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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

mardi 31 décembre 2013

Vœux 2014

Ia orana i te matahiti api 2014 !

A tous les fous de dieux, de quelque religion qu’ils se réclament,
A tous les dictateurs en herbe qui prétendent seuls détenir la vérité,
A tous les imbéciles qui veulent nous imposer leur absence de pensée,
A tous les apprentis sorciers qui vampirisent la planète,
A tous les financiers qui ruinent l’humanité,
A tous les salopards qui se repaissent de la misère des autres,
A tous les assassins, qu’ils portent ou non un uniforme,
A tous les…

A tous ceux qui ont encore des rêves de fraternité,
Je dédie ces quelques lignes de Lucien Jacques…


« Je crois en l'homme, cette ordure,
Je crois en l’homme, ce fumier, ce sable mouvant, cette eau morte.
Je crois en l'homme, ce tordu, cette vessie de vanité.
Je crois en l'homme, cette pommade,
Ce grelot, cette plume au vent, ce boutefeu, ce fouille-merde.
Je crois en l'homme, ce lèche sang.
Malgré tout ce qu'il a pu faire de mortel et d'irréparable.

Je crois en lui
Pour la sûreté de sa main, Pour son goût de la liberté,
Pour le jeu de sa fantaisie.
Pour son vertige devant l'étoile,
Je crois en lui pour le sel de son amitié,
Pour l'eau de ses yeux, pour son rire,
Pour son élan et ses faiblesses.
Je crois à tout jamais en lui
Pour une main qui s'est tendue, pour un regard qui s'est offert.
Et puis surtout et avant tout
Pour le simple accueil d'un berger. »

lundi 30 décembre 2013

Tunisie insolite




Couleur locale !

« Le sable, le soleil, la mer ! » Telle est la formule magique pour vous téléporter en terre tunisienne. Quant au « ciel », d’un bleu pur et intense, son éclat n’est plus à vanter ! Le slogan n’est pas mensonger mais comme tous les raccourcis, il vous invite à musarder dans la bulle des vacanciers. Comment découvrir alors le vrai visage d’un peuple, d’un mode de vie, d’une culture ?

Le tourisme est-il cette industrie qui fabrique de l’aventure sur les étendues désertiques, des mirages dans les hôtels de luxe, du mythe sur les sites archéologiques, et du rêve dans la fraîcheur des oasis et la pénombre des moucharabiehs ?

Il y a le soleil, la mer… et l’enlisement
Compte tenu du niveau de vie en Tunisie (l’€uro équivaut à 2,28 Dinars tunisiens et l’US$ à 1,65 DNT au 27.12.2013), le SMIG, qui s’élève à 301,808 dinars pour 48h hebdomadaires, correspond à environ 132,37 €. Il est vrai que le tourisme, qu’il soit culturel  ou non, n’est pas superflu. En laissant de côté l’attirail du parfait touriste pris en charge -quad, trek et montgolfière du désert, jet ski et scooter des mers-, je vous convie à rencontrer le Tunisien en personne.

Il vous faut d’abord soulever la portière de toile à rayures qui abrite les patios du dar arbi des regards curieux. Pour la petite histoire, le même mot chéhar, ِشِعَرْ, signifie rideau et cheveux. En référence à Jazia revêtue de sa seule chevelure ? Je vous laisse fantasmer sur la similitude et vous propose donc cette petite flânerie pittoresque : « la typicité du Tunisien ou comment s’adapter au jour le jour ».

Le salut vient de la mer
Les « petits boulots » tournent avec les saisons. La maintenance s’avère tâche difficile pour qui manque de moyens. Alors, le sable effectue son lent travail de sape. Combien de minuscules dars (maisons) en pisé s’enfoncent inexorablement sous les assauts du sirocco en plein cœur du Sahara ! Et combien de demeures montagnardes en Kroumirie ressemblent à ces cahutes recouvertes de branchages et pas toujours étanches ! En été, la buvette sur la plage, ce n’est pas du folklore !

L’enfant et la mer…
Qu’on se le dise pourtant, les ouvriers-carreleurs ont de qui tenir. Berbères ou Carthaginois, ils ont apporté leur savoir-faire et transpiré toute la sueur de leur corps pour embellir des sites prestigieux que vous pouvez encore visiter. Mais c’était en période de paix. Dès le Vème siècle avant J-C, les domiciles étaient dallés de minuscules dés de pierre, de marbre, de terre cuite et de pâte de verre. Les plus cossus livrent encore leur trésor, s’ils ont eu la chance d’être ensevelis et quand ils n’ont pas servi aux envahisseurs suivants. Avec la mosaïque romaine, byzantine, islamique, la technique évolue, les motifs, les coloris et les sujets se modifient.

La mer encore… : sa mythologie, mais aussi ses rapports entre  habitants aquatiques et riverains figurent déjà au fronton des mosaïques antiques. A environ 60 km de la côte nord, le site de Bulla Regia, en pleine campagne adossée à la montagne, s’égaie d’une Vénus marine comme de cette chevauchée d’un enfant sur le dos d’un dauphin. De nos jours, sur les 1300 km de littoral, la préoccupation oscille entre les rendez-vous fort prisés avec les dauphins, les tortues caouanne, les raies manta et la préservation de l’environnement.

«Fluctuat nec mergitur » : elle flotte et ne sombre pas
De la frontière algérienne à celle de la Libye,  le rivage s’échancre de baies ponctuées de marinas touristiques et de ports de pêche de poche. Mais quelle disparité entre les barques de fortune à rames, les flouka (felouques) aux voiles sombres et les esquifs à l’accastillage rutilant ! Quant aux travailleurs de la mer, ils ne sont pas exclusivement masculins. Parfois, la veuve prend la barre de feu son mari marin-pêcheur… Techniques ancestrales mais détermination farouche ! La mer engloutit hélas ses nautoniers !

Au hasard des chemins de traverse
Sur terre, les routes ne sont pas plus sûres ! Les mécaniques ne sont pas épargnées ! A l’instar des épidémies qui se répandent sans prévenir, les nids de poule ravagent le réseau. Ils n’ont d’égal que la cocasserie de multiples anecdotes, enjolivées de péripéties, quand ils ne tournent pas au drame, sous les orages violents de la zone méditerranéenne ! Ils émaillent régulièrement d’incidents les parcours les plus anodins, comme les chroniques des faits divers. Et par vent de sud, la couche de sable est parfois plus dense au-dessus du bitume qu’en-dessous !

De droite à gauche : La Tunisie, la lune, Mars…
Face à l’incurie des pouvoirs publics, mieux vaut s’en remettre à la protection de l’immanquable vœu : « inch’Allah » (à la volonté de dieu), tant elle revient pour scander les tracasseries ordinaires ! Façon comme une autre de juguler le stress : le Tunisien ne se laisse pas abattre ! Faut-il préciser que l’interprétation du code de la route fait partie de ces pratiques des plus fantaisistes ! Question de tempérament chaud !

Conduire à la tunisienne, relève de l’exploit. Car toutes sortes d’obstacles sont à contourner… sans oublier les ronds-points qui se multiplient pour ralentir la circulation et servent de repères indéfectibles pour baliser les itinéraires. En effet, dans les quartiers modernes, le nom des rues se signale par un simple numéro ! Rassurez-vous : le Tunisien est condamné à s’accommoder à perpétuité ! Il le prend même avec bonhommie : le soleil y serait-il pour quelque chose ?

Conduire : une sinécure ?
Les véhicules les plus incroyables et non-homologués font partie de ce panorama. On fait rouler toutes sortes de plateaux en fer-forgé, de carcasses de voiture réaménagées en remorque sur un châssis des plus improbables. Souvent tirés par des ânes exténués, ils se démantèlent autant qu’eux.

Reste que le « vaisseau du désert », ce noble animal des pistes et des dunes du désert, vient se frayer des trajectoires en pleine ville. Recyclage oblige : les caravanes de touristes s’urbanisent. Les dromadaires croissent dans le vacarme des klaxons ! Les troupeaux paissent entre les décharges.

Des caravanes assujetties au macadam…
Rassurez votre imaginaire : le noble métier de caravanier, continue à survivre sur maints circuits de la fournaise saharienne. Là où les traces se perdent sur les régions de roc aride, de cheminées de fée, de canyons, là où le GPS ne peut remplacer les étoiles.

« La vie en vrac »
Du nomadisme, réduit depuis l’Indépendance aux frontières du pays par des campagnes de sédentarisation, il ne reste peut-être que cette survivance à surcharger les bêtes de bât ! Les camionnettes de transport brinqueballent au moindre chaos. Les chargements débordent, s’empilent en des châteaux de cartes audacieux qui n’ont pas toujours la chance de s’éviter l’effondrement.

L’avenir est aux audacieux !
« Nul n’est à l’abri ! » Il n’est pas une ruelle, pas un pan de mur qui ne se soit lézardé aux chocs les plus invraisemblables. « Fanfaronnade méditerranéenne ! » me direz-vous ? Pas totalement, en fait ! Les mêmes catastrophes se répètent inlassablement, sans que personne ne s’attèle véritablement à en éviter le cours. Elles passent de ces petits accidents domestiques qui déciment les familles, aux nuisances publiques. Insalubrité des rues, pénurie d’eau dans toute la région sud, de ravitaillement dans les villages de montagne. La désertification gagne avec le réchauffement de la planète.

 Là, le silence devient accablant, insurmontable. Ce n’est pas que le soleil ! Malgré la tradition fortement ancrée du mutisme devant l’Ancien, le patriarche de la tribu familiale, le supérieur social ou professionnel, il semble que la jeunesse de ces dernières années ait décidé enfin de se faire entendre. « Skett ! » ou « Silence ! », comme un aboiement qui se déchaîne sur la caravane, résonne de toute la force de l’acte révolutionnaire, dans ce spectacle chorégraphié et dansé par Wajdi Gagui en 2012.


La roue de la vie et du silence : SKETT de Wajdi Gagui
Inspirée par cette période des Ottomans à la tête du pays de 1574 jusqu’à l’indépendance, l’image du derviche-tourneur est au centre de la création de Wajdi. En effet le Bey ne sera pas destitué sous le protectorat français de 1881. Il n’est pas que le sorbet ou le rince-doigt qui se conservent : l’équilibre cosmique des derviches s’y interprète autrement dans ce moment de danse contemporaine. Il s’annonce ainsi :

« La roue de la vie et de l'Histoire, son cycle à travers l'image répétitive, la mémoire à travers les jeux de l'enfance, le fil du temps à travers les images ludiques, les rouages du conditionnement et de l'esclavage : un cercle vicieux dans le parcours du quotidien.
« L'approche citoyenne de l'art, commence par une analyse du vécu social. La Danse peut la restituer sur scène. Mais elle peut aller au-delà, pressentir l'avenir : d'où son pouvoir révolutionnaire. Comme tout Art.
« SKETT est notre position du moment : le discours ne résout rien. SKETT, c'est le Silence (en arabe) : actuellement, il est prodigieusement parlant. »

« La vie en vrac » : écrit Mach
Il n’est pas que le silence qui fissure le présent. Mach, « artiste, photographe et agitateur culturel » l’exprime prodigieusement sur cette photo de pare-brise explosé. Non-seulement, il illustre, les aléas de la route… mais encore, il est à l’image de cette période bouleversée.

Il s’inscrit sur le paysage de ce mois d’août 2013 qui se lézarde politiquement et balafre les individus. Il maintient encore l’habitacle sécure, se raccroche à ces signes identitaires de cette poterie traditionnelle berbère qui figure sur le tableau de bord, à côté de ce journal d’analyse et de critique Le Maghreb.


Et puis, il regarde la mer, la capture comme sur écran, s’y épanche. Bien des portes encore s’ouvriront sur la mer…


Un article de  Monak
Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.



vendredi 27 décembre 2013

Tahar Haddad, Tunisie


Un club, un féminisme

Le Club Tahar Haddad, à Tunis, vient de fêter ses 40 ans et invite sa fondatrice emblématique : Jalila Hafsia. Le courant d’émancipation féminine qui débute à la fin du 19ème siècle, et se renforce avec le penseur réformiste Tahar Haddad, constitue à lui seul une saga, pleine de rebondissements

Innovée par l’avant-garde des figures féminines qui ne cessent d’affirmer leur liberté dans leur mode de vie, à la scène comme dans les mouvements militants indépendantistes sous le Protectorat, l’égalité est concrétisée de fait,  dès l’Indépendance, avec l’instauration légale du Code du Statut Personnel (CSP, le 13 août 1956). Outre sa promulgation, Bourguiba a su partager ses convictions modernistes en assignant aux femmes un rôle politique et culturel.  Avec finesse, audace, détermination et piquant, mais en toute mansuétude, Jalila Hafsia s’est employée à en faire féconder les assises.   



Habiba M’Sika, une liberté de feu

C’est en toute originalité aussi que la Tunisie accomplit son évolution sociale, sans nul besoin de se référer à d’autres influences venues d’ailleurs. Et c’est en toute connaissance de cause qu’elle œuvre depuis la révolution de 2011 pour préserver ses acquis, dans un contexte international sexiste qui masque la crise économique. En guise de retour au spirituel, le siècle agite ses vieux démons misogynes. Il est vrai qu’en ce même jour du 20 décembre 2013, les Espagnoles déchantent avec pour cadeau de Noël prématuré, une régression de 30 ans en matière de droits des femmes. La menace de l’intégrité corporelle et psychique reste donc bien présente et la planète est loin de vivre son ère orgasmique à la veille du solstice d’hiver.  


Tahar Haddad, puis le CSP en danger ?
Parallèlement à l’affranchissement de la censure depuis la chute de la dictature Ben Ali, bien des dérives et des délits d’opinion se sont fait jour en Tunisie. Du fait des mouvances intégristes, les pires messages d’intimidation, de mutilation, de condamnation et de meurtre sexistes, signés ou proclamés lors des prêches du vendredi, concernent les femmes comme leurs défenseurs.   

Tahar Haddad, un réformateur ciblé
Si Tahar Haddad (penseur, syndicaliste et homme politique tunisien né le 4 décembre 1899 à Tunis, décédé en exil le 7 décembre 1935,) ne risque plus rien en personne (et pour cause !), ce sont à ses publications que s’attaquent les factions des « frères musulmans » ! Si les Tunisiens ne cessent de s’insurger contre les fatwas (jugements religieux) qui martèlent la vie quotidienne, dans le même temps, les confréries religieuses viennent de recevoir leurs étrennes en Egypte. Détruisant les mausolées, ils programment, non sans aveuglement, vouloir brûler les écrits de Tahar Haddad, répertoriés, conservés, reproduits bien soigneusement de par  le monde ! Car la dichotomie persiste depuis, entre dogme et laïcité.

 Hatem Bourial, journaliste tunisien mais aussi l’un des animateurs du Club Tahar Haddad depuis sa jeunesse, revient ainsi sur la biographie de l’auteur de « Notre femme aux yeux de la société et de la religion » :
 « Pauvre Tahar Haddad : de son vivant, il a subi la plus terrible des cabales que menèrent contre lui les milieux conservateurs de son époque.
« Ils étaient allés jusqu’à tenter d’interdire son inhumation dans un cimetière musulman à cause de ses positions féministes jugées blasphématoires. 
« Longtemps après sa mort, voici maintenant des illuminés qui s’attaquent à ses livres en les brûlant.
« Comme quoi, certaines haines ne meurent jamais.
« Comme quoi, le destin des libres penseurs dans la cité islamique est toujours vécu sous la menace. »

Bourguiba, un pied d’égalité avec la femme
De même l’incontournable législateur de l’émancipation de la femme, Bourguiba, alors président du Conseil, s’appuyant, tout comme Tahar Haddad, sur l’exégèse du texte coranique, pour instaurer (entre autres droits fondamentaux comme le droit de vote) « la monogamie, le libre choix de la future épouse, l’abolition des tribunaux religieux, l’interdiction du port du voile à l’école, le planning familial, le droit à l’avortement, l’instauration de la République… » a connu bien des détracteurs conservateurs.

Elu à la présidence de la république tunisienne en 1957, Bourguiba légitime le féminisme en tant que « doctrine » de la politique qu’il mène. Le CSP subira les relents discriminatoires dus à la tradition, du fait de l’inscription dans la Constitution de 1959 de l’article « La Tunisie est une république islamique ». Malgré cette concession, Bourguiba table sur le dynamisme des femmes, nommées aux postes clés des Maisons de Culture.

Parcours de femmes libres
Dans le paysage tunisien du début du XXème siècle, les femmes se sont montrées combattives. Indépendantistes, féministes, instruites, exerçant un métier, nombreuses ont été les femmes qui arrachaient leur liberté au jour le jour. « Habiba Menchari  au cours d'une conférence à Tunis en 1924, réclame l’abolition du voile, et joignant l'acte à la parole se découvre le visage en l’ôtant. »

Habiba Menchari : pour une question de voile
De même, la figure de l’actrice et chanteuse Habiba M’sika, (1903-1930) inspire encore les cinéastes : de Salma Baccar à Sarah Benillouche. Pour ces héritières des brèches ouvertes par leurs aînées, comme Jalila Hafsia, reste à porter la voix de celles qui se sont tues. Pour elle, le féminisme s’élabore dans une société où la mixité n’est pas taboue. Ainsi s’entoure-t-elle de ceux qu’elle appellera « ses fils ».

« Journaliste, écrivaine, animatrice culturelle et femme émancipée, Jalila Hafsia marque toutes et tous ceux qu'elle croise. En témoignent toutes les femmes présentes, lors de cette rencontre, conviviale certes, mais surtout sympathique. Autour de Jalila, il y a toujours de la bonne humeur et un peps qu'elle seule sait dégager avec sa manière d'aller vers les autres et de considérer tout le monde comme des amis. »

Jalila Hafsia : des générations actives
Asma Drissi souligne ainsi, en 2011, l’impact d’une femme au service de ses semblables et de la société tunisienne dans sa totalité : « De nos jours, rares sont les femmes célèbres, qu'on reconnaît dans la rue et à qui on témoigne admiration et amour pour leur action culturelle, pour avoir été un soldat de l'ombre d'une lutte pour l'émancipation des femmes, pour avoir été le mentor de plus d'une plume féminine, pour être un exemple…un modèle.
« Jalila Hasfia, à qui on a rendu hommage vendredi après-midi, à la Bibliothèque nationale, fait partie, elle, de ces femmes qu'on ne risque pas d'oublier. Femme de culture dans plus d'un domaine, elle a consacré beaucoup de temps (ou peut-être le temps qu'il faut) pour créer une vie culturelle, là où elle fait escale. »
   
A son rôle culturel, salué par l’actuel ministre de la culture, Bady Ben Naceur lui impute avec justesse, celui de « mémoire vive », avec 30 ans de journalisme : « Du Belvédère au Club de la Médina en passant par l’Espace Sophonisbe (encore une femme célèbre, de l’Antiquité celle-là) de Carthage — qui s’en souvient aujourd’hui ? — Jelila Hafsia, chroniqueuse à La Presse de Tunisie «En toute liberté», avait fini par écrire ses mémoires. Mémoires d’une époque — et même de plusieurs — où s’entrecroisaient les esprits éclairés littéraires et artistiques combattant ceux bien souvent étriqués et mensongers des pouvoirs politiques qui avaient la mainmise sur tout. Au final, la Révolution du 14 janvier est arrivée, comme un tsunami, balayer toutes ces tares qui empêchaient la claire intelligence de s’exprimer. Juste retour des choses aujourd’hui, puisque ce club féminin, jusqu’au bout des ongles mais ouvert à la gent masculine non machiste, lui rendra un vibrant hommage après-demain, vendredi »


Tahar Haddad : plus qu’un mythe, une réalité

Et si Jelila Hafsia appartient à cette catégorie de personnalités qui n’ont jamais sacrifié au culte de leur image, elle reste pour moi, la femme sans âge, tant sa pétulance est allègre et sémillante, à la ville comme sous la plume. Le tout récent Volume IV -«Chronique familière » sorti en 2012, date de ses 84 ans- complétant le recueil Instants de vie, suite de « témoignages, de réflexions sur des questions politiques, culturelles ou personnelles commencé dès 1967 », affirme son engagement critique dans l’écriture. Pionnière, « Jalila est la première tunisienne à publier un roman en langue française, en 1975 (avec Cendres à l’aube) ».

Féminisme, un scandale ?
A la question que pose Bady Ben Naceur dans son édito, qu’il se rassure ! De Tahar Haddad, ce n’est pas tant son cri d’alarme que sa révolution féminine qui perdure. Elle est passée dans les gènes de la société tunisienne, femmes et hommes inclus qui assument à part entière. Personnalisée par Jelila Hafsia, premier relais des jours meilleurs, les jeunes continueront à se passer le flambeau !

« Heureusement on ne brûle plus les sorcières, on préfère dresser un bûcher autour de leurs pieds sacrés de déesses en papier laissant au temps le soin d’allumer le brasier. Aliaa la blogueuse nue du Caire a jeté l’effroi sur l’institution El Azhar avant de se réfugier en Suède. Questionnée sur le geste d’Aliaa, la grande féminine et psychiatre égyptienne Nawal el Saadaoui a répliqué : "Je le perçois comme un cri !" Oui, les Femen crient. Scandaleuses ? Toutes les féministes ont commencé leur combat en scandalisant, Simone de Beauvoir était la bête noire de l’Eglise et des politiciens de l’époque. »

Le combat féministe continue…
« La vocation du club Tahar-Haddad s’est-elle perdue ? Bien sûr que non. Il y a, seulement,  que ce XXIe siècle débordé avec les effets de la révolution tunisienne  a, en quelque  sorte  «masqué», idéologiquement (religieusement), les espoirs d’humanité qu’une jeunesse, d’une génération à l’autre, attendait. »

Noël 2013 semble avoir été l’objet des proclamations et des décisions les plus contradictoires de par le monde… mais il laisse place aussi aux espoirs les plus légitimes : « Les masques sont en train de tomber et l’islamisme radical démontre bien qu’il pourrait être le pire des totalitarismes.

Tahar Haddad : un club aux fondations solides
« Nous sommes prévenus. Les précédents sont d’ailleurs nombreux. Mais nous ne serons pas des Munichois, les bras croisés et les regards détournés, face à cette violence barbare… », conclut Hatem Bourial, dans son « billet » cité précédemment.


L’incroyable assuétude des « Asker Ellil » -« soldats de la nuit » ou « de l’ombre »-, cour de jeunes gens et véritables chevaliers servants qui assuraient la protection d’Habiba M’Sika, après ses prestations scéniques… semble avoir évolué au cours de ce siècle. Chacun sait que le Tunisien est doté de cette prévenance et de cette courtoisie envers les femmes : Jalila Hafsia a savouré la même obligeance de la part de son « fan club », masculin et féminin.


Tous Asker Ellil confondus…

Sa mission de fourmi ouvrière auprès des femmes l’a fait surnommer « soldat de l’ombre », dans la mesure où jamais, elle n’a cherché à se mettre en avant. Magnifique legs qui lui prodigue bien des égards ! Reste que la tradition de l’ombre subit les avatars des coteries intégristes bien moins recommandables. Mais ceci n’est qu’un fourvoiement de l’histoire… une courte parenthèse, n’en doutons pas.

Un article de  Monak

Tous droits réservés à Monak. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.

Sur le sujet, lire aussi :
-          Le combat pour la dignité
-          Asma Drissi : Parcours d’une femme libre


Voir ! 
-          « Kibarouna invite Jalila Hafsia épisode 01 (30-12-2013) »  sur « Telvza Tv - www.telvzatv.com ». Si vous ne comprenez pas la langue, c’est le moment de vous faire des amis tunisiens…  
-          …mais aussi de découvrir au bout de ce lien, la personnalité étonnamment vive et toujours aussi dynamique  de Jalila Hafsia :