Le
cadeau de George Pritchard à la France
C'est
pour avoir demandé (et obtenu) l'expulsion des missionnaires catholiques
français que George Pritchard provoqua l'intervention militaire du roi Louis
Philippe.
Les
premiers missionnaires catholiques commencent l’évangélisation
de l’Océanie en 1834.
A
cette époque, les royaumes de France et d’Angleterre sont en concurrence pour
s’assurer la possession du plus grand nombre possible de ces nouveaux
territoires insulaires de ce que l’on appelle alors l’Océanie.
L’inénarrable George Pritchard
George
Pritchard, lui, est installé à Tahiti
depuis 1824.
Le
décor est planté pour ce qui a bien failli se terminer par une nouvelle guerre
franco-britannique.
George
Pritchard, apothicaire et pasteur anglais
Né
en 1796, il débarque à Tahiti avec sa jeune épouse le 14 décembre 1824. Il mène
conjointement, utilisant l’une pour développer l’autre et réciproquement, ses
activités « médicales » et pastorales. Et c’est grâce aux deux
combinées qu’il s’impose dans la petite société locale comme une personnalité
incontournable.
En
1837, il obtient la charge de vice-consul du Royaume-Uni. C’est grâce à ce
titre qu’il entretient une relation très privilégiée avec la reine Pomare IV
sur laquelle il exerce une influence certaine… et développe avantageusement ses
activités de commerce.
Pritchard et la reine Pomaré vus par un humoriste
Il
détient en effet une exclusivité de fait sur le négoce entre les autochtones,
les commerçants-résidents et tous les navires marchands britanniques accostant
à Tahiti.
Les
échos de la magnifique réussite de la Congrégation
des Sacrés-Cœurs (Les frères de Picpus) aux îles Gambier lui parviennent et
ne le remplissent pas de joie.
Il
mettra tout en œuvre pour entraver leur travail d’évangélisation, jusqu’à ce
jour de février 1844 où il poussa les Tahitiens (via son influence sur la reine
Pomare IV) à la révolte contre les forces françaises de l’amiral
Dupetit-Thouars.
Le
protectorat français sur Tahiti
Bien
implantés à Mangareva, les missionnaires des Frères de Picpus commencent à
essaimer et finissent par débarquer à Tahiti. Pritchard a bien prévu de les
intercepter, mais les pères Caret et Laval déjouent ses plans en débarquant
clandestinement et en se réfugiant auprès du consul des Etats-Unis, le Belge
Moerenhout.
Dès
qu’il a connaissance de leur installation à Tahiti et de leur réussite aux
Gambier, Pritchard entreprend de convaincre la reine Pomare qu’ils représentent
un danger pour elle et sa couronne. Il lui faut deux ans pour arriver à ses
fins.
Mais
en 1836, il obtient de Pomare IV qu’elle expulse officiellement tous les
missionnaires catholiques de Tahiti, ce qu’elle commença à faire.
Le roi Louis-Philippe
La
réaction de Louis Philippe ne se fit pas attendre, toutes proportions gardées
compte tenu de la lenteur des communications à l’époque et de la distance.
L’amiral
Dupetit-Thouars est alors mandaté sur place avec pour mission de régler
définitivement le problème.
Alors
commandant des forces navales françaises d'Océanie, l’amiral est surtout réputé
pour être un chaud partisan de l'annexion pure et simple des îles d'Océanie à
la France.
Au
prétexte de sauver les missionnaires français et au nom du roi et de l’Eglise,
il débarque à Tahiti avec armes et soldats et impose le protectorat français
sur l’île de Tahiti.
Le
vice-consul d’Angleterre est fou de rage : il entre en dissidence dans le but
de soulever les Tahitiens contre l’autorité française.
La
révolte de 1844 et ses conséquences
George
Pritchard met deux ans pour arriver à ses fins. Ce n’est qu’en février 1844
qu’il arrive à pousser les indigènes à la révolte sous les ordres de la reine
Pomare.
L’amiral
Dupetit-Thouars n’attendait que ça. Il fait arrêter Pritchard et l’expulse
définitivement de Tahiti manu militari par le premier bateau. Il décèdera en
Angleterre en 1883.
L'amiral
Dupetit Thouars
Mais
ce coup d’éclat a des conséquences profondes et durables sur les relations
franco-britanniques et surtout pour l’ensemble de l’Océanie.
En
effet, l’affaire provoque en Angleterre une très vive hostilité envers la
France. Au point que le premier ministre de Louis Philippe, François Guizot,
doit présenter les excuses du roi de France à la couronne britannique,
s’engager à verser une très forte indemnité au Royaume-Uni et dédommager George
Pritchard. La crise est dénouée : on n’ira pas à la guerre.
Par
contre, Dupetit-Thouars est rappelé en France.
François
Guizot par Félix Nadar
D’autre
part, afin d’éviter d’autres confrontations similaires en Océanie entre les
deux pays, on crée un ensemble de règles qui définissent les zones d’influences
respectives de la France et de l’Angleterre : Les Îles-Du-Vent pour la France,
les Nouvelles-Hébrides pour l’Angleterre et les Îles-Sous-Le-Vent comme zone
tampon.
Cet
accord tiendra jusqu’à l’annexion
des Îles-Sous-Le-Vent par la France en 1906, date de la création du
condominium des Nouvelles Hébrides en 1906.
Bibliographie :
« George
Pritchard, l’adversaire de la France à Tahiti » de Leonce Jore (1939)
Autres sources :
Un article de Julien Gué
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