Un voyage
en impressions
Mèche au vent, même en
cette tiédeur d’été indien qui arbore des teintes d’automne :
l’artiste «guette» -comme il se dit par ici-, l’heure de
Réhabilitation, son exposition d’octobre. La fenêtre est
ouverte sur une Place des Vosges (celle d'Epinal !) tranquille. Un
coucher de soleil, rose indien aussi… se reflète sur les carreaux
de la Maison du Bailli.
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Alain
Colinmaire et un modelé féminin sur sa toile
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Coloriste, mais surtout
compositeur et interprète des chatoiements qu’il induit, le
plasticien spinalien se prépare à livrer ses dernières
productions. Le vernissage, c’est toujours le trac de la rencontre
ou du rendez-vous manqué.
La galerie, plein centre
ville d’Epinal, redécouvre Alain Colinmaire le prolifique. Elle
foisonne d’œuvres accrochées ou sur pied.
Dans la galerie pas très
large, en dédale, au plafond bas (caractéristiques d’une
galerie !), les représentations semblent vous happer. Ce n’est
pas tant leur proximité que l’énergie qui s’en dégage. Secret
d’artiste.
Un jeu permanent de
couleurs : même si elles semblent éliminer les teintes
solaires. L’artiste explore d’autres gammes. Et il dispose les
réalisations aux masses colorées imposantes, aux extrémités du
boyau.
L’essentiel des
couleurs, celles qui donnent sa consistance à l’ensemble de
l’oeuvre, se résume souvent à une unité de 2 tons majeurs.
Comme en un bouquet serré, elles oscillent autour d’une sorte de
mélange entre rose et cochenille, une dizaine de gris et leurs
dégradés. Ce qui est déjà énorme. Et puis elles se trouvent
rehaussées par le cadre.
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« Cible »
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Allez savoir pourquoi :
vous ne distinguez rien au départ, rien ne se détache vraiment,
mais le tout vous attire, vous retient. La magie des expos :
soit elles égratignent votre sensibilité, soit elles touchent votre
jardin secret, soit elles établissent une connivence.
Certains peuvent tout
expliquer. Mais la plupart du temps, comme la musique qui berce les
fœtus, les couleurs nous accrochent, nous emplissent de sensations.
Voilà notre regard apprivoisé par la technique d’un pinceau, d’un
couteau.
Des
émergences bouillonnantes
Dans ces espèces de
formes nuages, posées sur toile, fond de bois, tentures ou civières,
si la patience vous habite, l’effet opère : émergent alors
les traits connus de corps, dans leur complétude ou leur
morcellement.
Voilà le talent. Le
spectateur ne distinguait pas ce que son œil captait : des
silhouettes, des visages aux expressions intenses vous fixant, des
corps entremêlés. Le trait est fin, imperceptible.
Il fallait le trouver.
Mais chacun sait que la palette des peintres est inépuisable :
non seulement créent-ils des tons incroyables, mais encore
osent-ils !
Et ce qui leur est
demandé, aux artistes, c’est de nous faire voyager : que ce
soit en nous renvoyant dans les méandres de notre imaginaire ou en
nous invitant dans l’univers qu’ils nous proposent.
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« EXTASE »
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Le monde présenté par
Alain Colinmaire est à l’image de l’actualité : remuante,
incandescente, impétueuse et violente.
Des « installations »
montrent ces moments d’intensité que sont les conflits et autres
exploitations de la misère humaine : les images sont cruelles,
en brèves allusions.
L’artiste ne
s’appesantit pas vraiment. Même si ses productions ne sont pas
neutres, il semble toujours qu’une partie du moment ait été
gommée. Comme pour laisser de la place à autre chose. Pour adoucir
l’impression ? Pour casser le saisissement qui s’emparerait
de nous ?
Deux étapes se
distinguent dans la création de l’Artiste. Celle du geste, de
l’acte producteur, vigoureux, effilé, pointu, copieux, mordant. Et
celle de la reconstruction en vue de la présenter au public.
Implicitement les plages
de couleurs grisées atténuent les mutilations, les isolent, les
noient.
En fait, le peintre
semble en perpétuel duel avec les idées qui le parcourent et
s’imposent à lui : leur multiplicité, leur impulsion. Il
tient à garder leurs imbrications. Leur concrétisation est
complexe.
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« le
voyeur et l’origine », un clin d’œil à Courbet
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Deux solutions s’offrent
à lui : les classer à plat sur la toile ou les empiler en
épaisseur, les traiter en profondeur. Pour simplifier, nous pouvons
aborder une toile de 2 mètres de haut, où les saynètes
bouleversantes, leurs effets, semblent obéir à une logique
d’organisation : les cases les encadrent, les trient, les
rangent. «Le chaos est structuré» explique l’artiste.
Dans d’autres tableaux,
la succession des thèmes s’effectue par couches : en surface,
un transparent qui porte déjà des empreintes parfois brutales ;
puis une série de strates, de collages, jusqu’au fond.
L’impression de vitrail
se renforce avec le système lumineux qui l’éclaire de
l’intérieur. Dans ce cas l’ordonnancement se trouve moins
visible. L’impression d’amalgame, de mouvement fusionnel s’y
montre davantage.
Ce qui mobilise l’artiste
c’est de construire l’œuvre, en s’y plongeant, c’est d’y
pénétrer comme s’il s’agissait d’une inconnue. A le voir, on
sent qu’il ne triche pas : que c’est un acte physique, qu’il
s’y accomplit en même temps que son œuvre.
Le résultat surprend
l’artiste qui avait entrepris le feuilletage d’origine.
L’inattendu se trouve à la clé : votre perception n’est
pas la sienne, ni celle de votre voisin. Ne cherchez pas de réponses.
Certaines surgissent sans crier gare ou sans vous attendre.
D’autres surviennent à
partir d’un détail, d’un titre, d’une légende, d’une
référence à une composition réputée et connue. C’est la
disposition des éléments qui en assure l’effet spectaculaire,
leur théâtralité. Leur existence de personnage.
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« à
la recherche de Vénus »
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Si je vous dis que
l’artiste vit dans l’une de ces maisonnettes, coincée entre deux
et qui grimpent sur plusieurs niveaux (pas moins de cinq) ? Que
chacun de ses ateliers successifs est voué à une technique ?
Que le plasticien peut commencer par un modelage, qu’il est
sculpteur aussi. Qu’il redessine, colle, photographie, modifie,
détourne, agence.
Que la mise en situation
de ses représentations vous saisit… déclenche de l’émotion ?
L’art, ce langage de l’inconscient.
Un
article de MonaK