Publicité

Publicité
Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

jeudi 7 juin 2012

Festival de danse à Dar Cherif

Quand Djerba danse son île

Crique au couchant, village clairsemé alentour, en houchs* traditionnels : Sidi Jmour. Façade encore intacte, rivages naturels. Djerba, la tunisienne, émerge à peine des nuances bleutées de la Méditerranée.

Coucher de soleil sur Sidi Jmour
A 3 kms, l’aéroport de Mellita ne perturbe pas vraiment la placidité de l’île. Même en cette période politiquement troublée en Tunisie, la population insulaire maintient sa convivialité proverbiale. Aucun incident entre les différentes communautés arabes, berbères, juives et noires.

Entouré de tabia*, Dar Cherif détache sa blancheur sur l’ocre de la terre aux dénivellations presque imperceptibles. Palmiers en sentinelles, alignement d’arbres fruitiers, les seguias accordent leurs ruissellements aux refrains des oiseaux.

Le Festival de Danse, une étape insulaire ?
Aux antipodes de la Tunisie un esthète, Hamadi Cherif, fait sortir l’art de la galerie* qu’il a fondée dans sa maison natale de la banlieue nord de Tunis pour l’implanter sur l’île. Mais l’art, en villégiature, c’est un autre programme. Dar Cherif devient aussi le gîte des arts vivants.

Le houch Dar Cherif
Musiciens, plasticiens, artistes en tous genres viennent y séjourner ; la danse s’y produire, depuis deux ans. De la toile à la scène, du gîte à l’atelier, une résidence d’artistes, en méditation ou en création.

Le cadre est enchanteur. La lune entame son vagabondage nocturne. Les musiciens noirs de Tbabel* Jerba rythment la procession des artistes. Ils pénètrent dans le patio de la demeure traditionnelle, accueillis par l’assistance. Le Festival « Danse à l’Île » ouvre sa deuxième édition.

Du Djerbien Noir à la négritude tunisienne
Comme une continuité, c’est à l’intérieur des familles de musiciens stambali que se dresse le contexte du spectacle d’ouverture. Dyeri (à la maison), signé Imed Jemâa, aborde rituels et pratiques de transe transmis, de génération en génération, par les esclaves noirs tunisiens issus du Soudan.

Les tambours Tbabel Jerba
Mais les confréries, répandues un peu partout en Tunisie, attirent des participants toutes races confondues. Dans le spectacle, les danseurs s’approprient leur propre image projetée sur le mur, la font sortir de la vidéo et la réactualisent sur scène.

Cette pièce, timbrée aux accents du gombri, manié par l’un des danseurs, accole des numéros de pure prouesse. Ponctuée de prises de paroles, elle relate la chronique du phénomène, longtemps interdit officiellement, pour fétichisme.

Mais elle montre surtout, à travers les moments qui s’y jouent, comment se tissent plus profondément, les liens d’une communauté, souvent aux prises à la ségrégation raciale.

Chorégraphies contemporaines, pourquoi ?
D’entrée, la note « danse contemporaine » est annoncée : figures, gestuelle sont créées en fonction du propos. Elles n’ont pas recours aux figures techniques qu’on enseigne dans les écoles de danse : ces codes-là servent seulement à s’exercer.

DYERI de Imed Jemâa
 Ce spectacle ne reproduit ni les figures de transe, ni les modèles véhiculés par d’autres maîtres contemporains : il les réaménage, en maîtrise les flashs, leur donne leur pleine signification de libération et de connivence. Les danseurs le montrent bien, dans leur interprétation ludique toute en clins d’œil.

 Peuvent aussi se repérer les différents épisodes d’une fiction. Jamais linéaire, elle permet aux danseurs d’endosser des rôles ou de porter des symboliques mouvantes : va-et-vient incessant entre personnage et professionnel. La confraternité comme modus vivendi, la création comme acte de partage.

A ce sujet, faut-il souligner l’engagement de l’hôte de ces lieux festivaliers : Hamadi Cherif ? Fréquentant les avant-gardes des arts plastiques depuis ses universités et autres pérégrinations professionnelles à travers le monde, stylé, grand seigneur de ce désert culturel que représente le tourisme de consommation en l’île, il investit dans ce patrimoine qui se perd, comme dans ce projet chorégraphique de décentralisation.

Danser : une aventure insulaire ?
L’art des extrêmes se conjugue, à « Danse à l’Île », entre les tambours traditionnels de Djerba (qui ne peuvent s’assurer la relève des jeunes générations) et l’ébullition créatrice des jeunes chorégraphes.

Un patio de danse sous les étoiles
Au palmarès du festival, l’organisateur, Imed Jemâa a sélectionné tunisien, de part et d’autre de la Méditerranée. Le choix s’explique par la compression du budget. Qui d’autre, hors les jeunes ressortissants du Centre Chorégraphique Méditerranéen qu’il dirige, aurait accepté ?

Panorama intéressant, dans la mesure où la texture même des œuvres présentées se distingue : d’une part, les pièces typiques de la post-révolution, exacerbées et critiques, face au regard sur soi du chorégraphe montpelliérain Salim Ben Safia. L’exil conduirait-il à l’introspection ?

Scène au patio, côté jardin
Les interrogations du festival ne se bornant pas à celles présentées ci-dessus, une suite s’impose (dans un prochain article, donc…).

Un article de MonaK


Petit lexique :

Houch : maison basse djerbienne, regroupant la famille autour d’un patio (oust eddar)

Tabia  : muret de terre tassée ceignant les plantations

Cherif Fine Art : Galerie d’Art à Sidi Bou Saïd

Tbabel : gros tambours typiques des orchestres noirs du Sud tunisien



1 commentaire :

  1. Article fidèle à ce qu'est le centre culturel Dar Cherif, installé dans un coin préservé de l'île de Djerba et très dynamique! ce soir encore, des artistes y sont invités à l'occasion de la fête de la musique. Un endroit à suivre lorsque vous désirez séjourner à Djerba.

    RépondreSupprimer

Cet article vous a fait réagir ? Partagez vos réactions ici :