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vendredi 8 juin 2012

Imed Jemâa : Chorégraphe et Tunisien

Comment danser la révolution

Au cœur de la révolution Tunisienne, Imed Jemâa lutte pour la danse et renie les symboles de l'ex-régime. Sera-t-il victime aussi du nouveau pouvoir ?

Issu de la rue, il fut le premier chorégraphe de l’histoire du monde arabe à être consacré par un jury international en danse contemporaine. Pour la suite : il rêvait d’un autre destin…

L’envol d’un danseur

En trois ans à peine, il fonde sa Compagnie et remporte le concours tant convoité. Celui qui offre aux chorégraphes lauréats une renommée internationale et consacre les talents de la Danse Contemporaine. C’était en 1992 avec le spectacle Nuit Blanche.

Imed Jemâa par lui-même
Dans la foulée chorégraphe au Ballet National et chevalier des Arts et des Lettres, il décroche la médaille d’argent aux Jeux de la Francophonie (1994) avec Mémoire.

Trois ans plus tard, de retour du Festival de Théâtre Expérimental du Caire avec trois nominations (meilleur spectacle, meilleure mise en scène et meilleure technique scénique) pour Sans Rien, il démissionne du Ballet National.

Un statut inexistant

Lauréat des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Bagnolet, Imed Jemâa pouvait prétendre, comme la génération de ses pairs en France, diriger un Centre Chorégraphique. Mais en Tunisie, le statut de danseur professionnel n’existe pas.

La politique culturelle de ces vingt-trois dernières années suit les coups de génie d’un fonctionnaire intègre par-ci, les humeurs d’un ministre homophobe qui confond masculin et machisme par-là, les rumeurs de palais, les humeurs des nantis…

Ses quelques vingt années de métier, il les a passées à créer. Sans rien. Toujours à quémander d’improbables subventions.

Son salut, il ne l’a dû qu’à des coproductions étrangères. Prestigieuses, certes, mais aléatoires : Montpellier-Danse, les Biennales de Lyon, du Val-de-Marne, de Turin, la Francophonie et autres festivals qui l’ont mené de Montréal à Madagascar.

Un spectacle Imed Jemâa en 2011
En tant que Chorégraphe créateur, participant aux différents Printemps de la Danse, depuis dix ans, ses prestations dépendent du bon vouloir des instances rémunératrices.

Les aînés, les magouilles et la dictature

Chorégraphe sans lieu … créateur itinérant… une Compagnie dont les danseurs survivent grâce à d’autres emplois… La qualité des prestations d’Imed Jemâa, parfaitement admises dans le monde occidental étendu, peut encore se heurter au discours critique conformiste, ou aux mentalités traditionnelles.

Le plus difficile reste donc de faire subventionner ses spectacles puisque l’Aide à la Création n’existe, pour la danse en Tunisie, que depuis 2012. Encore s'adresse-t-elle aux jeunes créateurs, ce qui n'est plus vraiment le cas de Imed Jemâa.

Danser pour quoi faire ? … Pour vivre !
Il lui faut aussi l’aval de la presse. Mais, pour ne pas déranger l’ordre établi, les médias s’en référent aux éminences de l’ombre : grandes familles, familles de ministres, appuis au RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique)...

Il va sans dire que la langue de bois journalistique de l’ère Zaba (Zine el-Abidine Ben Ali), ne le soutient pas dans ses revendications scéniques.

Bluetooth et séquence vidéo, créé en octobre 2010, dénonce l’abus des mobiles et autres engins de communication. Mais brandir des pancartes de manifestants en a dérangé plus d’un ! Imed Jemâa, porté comme tout créateur par son intuition, n’a fait que représenter, en avance de quelques mois, la révolution libératrice par clics interposés !

Hélas, la plupart de ceux qui ont « hébergé » ses créations se sont arraché les mérites de ses distinctions. Disposant de crédit auprès du Secrétariat de la Musique et de la Danse, ces structures n’ont pas hésité à maintenir le flou pour percevoir la manne financière à sa place.

Un centre chorégraphique fantôme

Après le défunt despotisme, l’autocratie des grandes familles tunisiennes prend le relai. Ainsi, les réunions qui ont tenté d’unir, en Tunisie, le petit monde de la danse dernièrement montrent à quel point les survivances d’un passé récent sont encore effectives.

L’idée d’un Centre Chorégraphique Méditerranéen, Imed Jemâa l’avait émise en 1998, dès la fermeture du Ballet National qui n’aura vécu que cinq ans ! Mais l’idée a servi pour être ré-exploitée autrement à travers des structures semi-étatiques ou privées.

Multipliant les initiatives de formation et de promotion de la danse, il ne cesse d’inventer des rencontres libres : dans le cadre du patio de la Médiathèque de l’Institut Français de Coopération, du CCIRT (Centre Culturel International) de Hammamet, des Centres d’Arts Dramatiques et Scéniques du Kef, de Sfax, de minis-festivals (Automne Danse), etc.

Imad Jemâa est bien, par force, un artiste nomade.

Spectacle et questions fétiches

Imad Jemâa a à son actif pas moins d’une trentaine de créations, au rythme d’une à deux par an et internationalement appréciées.

Monak dans « Dar Ellil » en 1999
Il n’a cessé de prôner la recherche, creusant les thématiques comme les questions formelles ou techniques. Par exemple, la question des espaces entre arts plastiques et arts du mouvement, entre musique et gestuelle du silence, entre poésie, parole dansée et arrêt sur image, écran et dénuement…

Dar Ellil (L’antre de la Nuit), qui a voyagé tous azimuts, est son spectacle fétiche : revendiquant la place corporelle de la femme dans le discours comme dans la symbolique des images, de l’interprétation du trio et de la violence des figures.

Dans sa pratique, il distribue les cours gratuitement aux danseurs qu’il recrute pour sa Compagnie ; offre son temps et, souvent, intègre la prestation d’un nouveau chorégraphe en première partie de ses programmations.

L’adieu aux breloques de Imed Jemâa

L’art étant engagement, largement démontré par des spectacles comme Çabra (Patience : plaidoyer contre l’intégrisme en 1998), Imed est égal à lui-même !

Un geste unique dans la Tunisie d'après Ben Ali
Courageux de sa part, mais aussi, hélas, acte unique dans le monde des artistes tunisiens : Imed Jemâa se dépouille de sa distinction de « chevalier des arts et des lettres » qu’il avait reçue de l’ex-président déchu et renversé par la rue.

Dans un premier manifeste, il publie : « (I.J, Je) déclare me débarrasser des breloques de l’ère Ben Ali (…) et me libérer de toute distinction (…) qui ne m’a d’ailleurs rien rapporté. (…) Cette dictatoriale citation (…) suite à ma consécration professionnelle internationale »…

Sur le net, il diffuse la vidéo Bi Koli Ashm… (Avec toute la honte sur moi…) où il jette sa médaille dans une poubelle.

Jerba, mai 2012
Aujourd’hui, Imed Jemâa se plait à caresser d’autres rêves.

La deuxième édition du festival « Danse à l’île » de Jerba, dont il a été le principal artisan avec ses danseurs et ses élèves devenus grands, vient tout juste de se terminer. Un très gros succès sur tous les plans.

« Dyéri », un aperçu du travail de Imed Jemâa
Porté par l’ambiance enchanteresse de l’île, par son calme et par la beauté omniprésente, le chorégraphe se demande aujourd’hui si ce n’est pas là qu’il devrait installer sa compagnie. Une affaire à suivre.

Ce qui est certain, c’est qu’il y sera pour l’édition 2013 avec un projet pour le moins ambitieux et surprenant. Une affaire à suivre donc, ce que nous ferons pour vous, soyez-en assurés.

Provocateur courageux, Imed Jemâa parie sur un avenir meilleur.

Normal, pour un artiste…

Pour avoir un autre exemple du travail de Imed Jemâa, cliquez ici.

puis ici pour la deuxième partie...


Un article de Julien Gué


2 commentaires :

  1. interessant, j'espere avoir des liens de video comme pour ce groupe de Flamenco qui intervient dans les banques ... amicalement

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  2. Bon , j'ai trouvé une vidéo via ce blog... c'est que je suis sur batterie à cause des coupures d'électricité ... je regarderai et chercherai davantage dès que l'électricité reviendra ce soir ou demain

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