviews consacrées à ce sujet se sont largement divisées en avis des plus contradictoires.

Faut-il préciser que l’histoire de la Tunisie définie par les wahhabites, à entendre tout le petit monde qu’ils endoctrinent, commence au Prophète (632), alors que l’invasion arabe ne touche la Tunisie qu’à partir de 647. J’ai entendu ces derniers jours, un adulte d’une trentaine d’années affirmer qu’avant l’an 0 de l’Hégire, en Tunisie, c’était la Préhistoire !

Le Folklore des mythes
Berrichon, le petit village de St-Valentin, existe vraiment. On y vient en pèlerinage depuis 1965 ; de tous les continents de l’hémisphère nord. Il s’offre même le luxe d’être jumelé avec une ville japonaise et autrichienne du même nom ! En Autriche, à Saint-Valentin, le prosélytisme bat son plein.


 Les sonneurs du Berry
A contrario, le cérémonial clérical de bénédiction des couples dans l’église consacrée au saint a disparu. Certainement suite à la décision par le Vatican de l’éradication du calendrier des saints de légende. Cependant perdure un rituel laïque : promenade dans le jardin des amoureux sous les feuilles en forme de cœur de « l’arbre des cœurs éternels », certificat en mairie assuré, balade incontournable devant une niche à la Peynet, bisou au-dessus de la margelle du puits.

Le mythe s’y est donc installé. La société, que dis-je ? Le monde « se l’est approprié », dirait Roland Barthes dans Mythologies. Et combien peut-il se fonder sur « n’importe quoi » : « Chaque objet du monde peut passer d'une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l'appropriation de la société. »

L’arbre des amoureux à Saint-Valentin en Berry
Fait-il partie de ces mythes fondateurs de la « conjugalité », de cet éternel recommencement d’une humanité qui ne change pas ? Nous voilà du moins dans cette éternité de l’amour que chantait Piaf, cet antidote du divorce, cet exorcisme de l’amour malheureux. (Faut-il préciser que les statistiques de l’illettrisme en France nous offre pour le département de l’Indre un taux de 14,5% en 2008 ?)

Entre Cupidon, Peynet et ses « amoureux » qui font fureur depuis 1942, si nous assistons à une infantilisation des représentations de l’amour, ne serait-ce du fait que notre humanité, sempiternellement en quête de son enfance perdue, en soit restée à l’âge du hochet ? Parallèlement, il semble notoire que les religions aient fort à faire pour tenter de rénover leur stock de jouets.


Plus généralement, dans le contexte des théocraties exacerbées, la jeunesse, lassée des appels à la haine, revendique et accomplit par toutes sortes de symboles cette fête de l’Amour : car dénuée de tout élément mercantile (en zones occupées ou en guerre), bardée d’interdits au nom de la guerre sainte (jihad), elle a pris un sens bien révolutionnaire : celui de la survie. Pour paraphraser la Femen Amina : « Mon cœur m’appartient et il aime. »

Un article de Monak

*note photo « Des roses pour les martyrs… », en guise de Saint-Valentin en Syrie 2013 : « Pour une Syrie libre.  Nous sommes désolés, nous n'avons plus de roses pour la Saint –Valentin ; elles ont toutes été épuisées sur les tombes des martyrs.» (Traduction de la pancarte)
Liens vidéo 
-          Layla, ma Raison : film de Taïeb Louhichi (Tunisie-Algérie, 1989) : Qays et Layla… Des images dont je ne peux me lasser… Un réalisateur d’exception
-          Pélerinage à Saint Valentin (Indre), http://www.ina.fr/video/CAF97035261


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