Degré zéro pour fête des femmes
« Révolte
des femmes dans le monde arabe » est le mot d’ordre qui s’affiche en ce 8
mars, journée internationale de la femme, dans sept capitales du pourtour
méditerranéen ! Avenue du 7 novembre à Tunis, date ô combien évocatrice… Et à
chaque coup de balai de régime, tout est à recommencer.
Ce
fait n’est pas exclusif à la Tunisie, mais la tendance mondiale y semble plus
frappante, dans tous les sens du terme. Aucun respect de l’intégrité mentale ou
physique ne semble effleurer l’actuel gouvernement provisoire. Cette violence à
l’égard des femmes y est permanente et sans garantie de protection légale.
La Journée des Femmes Démocrates |
Pourtant,
la femme se trouve doublement célébrée en Tunisie. Grâce au militantisme de
l’Association des Femmes Démocrates de Tunisie (ATFD), la Journée
internationale de la Femme avait été officialisée en 1988, sans que tous les
points de la Convention de l’ONU n’aient été ratifiés. Elle s’ajoutait à la
fête Nationale de la Femme, instaurée le 13 août 1956, avec le Code du Statut
Personnel (CSP). Promulgué par Bourguiba, il ouvrait largement la porte à
l’égalité des sexes.
La fête des Non-droits de la femme
Rien
n’est acquis, tout semble en voie de disparition sous la pression d’Ennadha
diffusée abondamment par la voix tonitruante des mosquées et des prosélytes
intégristes tenant le haut des parvis ; sans parler du maillage des
quartiers par les excités des comités de soutien (ex-défenseurs abusifs de la
révolution).
La
société civile fond au soleil, Les aberrations pullulent avec la multiplication
des koutab (centres d’enseignement religieux pour enfants) et des écoles
confessionnelles rétrogrades : être femme commencerait dès la petite
enfance par le port
outrancier du voile.
La propagande rétrograde |
Le
gouvernement, constitué par l’ex-ministre de l’intérieur mystérieusement promu
à en être le chef et par ailleurs impliqué dans l’assassinat du leader de
gauche (Chokri Belaïd), vient de diminuer le nombre de représentantes
féminines.
Par
ailleurs la troïka de l’Assemblée Nationale Constituante n’a pas osé supprimer
la célébration de la journée, mais n’a
pas été suivie dans sa parade officielle de soi-disant festivités. La
journée se bornant à « distribuer des récompenses » à quelques
servantes d’Etat. Les déclarations officielles blâmant la quête d’émancipation
des femmes comme une dérive calquée sur l’Occident et les entraînant à leur
perte.
Vive est la résistance
On
croirait rêver ! Et la fête est un vrai « leurre ».
Citée comme la « Journée de la non-femme » par Martine Gozlan, son
analyse semble répondre aux élucubrations d’un des Présidents par intérim,
Ghannouchi : « Voyez-vous, on la fête partout, cette journée-là,
y compris dans les pays où les femmes ne sont pas en odeur de sainteté
mais plutôt soupçonnées de diablerie. Bien sûr, il est logique que les
plus hardies des humiliées s'en emparent, comme à Tunis, pour faire valoir
leurs droits, en l'occurrence leur absence de droits ou les menaces qui pèsent
sur le maigre lot concédé naguère. »
L’égalité, c’est ce couple Belaïd, image force ! |
Les
initiatives se succèdent mais ne semblent pas déboucher sur de véritables
garanties. Du moins, elles témoignent d’une prise de conscience qui ne mâche
pas ses mots dans cette campagne de « Révolte des femmes dans le monde
arabe ». La fête n’est plus, reste la révolte.
« Ces photos se lèveront, à partir de
vendredi (8 mars), pour dire que le corps de la femme n’est pas tabou, pour
dire non à la violence sexuelle, non aux tests de virginités, pour clamer leurs
droits à donner leurs nationalités à leurs maris et enfants, pour affirmer
leurs volontés de participer à la construction de leurs pays comme elles ont
participé aux révolutions, pour appeler les hommes et les femmes à travailler
ensemble pour libérer la femme et la société dans une atmosphère d’indépendance
et de sécurité, et pour dire OUI à la
révolte des femmes dans le monde arabe. »
Pas de saison pour les femmes
Les
femmes sont malmenées. Comme sous la dictature précédente, les femmes d’opinion
et de combat sont le jouet de diffamations sordides (montages vidéo
dégradantes, accusations d’intelligence avec l’ennemi, procès pour atteinte à
l’image de l’Etat). Le dernier couperet à la veille de la fête vient de tomber,
avec la destitution d’une haute-fonctionnaire
à Helsinki : Zohra Ladgham… La liste est longue touchant avocates,
journalistes, enseignantes, bloggeuses, haut-cadre de banque comme Samira
Ghribi.
La chariâa-moulinette : pas de quartier |
Mag 14 titre aujourd’hui « Menaces
sur le statut de la Femme Tunisienne » et les déclarations de ce genre
foisonnent intempestivement : « Sihem Badi, la ministre des affaires
de la femme et de la famille, ne contribue pas à apaiser, elle non plus ces
inquiétudes. Elle a ainsi déclaré, alors qu’elle donnait le coup d'envoi aux
festivités marquant la célébration de la journée internationale de la femme le
mercredi 6 mars, que « les acquis de la femme tunisienne sont aujourd'hui
réellement menacés par des projets extrémistes ».
« Les
risques d'une régression des acquis de la femme sont possibles, vue l'ambiguïté
de l'article 148 du projet de Constitution qui affirme que l'Islam est la
religion de l'Etat » affirme Mme Monia Ben Jemiaa, juriste, universitaire
et membre de l'Association Tunisienne des Femmes Démocrates. Selon elle, « l'interprétation
de cet article peut renvoyer à la chariâa comme constante de l'islam et par
conséquent ouvrir peut-être la voie à la polygamie, la répudiation et la
diminution de l'âge du mariage. Le texte risque d'être par conséquent en
contradiction avec les acquis de la femme ».
Une fête au goût de combat
Au
milieu de relents misogynes où la femme « sans voile » (safira) taxée
de dévergondage se trouve conspuée, les pires contradictions cohabitent :
Tunis Air affrète un avion d’un équipage exclusivement féminin ! Quelle
fête, en effet !
Quel avenir pour Elle ? (Nayrouz Belaïd) |
Dans ce contexte, l’avocate Radhia Nasraoui ne
cesse d’être alarmiste à juste titre. L’inconciliable se jouant entre des
articles de loi antagonistes laissant place dans un pseudo-droit laïque aux
pratiques d’une chariâa surannée. Autant oppose-t-elle la maturité de la
Tunisienne, forte de ses acquis, autant craint-elle le retour à une certaine infantilisation
ancestrale.
Tout
le combat se situe dans l’audience que pourront conquérir auprès des illettrées
les associations de Femmes Démocrates, de Femmes tunisiennes pour la recherche
et le développement et de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. Journées
portes-ouvertes et congrès consacrés à cette égalité menacée. A la veille
des élections, l’enjeu est terrible.
En
attendant, miracle tunisien pour le 8 mars 2013 ? Une député d’Ennadha
« s’est déchaînée » à
l’Assemblée « pour critiquer les prédicateurs
qui, selon elle, n'ont rien à faire d'autre que de s'occuper des femmes, en
cherchant par tout moyen à la réduire en esclavage pour la noyer définitivement
dans l'obscurantisme. »
« Il
est temps, a-t-elle lancé, que ces prédicateurs arrêtent de se prendre pour les
tuteurs des femmes. »
« Déchaînée » Yasmina ! Les soumises se révoltent ? |
«Nous,
les députées d'Ennahdha et de tous les autres partis, sommes capables de
conduire ensemble, et chacune de son côté, la Tunisienne vers les temps
modernes et, de grâce, épargnez-nous vos réflexions et vos idées
obscurantistes. Arrêtez de parler au nom de la femme, il vaut mieux vous taire
car vos propos sont la marque même du sous-développement», a-t-elle
martelé. »
La
cage aux oiselles vient de se rouvrir. Les vieux tabous religieux seraient-ils
picorés ? Va-t-on leur rogner les ailes ? Ou s’incliner à leur
ramage ?
Un article de Monak
-
Henda Hendoud,
la féministe Tunisienne de l’affiche « Révolte des femmes dans le monde
arabe » http://blog.slateafrique.com/tawa-fi-tunis/2013/03/09/tunisie-trois-questions-a-henda-hendoud-feministe-et-fiere-de-l%E2%80%99etre/
-
Voir dans
l’article ci-dessus : La Manif des Femmes Libres de Tunisie, le 9 mars à Tunis : vidéos et photos
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