Quand Djerba danse son île
Crique au couchant, village clairsemé alentour,
en houchs* traditionnels : Sidi Jmour. Façade encore intacte, rivages
naturels. Djerba, la tunisienne, émerge à peine des nuances bleutées de la
Méditerranée.
Coucher de soleil
sur Sidi Jmour
A 3 kms, l’aéroport de Mellita ne
perturbe pas vraiment la placidité de l’île. Même en cette période politiquement
troublée en Tunisie,
la population insulaire maintient sa convivialité proverbiale. Aucun incident
entre les différentes communautés arabes, berbères, juives et noires.
Entouré de tabia*, Dar Cherif détache sa
blancheur sur l’ocre de la terre aux dénivellations presque imperceptibles.
Palmiers en sentinelles, alignement d’arbres fruitiers, les seguias accordent
leurs ruissellements aux refrains des oiseaux.
Le Festival de Danse, une étape insulaire ?
Aux
antipodes de la Tunisie un esthète, Hamadi Cherif, fait sortir l’art de la
galerie* qu’il a fondée dans sa maison natale de la banlieue nord de Tunis pour
l’implanter sur l’île. Mais l’art, en villégiature, c’est un autre programme.
Dar Cherif devient aussi le gîte des arts vivants.
Le houch Dar Cherif
Musiciens,
plasticiens, artistes en tous genres viennent y séjourner ; la danse s’y
produire, depuis deux ans. De la toile à la scène, du gîte à l’atelier, une
résidence d’artistes, en méditation ou en création.
Le
cadre est enchanteur. La lune entame son vagabondage nocturne. Les musiciens
noirs de Tbabel* Jerba rythment la procession des artistes. Ils pénètrent dans
le patio de la demeure traditionnelle, accueillis par l’assistance. Le Festival
« Danse à l’Île » ouvre sa deuxième édition.
Du Djerbien Noir à la négritude tunisienne
Comme
une continuité, c’est à l’intérieur des familles de musiciens stambali que se
dresse le contexte du spectacle d’ouverture. Dyeri (à la maison),
signé Imed Jemâa, aborde rituels et pratiques de transe transmis, de génération
en génération, par les esclaves noirs tunisiens issus du Soudan.
Les tambours Tbabel Jerba
Mais
les confréries, répandues un peu partout en Tunisie, attirent des participants
toutes races confondues. Dans le spectacle, les danseurs s’approprient leur
propre image projetée sur le mur, la font sortir de la vidéo et la
réactualisent sur scène.
Cette
pièce, timbrée aux accents du gombri, manié par l’un des danseurs, accole des
numéros de pure prouesse. Ponctuée de prises de paroles, elle relate la
chronique du phénomène, longtemps interdit officiellement, pour fétichisme.
Mais
elle montre surtout, à travers les moments qui s’y jouent, comment se tissent
plus profondément, les liens d’une communauté, souvent aux prises à la
ségrégation raciale.
Chorégraphies contemporaines, pourquoi ?
D’entrée,
la note « danse contemporaine » est annoncée : figures,
gestuelle sont créées en fonction du propos. Elles n’ont pas recours aux
figures techniques qu’on enseigne dans les écoles de danse : ces codes-là
servent seulement à s’exercer.
DYERI de Imed Jemâa
Ce spectacle ne reproduit ni les figures de
transe, ni les modèles véhiculés par d’autres maîtres contemporains : il
les réaménage, en maîtrise les flashs, leur donne leur pleine signification de
libération et de connivence. Les danseurs le montrent bien, dans leur
interprétation ludique toute en clins d’œil.
Peuvent aussi se repérer les différents
épisodes d’une fiction. Jamais linéaire, elle permet aux danseurs d’endosser
des rôles ou de porter des symboliques mouvantes : va-et-vient incessant
entre personnage et professionnel. La confraternité comme modus vivendi, la
création comme acte de partage.
A
ce sujet, faut-il souligner l’engagement de l’hôte de ces lieux festivaliers
: Hamadi Cherif ? Fréquentant les avant-gardes des arts plastiques depuis
ses universités et autres pérégrinations professionnelles à travers le monde, stylé,
grand seigneur de ce désert culturel que représente le tourisme de consommation
en l’île, il investit dans ce patrimoine qui se perd, comme dans ce projet
chorégraphique de décentralisation.
Danser : une aventure insulaire ?
L’art
des extrêmes se conjugue, à « Danse à l’Île », entre les tambours
traditionnels de Djerba (qui ne peuvent s’assurer la relève des jeunes
générations) et l’ébullition créatrice des jeunes chorégraphes.
Un patio de danse sous les étoiles
Au
palmarès du festival, l’organisateur, Imed Jemâa a sélectionné tunisien, de
part et d’autre de la Méditerranée. Le choix s’explique par la compression du
budget. Qui d’autre, hors les jeunes ressortissants du Centre Chorégraphique
Méditerranéen qu’il dirige, aurait accepté ?
Panorama
intéressant, dans la mesure où la texture même des œuvres présentées se
distingue : d’une part, les pièces typiques de la post-révolution, exacerbées
et critiques, face au regard sur soi du chorégraphe montpelliérain Salim Ben
Safia. L’exil conduirait-il à l’introspection ?
Scène au patio, côté jardin
Les
interrogations du festival ne se bornant pas à celles présentées ci-dessus, une
suite s’impose (dans un prochain article, donc…).
Un article de MonaK
Article fidèle à ce qu'est le centre culturel Dar Cherif, installé dans un coin préservé de l'île de Djerba et très dynamique! ce soir encore, des artistes y sont invités à l'occasion de la fête de la musique. Un endroit à suivre lorsque vous désirez séjourner à Djerba.
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