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dimanche 25 mars 2012

Pour la fête de l’Indépendance

La Tunisie laïque était dans la rue

Dans une Tunisie que les stigmates des affrontements récents, tatoués salafisme, hérissent de herses et de chars autour des bâtiments gouvernementaux, le 20 mars 2012 s’est fêté dans une liesse sans compromis.

Fleur rouge à la tourelle
A l’affiche de cette journée nationale qui affranchit historiquement le pays de toute forme de joug étranger – un certain printemps 1956 -, « l’indépendance en toute indépendance », clament les manifestants.

Un pays qu’on enchaîne ?
Pas si sûr ! Les fantômes ébène se terrent à la coupole d’El Menzah ! Et la foule les conspue. Bien décidée à ne pas se faire mettre aux fers. Au grand jour, « les cris sourds du pays qu’on enchaîne » deviennent clameur, souligne Tunisie-news.com.

Un document filmique signé du réalisateur Ibrahim Letaïef, participe de ce témoignage. L’estimation du nombre des manifestants sur la capitale oscille de 20 000 à 73 266.  Le consensus est net : « On ne touche pas à nos droits ! »

La chaise éjectable
C’est tout de même une prise de conscience qui se déploie avec la même ampleur sur l’ensemble des grandes villes du pays. La dictature ne passera pas. Ce 20 mars prend les devants et les poings se lèvent aux accents de l’hymne national.

Au palmarès des slogans sans parole, un simple avertissement sans retour. Une chaise, brandie haut, passe de mains en mains : son parcours s’achève par une culbute sous les tollés. Le trône vacille. Et la foule est joyeusement solidaire. Elle n’a plus peur !

Désistement historique de la Constituante
Pour preuve ? La nation est venue célébrer sa victoire en famille. Les victimes honorées appartiennent au passé. « Plus jamais ça ! ». Aujourd’hui, la leçon de l’indépendance est pratique : elle se transmet d’ancêtre à nouvelle génération. Elle s’intitule citoyenneté.

Un même voile, le drapeau.
Au fronton des aberrations anticonstitutionnelles, le désistement d’un gouvernement devenu invisible à l’occasion, fera date dans la suite des atermoiements et autres lâchetés dont il fait preuve depuis plusieurs mois.

L’indépendance a été flétrie par le pouvoir en place. Prudemment s’est-il éclipsé. Craindrait-il de se montrer en public ? Chancellerait-il tant à l’ombre du palais pour ne plus proclamer victoire ?

En sourdine, bien sûr, des fanions ténébreux obscurcissent certains minarets. La capitale ne flambe pas du rouge des drapeaux. La richesse de Carthage, la pourpre, escamotée pour une question de tissu ?

Un même voile, le drapeau !
Tandis que les citoyens paradent sous les plis du drapeau, les banderoles officielles sont rares. Les employés municipaux exemptés d’accrochage. Etrange mutisme des murailles !

Chechia au top !
A la rambarde, au parvis du Théâtre, le pétale rouge éclot. En cape, en voile, en tunique, T-shirt, toile, carton, chechia, tunique, le quidam est étendard, gonfalon, oriflamme.


Il n’est pas que les pancartes qui parlent. Chacun vient couvrir de sanguine la page blanche de l’Histoire. Liberté, parité, démocratie. Un prénom, une signature, une goutte d’acrylique pour conjurer le « monument des vivants ».

Démocratie pour tous
Achevée, l’ère des martyrs. Les voix se font entendre. Venues du plus profond des souffrances secrètes. Les victimes des salafistes dénoncent. Leur harangue reprise en écho.

Voix de Femmes de Nabeul
La chaîne des bravos se cadenasse et se solidarise. Les « Voix de femmes de Nabeul » révoquent les « mutilations barbares », invalident les « pratiques indignes », les « anathèmes » de l’humiliation, exigent « respect » de leur intimité.

« Parité », comme leitmotive de cette autonomie mutuelle ; « chariâa abolie », « esclavage, ravage ! », « dictature, dégage ! ». Le ton monte. Avec lui, cette lueur d’espérance (Amel) comme un refrain d’avenir.

Alors, chapeau les Tunisiens !
Face à la démence mortifère, l’Indépendance a pris couleur de vie. Celle du sang qui bouillonne, mais ne se répand pas. « Une fête de l'indépendance vraiment indépendante! »


Un article de MonaK

  

vendredi 23 mars 2012

Petite histoire de l'île de Pâques

L'île des Moaï et des légendes

Aujourd'hui rattachée au Chili, elle s'appelle en réalité Rapa Nui (la grande rame) depuis le XIXe siècle. Mais elle a connu d'autres noms et bien des vicissitudes.

Lors de la colonisation espagnole en 1770, elle fut baptisée île San Carlos. Mais on lui connaît au moins deux autres noms plus anciens: Mata Ki Te Rangi, ce qui signifie «les yeux qui regardent le ciel» et Te Pito O’te Henua: «l’utérus de la terre».

Rapa Nui ne compte qu’un seul village
Bien que connue dans le monde entier par les légendes liées aux célèbres Moaï, l’Île de Pâques mesure à peine 16.628 hectares. Elle est aussi la terre habitée la plus isolée de la planète puisque la côte la plus proche, en l’occurrence le Chili, se trouve à 3.700 km!

L’annexion par le Chili

Ce n’est qu’en septembre 1888 que Don Policarpo Toro prit officiellement possession de l’île au nom du Chili. Elle est aujourd’hui un département de la province de Valparaiso (cinquième des douze régions chiliennes).

Don Policarpo Toro Hurtado (1856 - 1921)
Quant à son nom d’Île de Pâques, elle le doit au premier Européen à avoir touché ses côtes, le Hollandais Jacob Roggeveen, tout simplement parce qu'il fit cette découverte le jour de Pâques. C’était en 1722.

La fin du peuple pascuan

En 1863, des bateaux péruviens débarquèrent pour réduire la population en esclavage. L’opération se traduisit par la disparition de 80% de la population, dont tous les chefs et leurs familles, ainsi que l’élite de l’île: vieux sages, savants, prêtres, etc… C’est cette sanglante opération qui a anéantit la culture et les traditions pascuanes.

Jean Baptiste Onesime Dutrou Bornier, roi de Pâques
L’an 1870 fut une autre année noire. C’est là que se situe le sinistre épisode du français Jean-Baptiste Onésime Dutrou-Bornier qui s’autoproclama «Roi de Pâques» avec, semble-t-il, l’aide des Tahitiens Salmon et Brander et de leurs familles. Il réduisit toute la population en esclavage avant de se faire assassiner.

Un cheval pour deux hommes

Aujourd’hui, Rapa Nui ne compte plus guère que 3500 habitants et 1500 chevaux! Sur cette population, seule une quarantaine de personnes peuvent prétendre être de pure souche pascuane. Le métissage est en effet fortement favorisé par les habitants pour lutter contre les problèmes de consanguinité.

Les célébrissimes Moaï de Tongariki
On estime que dans une génération, deux tout au plus, il ne restera plus un seul pur Pascuan.

La catastrophe écologique

Le deuxième drame qu’ait connu Rapa Nui fut d’ordre écologique: la déforestation. Initialement très boisée, le patrimoine forestier connut sa première attaque lors des dernières glaciations, il y a environ 12.000 ans. Mais beaucoup plus récemment, c’est l’homme qui est responsable de la disparition de la forêt pascuane.

D’abord, il y eut les incendies. Les volontaires, dus aux cultures sur brûlis qui échappaient au contrôle des paysans, et les involontaires, dus aux incessantes guerres tribales. Ces incendies étaient attisés par les vents permanents qui balaient l’île et empêchaient de les maîtriser. Il y avait aussi les rituels funéraires qui imposaient la crémation des morts sur d’énormes bûchers, eux aussi gros consommateurs de bois, et qui avaient tendance à échapper à tout contrôle, gagnant la forêt voisine.

Pour finir, de la fin du XIXe siècle jusqu’en 1985, l’île entière a été transformée en un gigantesque élevage de mouton (jusqu’à 55.000 bêtes en même temps) qui ont achevé de détruire la végétation.

Une économie sous perfusion

L’économie pascuane repose entièrement sur le tourisme et elle est totalement dépendante du Chili pour ses approvisionnements.

Hanga Roa, le seul port de l'île de Pâques
Le seul port de l’île ne peut accueillir que des petites embarcations. Les deux cargos annuels mouillent au large et ce sont de petites barges qui transfèrent les cargaisons jusqu’à la côte, opération très périlleuse qui est impossible dès que la mer est un peu trop forte.

Heureusement, la compagnie aérienne Lan Chile assure deux vols hebdomadaires sur la ligne Santiago-Hanga Roa-Papeete.

Développement et protectionnisme

En ce début de millénaire, seul le village de Hanga Roa appartient aux Pascuans. La quasi-totalité du reste de l’île est propriété de l’armée chilienne. Ce particularisme a permis de conserver à l’île un environnement très protégé, à la fois de la pollution et de l’urbanisation sauvage.

La seule plage de Rapa Nui
Il est aussi à l’origine d’un politique d’immigration extrêmement restrictive puisque le seul moyen de vivre à Rapa Nui est de se marier avec un ou une Pascuane.

Depuis un peu moins d’une dizaine d’année, l’armée libère des terres au compte goutte sous la pression des insulaires. Ce phénomène s’accompagne de transformations très profondes et sans doute irréversibles, tant de l’île elle-même que de sa population et de sa culture.

Promenade à l'Île de Pâques
Aujourd’hui encore, le nombre de touristes par an est limité à quelques milliers, et la durée des séjours est strictement limitée à une semaine, deux au grand maximum. Ce qui rend extrêmement difficile de pouvoir assister au merveilleux festivalqui se tient une fois par an pour quelques privilégiés.

Liens :

Un article de Julien Gué

samedi 17 mars 2012

Noureddine Ouerghi

Un Tunisien « La Plume au clair »

Son sabre langagier, il y a beau temps que Noureddine Ouerghi l’a tiré du fourreau pour le brandir sur les scènes du Nord-Ouest, et de la capitale tunisienne, ensuite.

Ses traits de plume, il les décoche depuis toujours : sur papier, sur le web, au creux des foyers, sur la glèbe du Théâtre de la Terre, aux cafés des petits matins et des fêtes nocturnes.

Noureddine Ouerghi : un verbe haut d’empathie
Ainsi écrit-il le 1er mars 2012 :
La plus honnête des putes!!

" S'il n'en reste qu'un
Je serais celui-là " !!
La plume au clair (…)
Fils de putes !!
Comme ils disent
Oui, nous le sommes
Apollon, fier, le phallus en l’air
Adore nos mères (…)
Vagues déferlantes
Farouches Berbères !!

Tango , hymne de la terre ..
Fils de putes!!
Comme ils disent
Oui , nous le sommes
Apollon, fier , le phallus en l'air
Adore nos mères
Tango , hymne de la terre ..
Fils de putes!!
Comme ils disent
Oui , nous le sommes
Apollon, fier , le phallus en l'air
Adore nos mères
Tango , hymne de la terre ..
Fils de putes!!
Comme ils disent
Oui , nous le sommes
Apollon, fier , le phallus en l'air
Adore nos mères
Le couteau est tiré car la guerre est déclarée entre les rouleaux compresseurs de la guerre sainte et les artistes tunisiens. Sous couvert de bonne morale orthodoxe et surannée, a contrario de la culture tunisienne, les envahisseurs de l’automne tunisien insultent femmes et mères, approuvés par les majoritaires (bien relatifs !) de la Constituante actuelle.

Théâtreux : les rebelles de la faim
Mais elle est plus ancienne sa lutte pour la survie de ses frères en guenilles. De bric et de broc, à l’instar des populations excentrées de cette région frontalière du Nord-Ouest de la Tunisie, Noureddine et son théâtre contestent depuis qu’ils tentent d’exister.

Car, à l’Indépendance, la culture de création a été accaparée par les citadins. Parallèlement au phénomène d’exode rural, l’image du paysan est véhiculée par les medias, de façon caricaturale.

Pourtant au Kef, comme à Jendouba, un foyer théâtral contestataire s’était mobilisé. La région l’a payé très cher sous les précédentes dictatures : quasiment occultée après des coups de semonce. Noureddine est de Jendouba, revendique son origine paysanne, et son théâtre ne se nourrit que des fruits des applaudissements, plus que d’un budget inconfortable.

Le théâtre : porte de tous les possibles
De ces montagnards berbères – véritables autochtones khroumirs -, endurants et tenaces, il ne lâche rien de leur pugnacité. Il voulait bâtir de tourbe, en Khroumirie, une « Cité Théâtrale », un lieu où le théâtre s’instaurerait dans les rues d’un village-décor… où l’artistique vivrait au rythme de la Terre.

L’idée d’une sorte de théâtre participatif où les rôles se distribueraient avec les habitants. Le projet a avorté dans les années 70, faute de subsides. Imaginez quelques trente-six ans plus tard, la verve enragée d’un « indigène » face à l’implantation - grassement payée -, dans la basilique historique du Kef, des tortionnaires salafistes (oct. 2011) !

Des Sans Théâtre Fixe aux endettés  de la culture
Et depuis cette date des élections d’octobre l’artiste, que la poésie et une formation de sociologue ont mené vers la dramaturgie, ne cesse de lancer ses déclarations d’amour : à l’humain, à la vie, au vin, à la Femme, à la Terre. Car ce terroir a toujours été imprégné d’Amour, pour s’être fondé sur le site de la ville numide Sicca (Le Kef), devenue Sicca Veneria (sous l’occupation romaine) : la ville de Vénus !

Et il clame son indignation et sa désillusion croissante :

Ils tenteront de la prostituer, la Révolution...
au nom de la prostitution sacrée...
Mais qu'est-ce que cet hymen,
qu'ils veulent sacraliser
tout en le déchirant ?
Elle s'est donnée, la Révolution
Elle s'est donnée à la Liberté
Est-ce une putain ?
Eux, ils le volent, ils le saccagent
Eux,  Ils la spolient de sa dignité
Ce sont sont eux qui l'ont vendue ...
Et ils veulent la traîner à leurs pieds (23 déc. 2011)

Musicalité de la scène et du verbe dans Rhapsodie des comédiens (2008)
Pas moins d’une quarantaine de pièces écrites, montées, et une bonne dose de projets avortés : elles portent sur scène le combat des insoumis, les résistances, le labeur qui paupérise. Le théâtre tunisien est majoritairement engagé, mais l’isolement de Noureddine l’a conduit, pendant près de trente ans, à un nomadisme souvent sans issue.

Ce n’est qu’en 2005, qu’il se pose à Tunis, dans un espace délabré. Il s’endette à l’aménager sous le nom de Théâtre d’Art Ben Abdallah.

La « décensure » à l’ère de la décadence
La récente révolution tunisienne a supprimé la Commission d’Orientation qui octroyait ou non le visa d’exploitation des productions théâtrales. Elle lui a donc accordé l’opportunité de re-présenter, en janvier dernier, Khira, pièce censurée précédemment parce que dédiée aux émeutes du pain de 1984.

« C’est l’écriture ardente de Nouredine Ouerghi, un travail d’orfèvre sur les mots qu’il martèle, scande, embrase, illumine, leur donne souffle et vie, les fait couler comme un torrent de lave ou comme un ruisseau béni. », commente Tounès THABET dans un article de presse.

Nahla, la relève dans : Khira (2012)
En cette période où le dogme prévaut sur la loi, où l’interdit condamne le droit de vivre, Noureddine se bat pour l’intégrité de la personne face à une décadence annoncée. Et même si le retour à la norme s’annonce difficile, se risque-t-il à lancer les « J’accuse ».

Ses poèmes ou manifestes poétiques ne cessent de réaffirmer le mode de vie à la tunisienne dont les obscurantistes cherchent à les dépouiller.

Sa page Facebook est devenue un cercle de poètes et d’opinion. Et les voix, de plus en plus nombreuses s’y font lire et déguster. La bataille de la plume ne semble pas totalement perdue, quoi qu’en disent les malveillants et tenants des médias.  
Une poétique bucolique
Presque tous les titres de ses pièces portent une empreinte agreste : Graines de Grenade, Sabots des Epis, Fleurs d’Eucalyptus. Il n’y aurait que les derniers qui soient marqués par les remous de la société tunisienne ; ils correspondent à sa période tunisoise : Dérision, Déflagrations.

Au panthéon du poète, avec le petit peuple de la paysannerie, la mère patrie - la terrienne Gaïa -, figurent ses égéries, Nejia – son actrice fétiche - et la relève avec Nahla. Cycle chatoyant coché d’un marque-page ; mais pour lors, sa loquacité se teinte de ténèbres mais aussi de proclamations intempestives sur la libre féminité.

Les dédales du Théâtre d’Art Ben Abdallah, Tunis
Ainsi les images de ses récents poèmes sont beaucoup plus sombres et évoquent l’agonie et la mort de la Terre : ténébreuse, aride, ridée, morbide, muette. Il brosse des paysages dantesques et livides, des panoramas démantelés : la neige frissonne, moisissure du soleil, Vénus frigide ; des disparitions irréversibles sous l’orage, la lave, les cataclysmes, etc.

Sa parole ne fait plus de concessions : à l’injure, à la violence déclarée des porteurs d’anathèmes, répond-il et témoigne-t-il de manière plus acerbe. Et réplique-t-il à la trivialité et à la cruauté, par la crudité et l’indécence :

TeXticules
Goutte à goutte
Les mots tombent
Paresseusement dans l'outre
Des palabres
Et remplissent les vessies
Des barbes fielleuses !!
Il pleut
Une pluie porcine
Le tonnerre mugit
Sous des hijabs pudibonds !!
L'arc tendu
Bande mou!!
La flèche brisée
Suinte de dépit !!

Nejia Ouerghi « Moi la femme Tunisienne » de Moncef Dhouib »

Cet article ne visant pas la rétrospective, mais la geste du poète-dramaturge en pleine actualité, nous nous en tiendrons à l’inspiration « enragée » - au sens révolutionnaire et de l’étymologie grecque du génie - de ses poèmes caustiques.


Un article de MonaK

mardi 13 mars 2012

8 mars, journée de la femme

Parlons un peu des vahine

Tout a été dit ou presque sur la Journée de la femme. Mais que sait-on vraiment des vahine polynésiennes et de ce qu'elles vivent ?

De nos jours, sur le territoire de la République française, terre dite des droits de l’homme, la journée de la femme a perdu l’essentiel de son sens revendicatif. Il est vrai que bien des combats menés ont été remportés : Droit de vote, droit à la contraception, droit à l’avortement, et tant d’autres choses encore…

A Valenton, la journée de la femme 2012 
Pourtant, si dans la quasi-totalité des domaines hommes et femmes sont égaux devant la loi, la réalité est souvent bien différente. Ainsi, nombre d’obstétriciens refusent de pratiquer l’avortement et d’autres refusent de prescrire la pilule. Dans le monde du travail, à travail égal nous sommes bien loin de constater l’égalité des salaires. Et l’on pourrait égrener longtemps la litanie des domaines dans lesquels cette soi-disant égalité n’est pas respectée.

Les vahine dans la société traditionnelle

Les sociétés polynésiennes traditionnelles reposaient sur une structure pyramidale extrêmement stricte et hiérarchisée. Toutefois, si les rôles et les tâches de chacun et chacune étaient parfaitement définis, les femmes y jouissaient d’un statut et de libertés dont elles ont perdu l’essentiel.

Logo d’une célèbre boisson alcoolisée polynésienne…
Le titre de souverain ne revenait pas à l’aîné des garçons d’une famille mais à l’aîné des enfants du couple royal. Le fait est que nombre de reines ont profondément marqué l’histoire polynésienne. Ne prenons, pour exemple, que la reine Pomare IV qui régna un demi-siècle, de 1827 à 1877.

Et ce même logo d’une marque de bière détourné
Les règles qui régissaient les rapports entre hommes et femmes n’étaient pas aussi simplistes qu’elles aient pu paraitre aux yeux des premiers découvreurs de ces îles. Les responsabilités y étaient partagées. Selon des codes très stricts et très complexes, mais bel et bien partagées.

 

La vahine, de 1797 à nos jours

Trois événements majeurs ont profondément transformé la société polynésienne, et par là même le statut et le rôle des femmes dans cette société.

Le premier d’entre eux fut l’évangélisation des peuples polynésiens. Les missionnaires n’eurent de cesse qu’après avoir vêtu à l’occidentale ces femmes aux seins nus, les engonçant, malgré le climat tropical, dans des robes longues et cachant bien la poitrine. Qu’après avoir interdit tout rapport sexuel avant un mariage religieux officiel. Qu’après avoir imposé le modèle du couple occidental, avec son image de l’homme « seigneur et maître ». Ainsi furent également interdites danses et musiques jugées trop lascives et provocantes, par exemple.

Combien de temps avant que les Tunisiennes ne portent la burqa ?
L’isolement de ces îles et le grand intérêt des Polynésiens pour les choses de la foi leur facilitèrent, il est vrai, grandement la tâche.

Le deuxième événement clef fut l’installation, en 1963, du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP). Autrement dit le début des essais nucléaires en Polynésie.

L’attrait de l’argent provoqua une migration massive des hommes vers les sites militaires du CEP et leurs activités connexes, laissant aux femmes le soin de gérer familles, maison et terres. Tâches dont elles s’acquittèrent fort bien.

Le dernier de ces trois moments décisifs de l’histoire polynésienne fut l’arrêt des activités nucléaires. Les hommes n’avaient plus de travail et avaient désappris la vie dans leurs îles d’origine. Beaucoup d’entre eux ne voulaient plus y vivre et choisirent de s’installer sur Tahiti, y faisant venir femmes et enfants.

Mais le CEP fermé, il n’y avait plus de travail pour eux.

Logo officiel 2011 de la journée de la femme
Chômage, alcool, déculturation… Le cocktail a fait des dégâts considérables, dépossédant les Polynésiens de leur rôle de pourvoyeur d’argent et de sécurité. Il leur a également fait suivre un chemin particulièrement inquiétant qui se traduit aujourd’hui par le terrible constat suivant : les deux tiers au moins des délits jugés et condamnés par les tribunaux polynésiens sont des délits sexuels. Attouchements, agressions, viols, souvent sur des mineurs de moins de quinze ans… tel est l’essentiel des motifs d’incarcération à la prison de Tahiti.

 

Les vahine aujourd’hui

Dans le même temps, les femmes faisaient en sorte que la vie continue.

Durant la période du CEP, outre s’occuper des enfants et du fare, ce sont elles qui assurèrent l’essentiel des travaux agricoles et de la pêche lagonaire. Ce faisant, elles sont devenues un rouage majeur de l’économie locale.

Depuis la fermeture du CEP, ce sont elles encore qui, pour avoir appris à le faire pendant la période de vaches grasses, font bouillir la marmite de bien des foyers polynésiens. On constate, par exemple, que la majorité des jeunes Polynésiens diplômés sont des femmes.
Pourtant, on ne peut pas dire que ce rôle vital leur soit reconnu.

Ainsi, l’image de la vahine lascive continue d’être utilisée à outrance pour vendre tout ce qui peut avoir un lien, de près ou de loin, avec la Polynésie, à commencer par les autorités locales qui en usent et en abusent dans toutes les campagnes de promotion de la destination touristique.

Ainsi, il ne se passe pas une semaine sans que, ici ou là, n’ait lieu une élection de miss, chacune d’entre elles faisant l’objet d’une couverture médiatique inimaginable en France métropolitaine.

Soyons égaux en tous points !...
Parallèlement, l’Assemblée de Polynésie a attendu l’année 2003 pour légaliser l’avortement, alors qu’il l’est en France depuis 1973.

Ce sont toutes ces contradictions, et bien d'autres encore, que la société polynésienne contemporaine va devoir s’attacher à résoudre si elle souhaite retrouver une certaine harmonie dans les rapports hommes-femmes.

Et si elle veut leur donner enfin toute la place et la reconnaissance qui leur revient.

Est-ce pour ce faire qu’en Polynésie la Journée de la femme s’étire sur une semaine ?

Ou bien est-ce pour permettre à une classe politique en mal de soutien populaire de se montrer à son avantage en allant d’une île à l’autre, d’une manifestation à l’autre, mettre en avant tout l’intérêt qu’elle leur porte… pendant une semaine ?

Un article de Julien Gué


mardi 6 mars 2012

Tahiti et le Christ

Le 5 mars 1797 arrivait l’évangile

Il y a 215 ans, dix-huit missionnaires britanniques débarquaient à Tahiti, dans la baie de Matavai. L'évangélisation de la Polynésie venait de commencer...

La rencontre entre les « sauvages » et les Anglais à Tahiti
En ce mois de mars 1797, un navire battant pavillon de la couronne d’Angleterre mouille dans la baie de Matavai, à quelques encablures de la plage de la pointe Vénus, sur la côte est de Tahiti.

Commandé par l’explorateur James Wilson, ce même navire, le Duff, fera plus tard escale dans l’archipel des Gambier, donnant au passage son nom au plus haut sommet de l’île de Rikitea. Mais là, ce sont des missionnaires catholiques français qui débarquèrent...

Le jour qui transforma les Polynésiens

Sur les trente missionnaires de la London Missionnary Society qui se trouvaient à bord du Duff, dix-huit avaient pour mission de débarquer à Tahiti, d'y établir une mission et d'évangéliser les «sauvages» qui peuplaient cette île déjà mythique.

La plaque avec le nom des 18 premiers missionnaires
La mission évangélique avait à sa tête le pasteur John Jefferson. Sur les dix-huit membres du groupe, seuls quatre étaient considérés comme lettrés et instruits. Les autres missionnaires, bien que sachant tous lire et écrire, étaient relégués à des travaux manuels ou subalternes.

Sur la plage, le comité d’accueil avait à sa tête le jeune roi Pomare II et son épouse, la belle Tetua-nui Taro-vahine (dite Tetua Tetua), tous deux juchés sur les épaules de solides jeunes hommes…

La plage de la pointe Vénus aujourd’hui
Toutefois le succès, incontestable aujourd’hui, de cette mission d’évangélisation fut long à se dessiner.

Henry Nott, l’homme qui convertit le roi

Parmi les dix-huit hommes qui débarquèrent du Duff s'en trouvait un qui transforma le destin de la Polynésie et des Polynésiens: Henry Nott, maçon de son état.

Henry Nott, l’homme par qui arriva l’évangile
Son premier exploit fut, incontestablement, d’avoir obtenu la conversion du roi Pomare II. C’est en effet cette conversion qui, lentement mais sûrement, fit tache d’huile et provoqua la transformation profonde des sociétés polynésiennes.

Mais Henry Nott est surtout connu pour avoir, aidé dans sa tâche par un autre missionnaire, John Davies, et par le Polynésien Tuahine (originaire de Raiatea), traduit la Bible en langue tahitienne.

Pomare II, le premier converti

Il fallut de longues années pour que le travail de nos premiers missionnaires porte ses fruits. Mais le résultat est là aujourd’hui, incontestable. La quasi-totalité de la population polynésienne est soit catholique, soit protestante, soit membre de l’une ou l’autre de ces églises issues de ce tronc commun (mormons, témoins de Jéhovah, adventistes, etc.).

Le roi Pomare II après sa conversion
Pour le roi Pomare II, qui franchit le pas en reniant les croyances de ses ancêtres, les choses ne furent pourtant pas faciles. Il lui fallut lutter contre tous pour imposer son choix. Il y parvint essentiellement grâce à un élément majeur présent dans la nouvelle doctrine, qui était totalement nouveau pour les Polynésiens: le pardon.

Les sujets du jeune roi, séduits par la nouvelle foi, mais aussi sans doute pour rester dans les bonnes grâces de leur souverain, étaient de plus en plus nombreux à se convertir. Un phénomène qui ne plaisait guère aux représentants des cultes traditionnels, évidemment.

Le domaine de Pomare peint en juin 1846 par Cyprian Bridge
Les conflits se multiplièrent et gagnèrent en violence. Au petit jeu sanglant de la guerre de religion, ce sont les chrétiens de Pomare qui l’emportèrent. Et c’est à ce moment-là que Pomare anéantit tous les espoirs de ses opposants. Car, contrairement à la coutume de l’époque en de telles circonstances, il interdit le pillage, la capture des vaincus et même le massacre qui aurait dû avoir lieu… Il alla jusqu’à organiser un culte d’action de grâce…

Les dés étaient jetés.

Le 5 mars aujourd’hui en Polynésie

En 2012, en Polynésie française, ce jour anniversaire de l’arrivée de l’Evangile est un jour férié et chômé, à l’instar de Noël ou du 1er mai.

S’il s’agit, originellement, d’un événement concernant les membres des églises protestantes uniquement, il est aujourd’hui l’objet de nombreuses cérémonies œcuméniques et de moult manifestations, rencontres, offices et cultes de toutes sortes.

Une cérémonie commémorative à Tahiti
Cependant, la plus importante reste, bien évidemment, celle qui réunit chaque année, sur les lieux de cette arrivée, c’est-à-dire sur la plage de la pointe Vénus à Mahina, plus d’un millier de fidèles regroupés pour commémorer l’événement avec l’Eglise Protestante Ma’ohi.

La Polynésie totalement évangélisée

Un peu plus de deux siècles après le débarquement des premiers missionnaires du Duff, la Polynésie (devenue française entre temps) est un rare exemple d’une évangélisation totale. En effet, sur l’ensemble des cent soixante-dix-huit îles polynésiennes, on peut considérer comme quantités négligeables les personnes ne relevant pas d’une foi chrétienne.

Par contre, phénomène révélateur, certains mouvements ailleurs considérés comme des sectes, et à ce titre interdits, sont ici reconnus en tant qu’églises à part entière. Ainsi en va-t-il, par exemple, des Témoins de Jéhovah, de l’Eglise Mormone, etc.

Le temple Paofai à Papeete
Il est, par ailleurs, intéressant de noter qu’en Polynésie française, alors que la misère touche chaque jour de plus en plus de monde, les temples et les églises ne désemplissent pas et qu’ils sont, de très loin, les bâtiments les mieux entretenus de tout le pays…

Un article de Julien Gué

Quelques sources :