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mercredi 7 décembre 2011

Les bûchers de Faaite


Monette, une rescapée, témoigne


Dans un précédent article intitulé "Quand le paradis devient un enfer", je vous racontais le drame qui frappa le petit atoll de Faaite dans l’archipel des Tuamotu, en Polynésie française .

Le village de Faaite vue d'avion
Ce qui suit est le premier volet d’un récit qui en comporte trois. Un récit qui, comme vous le constaterez, soulève bien plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Mais un récit aussi qui nous fait rencontrer un être hors du commun. Un être pour qui les mots amour et pardon ont un sens que bien peu d’entre nous sont capables de leur donner.

Sauvée du bûcher par l'arrivée des gendarmes, Monette Tetavahi apporte un témoignage bouleversant sur l'affaire des bûchers de Faaite.

Lorsque les gendarmes arrivèrent sur l’atoll, disent leurs rapports, quatre femmes étaient ligotées et arrosées d’essence, prêtes à être immolées. Monette Tetavahi était l’une d’elle.


Sacrifices humains :  Le combat des missionnaires
Comme tous ceux qui ont vécu ces événements de l’intérieur, Monette a toujours gardé le silence sur cette incroyable affaire. Aujourd’hui, rongée par la mémoire du drame, elle a décidé de parler afin de dire sa vérité sur ce qui s’est passé pour elle durant ces funestes journées de septembre 1987.

Pour des raisons qui lui appartiennent, c’est à moi qu’elle a choisi de donner l’exclusivité de son témoignage.


Les années bonheur de Monette à Faaite

« J’ai quitté mon île de Tahiti pour suivre mon tane (concubin) qui était de Faaite. J’avais 19 ans quand nous sommes arrivés sur son atoll. Nous avons eu quatre enfants ensemble. C’était un homme très travailleur, un bon papa pour nos enfants, et c’était un bon époux pour moi. J’étais vraiment heureuse à Faaite, c’était comme un jardin d’Eden pour moi…


Monette Tetavahi, rescapée des bûchers de Faaite
(Ici, Monette pleure à chaudes larmes en évoquant ce qu’elle présente comme les plus belles années de sa vie.)

Nous avons vécu huit années merveilleuses ensemble. Cinq à Tahiti où nous nous sommes connus et trois à Faaite (...).

Les trois prêtresses du Renouveau charismatique

Tout à changé en quelques jours. Trois femmes sont venues de Tahiti, Sylvia Alexandre, Rahera Teanuanua et Avehina Tekurarere, représentantes du mouvement du Renouveau charismatique. C’est mon mari qui est allé les chercher à Fakarava car il avait le seul grand bateau de Faaite qui pouvait faire ce voyage-là sans danger (…).

Elles étaient envoyées en mission chez nous par Monseigneur Hubert Coppenrath (en 1987, le prêtre responsable de ce mouvement pour le diocèse, NDLR). A l’époque, à Faaite, si Monseigneur ou notre prêtre nous disait quelque chose, on ne discutait pas. Ce n’est pas qu’on avait peur, mais on faisait tout ce qu’ils nous disaient (…).


L'emplacement du Bûcher devant l'église de Faaite
Dès leur arrivée à Faaite, les trois femmes ont mis en place des « prières charismatiques ». On voyait bien qu’il y avait des choses anormales, mais comme elles étaient recommandées par Monseigneur Coppenrath, personne n’a rien dit et on a tous fait comme elles voulaient (…).

Par exemple, les séances de prières se passaient dans nos foyers, pas à l’église. Un jour, ça s’est passé chez moi, mais on ne m’a rien demandé. On ne m’a même pas prévenue. Elles ont décidé et elles ont dit à tout le monde « C’est chez Monette », et tout le monde est venu chez moi (…).

Elles nous ont dit de brûler tous nos livres de prières, qu’il y avait des choses fausses dedans. Même les Bibles et les Evangiles (…). Moi, je n’étais pas d’accord, alors j’ai caché ma Bible et mes livres de prières, et j’ai pris tous les journaux (les Paris Match et tout ça que j’avais) et ce sont eux que j’ai brûlés (…).


Le mémorial à l'emplacement du Bûcher de Faaite
Mon mari s’en est aperçu et, pour la première fois, il a été violent avec moi (…).

Même quand je suis allé le voir en prison plus tard, il a toujours dit qu’il ne se souvenait de rien et qu’il ne m’avait jamais touchée. Pourtant, même mes enfants s’en souviennent (…).

Un jour, je sortais de l’église et je les ai entendues qui parlaient avec les jeunes. Elles leur disaient : « Vous ne devez pas faire confiance aux hommes politiques et aux élus. Ces gens là sont des "tiaporo" (diables, démons). Ils sont plus dangereux que les "tupapau" (fantômes) » (…).

Au bout de quelques jours, les prières avaient lieu toute la journée. Quand on avait fini dans une maison, il fallait tout de suite aller chez quelqu’un d’autre et recommencer. Toute la journée sans s’arrêter (…). Le soir, il fallait même prier dans le noir : elles nous interdisaient de mettre de la lumière (…).

Nous étions quelques-uns à ne pas être d’accord, mais pas beaucoup. Le maire était à Tahiti, mais le premier adjoint était là, et il pensait comme moi et quelques autres. Mais comme c’est Monseigneur Coppenrath qui avait envoyé ces femmes et que tout le monde avait l’air d’accord, on a décidé de ne rien dire (…).

Normalement, elles étaient venues pour trois jours, mais finalement elles sont restées deux semaines. Plus le temps passait, plus elles prenaient les jeunes et mon mari à part et passaient du temps à parler avec eux. Et plus elles parlaient avec eux, plus les séances de prières devenaient sévères et l’ambiance dans le village devenait bizarre. Les gens ne se parlaient plus comme avant. Comme si on était devenu triste et qu’on se méfiait les uns des autres.


Six personnes sacrifiées au nom de la foi à Faaite- Gravure sur bois
Au bout de deux semaines, elles sont reparties. C’est mon mari qui les a raccompagnées avec son bateau, lui et un groupe de quelques jeunes. Je ne sais pas ce qui s’est passé pendant ce trajet, mais lorsqu’ils sont revenus à Faaite, ils étaient différents. Je ne reconnaissais plus mon mari, ni ces jeunes qui étaient avec lui.

C’est comme si je n’existais plus pour lui. Il me parlait seulement pour me donner des ordres et me critiquer parce que je ne voulais pas adorer la Vierge Marie. Mais ce que j’ai appris à l’église, moi, c’est qu’on ne peut pas adorer la Vierge. On adore seulement Dieu et l’Eucharistie… »


Un article de Julien Gué







3 commentaires :

  1. BAREILLE Gérard22 janvier 2012 à 20:11

    J'étais à Tahiti à cette époque. Vécu de loin, je n'ai jamais compris comment on avait pu en arriver là. Comment le sacrifice d'être humains, même sous couvert d'une religion, peut être possible. Que cet exemple ouvre les yeux à certains musulmans qui dictent la charia...
    Gérard BAREILLE

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  2. ... et à tous les chrétiens et disciples de toutes les religions, sous-religions et sectes de toutes sortes et de tous ordres ! La folie religieuse, hélas, n'est pas l’apanage des seuls intégristes musulmans...

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  3. bonjour à tous.
    Moi ce qui m'a gêné dans ce reportage, si vous le permettez, c'est que juge d'instruction, force de police, et surtout le prêtre.. sont tous non polynésien! Comme cité plus haut les religions comme d'autres système de pensée peuvent entrainer ou amplifier les conflits! aujourd'hui on tente de cibler uniquement une religion en particulier, sans en dire plus.....Tous, croyez-vous que l’être humain puisse se passer d'ennemis? C'est dans sa , pardon, dans nôtre nature.
    La souffrance des victimes , de leur famille ou de leur proche si on les côtoyait, nous irait droit et au cœur, et va savoir , j'espère pas, raviver le sentiment de haine.... Si honni.
    A bientôt à tous !

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