Les cimetières sont en fête
Pour
le jour des morts, en Polynésie française, les tombes couvertes de sable blanc
s'illuminent d'une myriade de bougies...
Une tombe
dans le cimetière chinois de Pirae à Tahiti
|
Il suffit, pour s’en
convaincre, de s’offrir une ballade de cimetières en lieux de mémoire : pas un
seul qui n’échappe à l’effervescence générale!
Quelle que soit la religion
affichée par les uns et les autres, catholiques, protestants, mormons,
adventistes, sanitos, témoins de Jéhovah, bouddhistes, bahaïstes et juifs,
personne en Polynésie n’échappe à la ferveur de ce jour de mémoire.
L’évènement fait la une de tous
les médias et occupe les pensées de tous les Polynésiens.
Sur les marchés, le quartier
des fleuristes voit sa surface tripler en quelques jours, débordant sur les
trottoirs et envahissant tous les espaces disponibles.
Au bord des routes, et bien sûr
tout particulièrement aux abords des cimetières, apparaissent d’étranges tas de
sacs en toile beige… Ce sont des sacs de ce sable blanc indispensable à la
décoration des tombes.
Préparatifs d’un jour pas comme les autres
Durant la semaine qui précède
le jour des morts, tous les cimetières et leurs abords vibrent d’une activité
étonnante.
Sur le sable, une bougie pour la mémoire |
Les premiers à investir les
lieux sont les maçons et les peintres. Rien ne doit être laissé au hasard et
chaque famille se doit de présenter le monument funéraire le plus pimpant possible.
Ainsi, dès que les petits (ou
gros) travaux de remise en état sont terminés, les peintres s’emploient à
blanchir tout ce qui peut l’être sur chaque monument funéraire.
Ce travail achevé, ce sont les
jardiniers qui entrent en action. Sarclant, binant, arrachant les mauvaises
herbes et ratissant les allées, ils sont bientôt rejoints par ceux qui, dans
chaque famille, ont été chargés de la corvée de sable.
Car pour ce jour important
entre tous, chaque tombe se doit d’être recouverte d’une couche de sable blanc
parfaitement propre. Et puis, à Tahiti comme dans toutes les îles hautes de
Polynésie, hormis pour le sable de la plupart des plages, le noir n’est pas de
mise. Nous sommes ici au royaume de la couleur.
Une fois le sable étalé,
soigneusement ratissé et débarrassé de la moindre impureté, feuille, gravillon,
brindille ou autre, arrivent les familles au grand complet, les bras chargés de
fleurs coupées, de fleurs en pots, et d’étranges petits paquets rectangulaires,
tous identiques…
Ici, les enfants aussi ont leur place près des défunts |
Alors que les jeux des enfants
emplissent les allées de cris, de rires et de mouvement, les femmes se
concentrent sur la décoration des lieux. D’abord, placer les fleurs aux
meilleurs endroits, les arranger, les débarrasser des feuilles inutiles ou
abimées. Rien ne doit être laissé au hasard…
Lentement, le soleil s’apprête
à se glisser entre les draps de l’océan tout proche. C’est le moment où la
magie va s’emparer discrètement des cimetières.
Avant qu’il ne fasse nuit,
chacun s’empresse d’ouvrir les étranges paquets de carton… et de placer
délicatement les innombrables bougies de ménage qu’ils contiennent un peu
partout sur les tombes.
La Toussaint,
une nuit de ferveur et de recueillement
Alors que la douceur de la nuit
tropicale enveloppe délicatement les îles, de cimetière en cimetière, de tombe
en tombe (car nombreux sont les Polynésiens qui sont enterrés sur leurs terres,
dans leur jardin, voire parfois au sein même de leur maison) la multitude des
lucioles de cire illumine progressivement la demeure des ancêtres, où qu’ils
reposent.
Durant l’office les enfants dansent sur les tombes |
Commence alors une longue nuit
de prières, de recueillement, et de lutte acharnée contre le vent (et parfois
la pluie) afin de conserver les flammes de la mémoire.
Tout au long de cette nuit
particulière, on se relaie près des tombes afin qu’elles ne soient jamais
seules et que les bougies soient toujours allumées et remplacées dès que cela
s’avère nécessaire.
Le jour des
morts : une fête pour les vivants
Non, décidément, en Polynésie
française, le 1er novembre n’est vraiment pas un jour comme les autres.
Dès le matin, après le culte,
quel qu’il soit, les cimetières se remplissent d’une foule endimanchée,
bariolée et pleine de vie.
Bien des gens ne se voient
qu’une fois par an à cette occasion.
Au milieu de la cohue bon
enfant, entre les jeux des enfants, les embrassades des retrouvailles, ceux qui
mangent un morceau et ceux qui entretiennent la flamme des bougies, il y a ceux
qui se recueillent, totalement insensibles à l’animation et le bruit qui les
entourent, ils sont en communion profonde avec leur passé. Rien ne saurait les
distraire de ces instants privilégiés où ils retrouvent leurs chers disparus
dans des échanges dont eux seuls connaissent la teneur.
Ainsi va se passer cette
journée sans que jamais les lieux ne se dépeuplent et sans que jamais ne
s’éteignent les bougies, malgré le vent et la pluie qui souvent s’invitent à
ces cérémonies.
Quelques instants avant le
coucher du soleil, une procession d’hommes et de femmes tout de blanc vêtus
pénètre dans les cimetières. Le silence se fait comme par magie et tous se
regroupent autour des nouveaux arrivants…
L’office, au
milieu des fleurs
et des morts
|
Commence alors une longue et
fervente cérémonie au cours de laquelle chaque tombe, sans exception aucune,
est bénie par le prêtre ou le pasteur suivis de leurs officiants et entourés
par la foule des vivants en prière.
La longue procession s’achève
dans l’un des rares espaces dégagés du cimetière, souvent à l'abri d’un arbre
majestueux, pour une messe œcuménique à laquelle chacun participe à sa manière,
souvent en restant près de la tombe que l’on est venu honorer.
La cérémonie du culte achevée,
le cimetière se vide très lentement, chacun rejoignant son foyer heureux
d’avoir, une fois encore, été là pour se souvenir de ceux qui ne le sont plus.
Peu à peu la nuit, le vent et
l’humidité font en sorte que s’éteignent une a une les bougies de la mémoire.
Jusqu’à l’année prochaine…
A lire aussi :
Cimetières
de France et d'ailleurs, patrimoine funéraire méconnu et Le
Père Lachaise : un cimetière cinq étoiles à Paris
Un article de Julien Gué
je cherche le nom Tahitien de la Toussaint
RépondreSupprimerAprès quelques recherches, chère Maimiti, la seule réponse cohérente qui m'ait été donnée (par un homme d'église de Taha'a est la suivante
SupprimerToussaint : oro'a .no .te mau taata pohepohe
Mais si quelqu'un à une ou plusieurs autres propositions : le débat est ouvert !
Julien