Modèle politique de Polynésie
française ?
Profondément intègre, mu par des
convictions inébranlables, Pouvana’a a O’opa est incontestablement le plus
grand homme politique polynésien du XXe siècle.
À
ce jour, Pouvana’a O’opa Tetuaapua est le seul homme politique polynésien
contemporain à avoir été honoré par la population et, de son vivant, du titre
de metua, le "père" (de la nation). Un titre que d’autres depuis
ont vainement tenté de s’auto attribuer.
Pouvana'a O'opa, le Metua
Figure
emblématique du mouvement anticolonialiste, il est aussi le premier
des combattants antinucléaires de Polynésie
française. Il est généralement considéré comme le père du nationalisme
polynésien.
Pouvana’a O’opa,
une vie hors du commun
Pouvana’a
O’opa naît le 10 mai 1895 sur l’île de Huahine, dans l’archipel des Îles-Sous-le-Vent.
Il décède à Papeete (Tahiti) le 10 janvier 1977, après avoir profondément
marqué de son empreinte l’histoire de son pays.
Il
quitte l’école avant même d’avoir dix ans pour apprendre, avec son père, le
métier de charpentier.
Le jeune Pouvana'a avec ses parents
Issu
d’une famille protestante où la lecture de la Bible et la fréquentation du
temple sont fondamentales, il tire de cette éducation un talent d’orateur
incomparable.
En
janvier 1918, il s’engage comme volontaire (les indigènes ne sont pas soumis à
l’obligation du service national) dans le bataillon mixte du Pacifique au sein
duquel il participe à la seconde guerre mondiale sur le front de Champagne.
À
son retour en 1919, il reprend son métier de charpentier, mais à Tahiti cette
fois.
Le livre de Bruno Saura sur les années de guerre
C’est
en 1940 qu’il commence à faire parler de lui. Il joue à cette époque un rôle
majeur dans le ralliement des Établissements Français de l’Océanie (EFO) à la
France libre. Mais, en s’opposant à l’administration qu’il accuse de ne pas
respecter les droits des autochtones, il est condamné à la prison et à l’exil
dans les îles les plus éloignées de Tahiti.
Pouvanaa a
Oopa, l’engagement nationaliste
À
son retour, dès 1945, il crée le Comité Pouvana’a qui réclame de profondes
modifications des rapports entre la France et le territoire polynésien. Il est
de nouveau arrêté et accusé, en 1947 dans le cadre de l’affaire dite "du Ville
d’Amiens", de complot contre la sûreté de l'État et d'obstruction à la
venue de fonctionnaires métropolitains. Cette fois, il est acquitté en
novembre.
En
août 1949, il est élu député et, dès le mois d’octobre, il crée le RDPT
(Rassemblement Démocratique Des Populations Tahitiennes). Ce parti qui va
dominer la politique locale jusqu’en 1958.
...et celui de
Jean-Marc Regnault
Sans
prôner ouvertement l’indépendance, les objectifs du RDPT sont clairs : il
s’agit d’obtenir l’autonomie et de lutter contre les capitalistes. Dans ce
combat, ses meilleurs soutiens sont les coopératives et les syndicats. La
principale motivation de Pouvana’a O’opa repose sur la conviction, largement
partagée (encore aujourd’hui) par une grande majorité de la population, que les
Polynésiens ne sont pas maîtres chez eux.
Il
est brillamment réélu en 1951 avec 72 % des voix, puis de nouveau en 1956 avec
58 % des voix.
En
décembre 1957, grâce au nouveau statut découlant de la loi-cadre due à Gaston
Deferre, il est élu vice-président du Conseil de Gouvernement. Dès lors, il
devient réellement gênant pour le gouvernement français…
L’éviction
de Pouvana’a O’opa par Paris
Pendant
que Pouvana’a O’opa accédait à la vice-présidence du gouvernement de la colonie
polynésienne, la France était confrontée à un choix compliqué qui lui était
imposé par la situation en Algérie : où aller pour faire les essais du
programme nucléaire ?
Pouvana'a, l'empêcheur de bomber en rond...
Dès
1957, la solution polynésienne est très sérieusement envisagée…
En
1958, Pouvanaa mène campagne pour le non au référendum portant sur la
modification de la Constitution du 28 septembre 1958… et, le 11 octobre, il
est arrêté avec plusieurs dirigeants du RDPT, sur ordre du gouverneur, au
motif qu’il aurait, avec ses partisans, tenté d’incendier la ville de Papeete.
L'arrestation de Pouvana'a O'opa
Lors
du procès, en octobre 1959, il est condamné à huit ans de réclusion criminelle
et à quinze ans d’interdiction de séjour en Polynésie. Grâce à une remise de
peine exigée et obtenue par le député Francis Sanford, Pouvana’a O’opa retrouve
le sol tahitien le 30 novembre 1968.
Amnistié
en 1971, il est élu sénateur le 26 septembre de la même année et le reste
jusqu’à sa mort, le 10 janvier 1977, au cœur de la crise politique marquée par
l'occupation des locaux de l'Assemblée territoriale, à laquelle il participe.
Son dernier acte militant.
La
réhabilitation du metua
Le
jour même de son retour à Tahiti, Pouvana’a O’opa avait entamé les démarches en
vue de sa réhabilitation, en vain.
Pouvana'a O'opa sénateur de la République
Le
combat a été poursuivi par ses enfants, toujours sans résultat.
Ses
descendants directs étant tous décédés, seul le ministère de la Justice
français peut maintenant entamer cette procédure.
A Papeete, le buste du metua tourne le dos à l'Assemblée
Toutefois,
le 7 juillet 2009, l’Assemblée territoriale de la Polynésie a voté à
l’unanimité une motion en faveur de cette révision. Cette décision s’appuyant
sur les travaux
de l’historien Jean-Marc Régnault.
En guise de conclusion
Je publie ces lignes entre les deux
tours de l’élection législative de 2012, et les résultats du premier montre
que, dans la prochaine Assemblée, la Polynésie française sera représentée par
trois hommes qui, au-delà de leur incompétence avérée par l’expérience et leur
corruption établie par la justice de la République, ont surtout fait la
preuve de leur absence totale de conviction politique et de leur incroyable
capacité à renier leur parole et à retourner leur veste.
Le premier film consacré à Pouvana’a O’opa
Nul doute que le metua, le vrai,
Pouvana’a O’opa, doit s’en retourner dans sa tombe…
Un article de Julien Gué
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