Berceau de
l’évangélisation polynésienne
l’évangélisation polynésienne
Les
conséquences de l'évangélisation des îles Gambier ne furent pas toutes
bénéfiques. Les faits, hélas, contredisent trop souvent l'histoire officielle
de l'Église.
C’est en 1834 qu’est fondée, aux îles Gambier, la première mission catholique du Pacifique Sud par les pères Honoré Laval et François d'Assise Caret, accompagnés du frère Colomban Murphy.
L'imposante cathédrale Saint Michel avant sa restauration |
Ils
construisent la première église de tout le Pacifique Sud sur l’île d'Akamaru :
elle est en branchages…
En
1836 arrive le frère Soulié qui entreprendra un extraordinaire travail de
bâtisseur, comme reconstruire en dur l’église Notre-Dame-de-la-Paix d’Akamaru.
Le très
controversé Père Honoré Laval
Si
l’on se réfère aux textes officiels, et notamment ceux de la Congrégation des
Sacrés-Cœurs (les frères de Picpus), le père Laval a sauvé le peuple
mangarévien de l’ignorance et de la barbarie. Voici ce qu’écrivit Laval
lui-même à leur propos :
«
Nos insulaires se levaient autrefois vers trois heures du matin ; ils
mangeaient, se promenaient au frais jusqu'à onze heures et se remettaient à
dormir jusqu'à quatre heures du soir ; ils se levaient alors pour dîner et
passaient la soirée à courir çà et là, jusqu'à minuit, pourvu que le clair de
Lune succédât immédiatement au jour. Lorsque cela n'avait pas lieu, ils
dormaient de nouveau, après avoir dîné, jusqu'au lever de la lune (…). C'était
une vie purement animale. Aujourd'hui, ils se lèvent au point du jour, récitent
leurs prières, prennent leur popoï, assistent à la messe et à l'instruction, et
se mettent au travail. »
Le très controversé père Honoré Laval |
S’ils
vivaient réellement ainsi, on est en droit de se demander qui s’occupait de
chasser, de pêcher, de cultiver fruits et légumes, qui préparait les repas et
construisait les "fare", qui construisait les "marae" ?...
Après
un séjour à Tahiti puis au Tuamotu, le père Honoré Laval préside à la destinée
de l’archipel des Gambier et de sa population de 1855 (date du départ du père
Liausu) jusqu’au 4 avril 1871.
A
cette date, il est rappelé d’autorité par sa hiérarchie de Tahiti. De
nombreuses plaintes s’expriment à son encontre et les faits ne plaident guère
en sa faveur : il ne reviendra jamais aux Gambier.
L'agonie du
peuple mangarévien
A
l’arrivée du trio de missionnaires le 7 août 1834, la population de l’archipel est
estimée à environ 5 000 âmes. Au départ du père Laval (1871) elle est à peine
supérieure à 500 individus et continue de chuter, puisqu’en 1887 il ne reste
plus que 463 Mangaréviens.
En 1956, ils
sont à peine 580. Et ce chiffre diminue encore puisque l’on n’en dénombre plus
que 560 en 1983.
Fermes perlières à Mangareva |
C’est
l’explosion de la perliculture qui va sauver l’archipel : le recensement d'août
2007 fait état de 1 337 habitants (source : Institut de la statistique de la
Polynésie française).
Les raisons de
cet effondrement de la densité de population sont multiples. Les Mangaréviens
tombent comme des mouches : tuberculose, maladies infantiles, épidémies à
répétition, mais aussi dépérissement moral.
Il
faut également tenir compte des actes de pirateries et des rapts de jeunes gens
destinés au marché de l’esclavage.
Les ruines du collège Re’e de Aukena |
Certains
historiens pensent que beaucoup sont morts de désespoir.
En
effet, la principale raison de cette dramatique baisse démographique semble
bien être la méthode évangélisatrice du père Laval, qui pourrait avoir provoqué
l’exode des Mangaréviens refusant la vie que les missionnaires catholiques leur
imposaient par la force, et tout particulièrement le père Laval. Certains
témoignages parlent même de châtiments corporels infligés en public dans
l’église.
L'une des tours de guet des missionnaires |
Voici
ce que l’on peut lire dans le «Rapport du commissaire impérial La Roncière»,
cité par Philippe Mazelier dans le tome III de son incontournable «Mémorial
Polynésien» :
« …Ces
missionnaires sont des commerçants… ça ne peut être au nom de la civilisation
que l’on flagelle les hommes, qu’on rase la tête des femmes, etc. » Plus loin,
citant nommément Laval : « Il est pour les moyens violents, les flagellations
infligées le prouvent. Un jour, en pleine église, vêtu de ses habits
sacerdotaux, il a donné un soufflet à un jeune homme au motif qu’il l’avait vu
sourire… »
Les
jeunes cherchent par tous les moyens à quitter l'atoll de Mangareva devenu un
enfer pour eux. Ils embarquent à n’importe quelles conditions sur n’importe
quel navire, fusse-t-il négrier. Ils volent toute embarcation non surveillée,
de la pirogue à la chaloupe pour fuir les règles d’une foi qui les opprime,
pour fuir les mauvais traitements infligés par Honoré Laval.
Les
vestiges de l’évangélisation
De
ce passé douloureux, il reste que les Gambier sont les seules îles de Polynésie
où subsistent des vestiges architecturaux.
Les Gambier, un archipel pas comme les autres
Mais ils sont exclusivement ceux des œuvres des missionnaires. En effet, pour être sûr d’éradiquer les anciennes croyances, les églises et chapelles furent construites par-dessus les marae, et avec les pierres de ceux-ci.
Aujourd’hui,
Il ne reste donc quasiment rien de ce qui précéda l’évangélisation de
l’archipel des Gambier.
Un article de Julien Gué
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