Quand le paradis devient un enfer
Le
2 septembre 1987, l'atoll de Faaite (archipel des Tuamotu) entre dans
l'histoire : des hommes brûlent six de leurs concitoyens pour des raisons
religieuses.
Vu d’avion, le village de Faaite aujourd’hui |
Le 4 septembre
1987, le monde entier découvre l’existence du minuscule
atoll de Faaite, dans l’archipel
des Tuamotu, en Polynésie
française.
Cette découverte
arrive suite à la révélation d’un drame qui fait la une de tous les grands médias
internationaux et qui est baptisé: « Les bûchers de Faaite ».
Que s’est-il
donc passé dans ce petit atoll ignoré du Pacifique Sud ?
La carte de l’atoll de Faaite, archipel des Tuamotu |
Ce qui
s’est passé à Faaite le 4 septembre 1987
Les faits bruts
tels que rapportés par la presse de l’époque sont les suivants : le jeudi 3 septembre
en fin d’après-midi, la goélette (cargo mixte local) censée ravitailler l’atoll
ne peut joindre le seul poste de radio de l’île, ce qui rend impossible son
entrée dans le lagon et qui est totalement anormal. Le capitaine du bateau
prévient alors immédiatement la gendarmerie de Anaa.
Très inquiets de
cette situation, les gendarmes de Papeete, prévenus par leurs collègues de
Anaa, envoient un hélicoptère qui se pose sur le motu du village de Hitianau, à
quelques centaines de mètres de l’église, centre du village, le vendredi en
début de matinée.
Arrivant sur la
place de l’église, ils découvrent trois femmes ligotées, arrosées d’essence et
prisonnière de piles de pneus d’engins de chantier.
Se fiant aux
premières dépositions, les gendarmes creusent un grand trou récemment bouché et
y découvrent six corps calcinés.
La scène de crime le lendemain du drame à Faaite Crédit: Gendarmerie Nationale |
Ce sont ceux de quatre hommes et de deux femmes. Parmi eux, un couple et le premier adjoint au maire délégué de l'atoll. Celui-ci ayant été le premier à être sacrifié et le couple les deux derniers.
Commence alors l’enquête sur place diligentée par la gendarmerie nationale. Puis c’est au parquet de Papeete de faire son travail. Au bout d’un procès long et très douloureux, ce sont vingt et une condamnations qui seront prononcées s’étalant de 4 ans de prison avec sursis à celle de 14 années de réclusion criminelle pour celui qui a été considéré comme le chef d'orchestre de cette macabre affaire.
Commence alors l’enquête sur place diligentée par la gendarmerie nationale. Puis c’est au parquet de Papeete de faire son travail. Au bout d’un procès long et très douloureux, ce sont vingt et une condamnations qui seront prononcées s’étalant de 4 ans de prison avec sursis à celle de 14 années de réclusion criminelle pour celui qui a été considéré comme le chef d'orchestre de cette macabre affaire.
Pourquoi
a-t-on brûlé des sorcières à Faaite ?
Au moment du
drame, Le maire délégué de l’île est en déplacement à Papeete ; le prêtre, qui
réside à Anaa n’est pas sur l’île non plus ; la sécurité de l’atoll est assurée
par le mutoi (policier municipal),
lui-même natif du village ; il n’y a pas de téléphone et il n’existe qu’un seul
poste de BLU (radio de marine) pour communiquer avec l’extérieur.
Dans la presse tahitienne à l'époque du procès… |
Moins de trois
semaines auparavant sont arrivées à Faaite trois femmes, membres actifs du «
renouveau charismatique » de Tahiti, missionnées par l’évêque de l’époque.
Elles sont censées passer une semaine sur l’atoll. Elles y restent 15 jours
pleins.
Tous les
témoignages sont concordants sur ce point : ce sont elles qui instillent dans
l’esprit de certains membres de la communauté des idées de repentir et de châtiments
extrêmes. Elles aussi qui parlent de chasse aux sorcières. Elles enfin qui
forment un groupe d’hommes particulièrement exaltés par leur discours et
qu’elles chargent de poursuivre leur mission au moment de leur départ. Ce
qu’ils font au-delà de toute raison.
Protégées par
toute l’Eglise catholique de Polynésie et particulièrement par l’évêque, au
point que ce dernier se portera personnellement garant de leur innocence devant
la police, elles n’apparaissent nulle part. Elles ne sont même pas entendues
comme témoins au motif qu’elles n’étaient pas sur l’atoll au moment des faits…
La justice
statue en dénonçant une folie collective passagère appuyée sur un délire
mystique.
Les
non-dits de l’affaire des « bûchers de Faaite »
Bien des mystères
entourent cependant cette sinistre affaire. Une chose est avérée : aucun de
ceux ayant vécu ces journées d’horreur n’a accepté de témoigner publiquement à
ce jour. Par contre, la quasi-totalité d’entre eux, victimes comme coupables,
vivent aujourd’hui à Faaite, comme si rien ne s’était passé.
Pourtant,
d’autres thèses que celle retenue par la justice sont soulevées.
Au premier rang
d’entre elles, la responsabilité des trois femmes du « renouveau charismatique
», étrangement protégées par l’Eglise catholique et ignorées totalement lors de
l’enquête et du procès.
Une autre piste,
moins crédible et plus difficilement vérifiable, met en avant un mobile lié à
de sombres affaires de propriété terrienne.
Une autre encore
évoque un profond malaise de certains jeunes hommes de l’atoll qui auraient
trouvé là un exutoire à l’ennui…
Le livre de Bruno Saura dont la couverture est invisible sur Google… |
Dès 1990, l’ethnologue
Bruno Saura publie un livre sur le sujet : « Les bûchers de Faaite ». Au
moment où l’ouvrage est mis en librairie, le procès est terminé depuis moins
d’un an. On peut donc considérer qu’il a été écrit à chaud. Sans recul.
Pourtant, déjà à l’époque, Bruno Saura soulève ce genre de questions.
Depuis peu, les
« bûchers de Faaite » ont retrouvé les honneurs des médias. Ainsi la chaîne de
télévision locale TNTV (Tahiti Nui Télévision) leur a consacré un documentaire
de 52 minutes qui a beaucoup fait parler de lui en Polynésie. D’autant plus
qu’il soulève certaines des thèses exposées plus haut.
En fait, il ne
fait qu’ajouter aux doutes qui pesaient déjà sur ce dossier.
L’église Sainte Marie-Madeleine, nouvelle église de Faaite,inaugurée en juillet 2009 |
Saura-t-on un
jour la vérité à propos de ce qui s’est passé sur l’atoll de Faaite en ce mois de
septembre 1987 ?
Un article de Julien Gué
o commentaire ...je suis donc la 1ère ... retenir d'autres thèses que celle retenue par la justice ... ça amène quoi ? on ne peut pas refaire le procès... Les personnes qui ont vécu ce drame sont marquées à vie, leur descendance aussi ! Ne vaut-il pas mieux parler d'autres choses ? C'est fait, c'est fait ... c'est un drame affreux ... qu'il vaut mieux oublier ... pour ceux qui le peuvent! Nathalie Bernier
RépondreSupprimerSans nier les indéniables progrès que le christianisme a pu apporter dans de nombreux domaines, il n'en reste pas moins que, vénérant un dieu du sacrifice de soi au bénéfice des autres, ils ont trop souvent tendance à sacrifier les autres à leur propre bénéfice (même si ce dernier n'est que "spirituel")
RépondreSupprimermon île natale
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