Jacques Vernaudon au jury
Parmi les 7
membres du jury international, pressentis par le Comité organisateur du 17ème
FIFO, figure Jacques Vernaudon, enseignant-chercheur à l’UPF (Polynésie
française). Vous savez le linguiste qui avait tiré la sonnette d’alarme sur
l’avenir des langues polynésiennes dans nos archipels…
Oui, ce qu’il
faut savoir, c’est qu’un théoricien des langues, s’appuie sur le vécu de la
langue qu’il enregistre caméra au poing. Dans le contexte actuel de la
mondialisation ou d’une langue dominante, la langue originelle est en danger.
« Si les parents ne transmettent pas leur langue à leurs enfants, la
langue va disparaître », précise-t-il, mais il ne les incrimine pas.
« La configuration sociale de l’époque faisait que le français était
prioritaire et que les parents n’avaient pas idée de l’intérêt que pouvait
revêtir le bilinguisme précoce. L’idée se diffusant, va-t-elle inverser le
processus ? »
Jacques Vernaudon, interview sous la pluie… |
La question
étant posée, ce n’est sans doute pas son intervention dans le documentaire de
Cybèle Plichart "Te
reo tumu, la langue maternelle", présenté au FIFO 2017 qui aurait pu
induire son accession au jury actuel.
Sollicité par la présidente de l’AFIFO, Jacques
Vernaudon né à Tahiti, peut en imaginer les raisons : « Miriama Bono sait que, avant de travailler ici, j’ai passé une
douzaine d’années en Nouvelle-Calédonie. Avant de faire des études de
linguistique et de rentrer dans le cercle dynamique universitaire j’ai effectué
des études en audiovisuel : j’ai donc acquis une certaine sensibilité au
film documentaire »
Une immersion océanienne
« Mes
recherches m’ont conduit à explorer le Pacifique. Pas pour le folklore. Je
connais les langues kanakes. Je me suis rendu à Wallis, à Futuna, à Samoa, au
Vanuatu, en Australie, etc. »
« Je peux
comprendre les langues polynésiennes… j’en perçois les structures, les
convergences et les divergences. Il existe plus de 1200 langues autochtones différentes parlées dans le Pacifique (dont une quarantaine de langues polynésiennes). Mon
travail d’observateur, ce n’est pas pour développer des compétences de
communication mais pour comprendre leur systémique. Elles nous renseignent sur certains fonctionnements culturels. »
« Le continent bleu » |
C’est ainsi que
je saisis, dans le cadre de cette interview, qu’il faut rester prudent et ne
pas mélanger langues et perception du réel.
Le film, outil de connaissance
« La
recherche en linguistique utilise la matière filmique, établissant des
corrélations entre langage verbal et non verbal. Quand on travaille sur le
terrain, on développe et on structure une base de données à partir
d’enregistrements audio-visuels. À la différence du cinéma on travaille une matière
brute. On travaille sur des rushes. »
« C’est un observatoire
spontané qui allie parole et attitudes. Le documentaire est une source de
savoirs essentiels. Et si je ne peux tous les voir au FIFO, je complète par la
télé, les streamings… Ils nous renseignent, à travers les scènes de la vie
quotidienne, sur les comportements sociaux, le positionnement réciproque des
interlocuteurs »
Le film de la langue |
« Les sous-titres sont bien utiles. Ils nous évitent d’interpréter… et
je suis comme tout autre spectateur. » Je dirais bien que Jacques
Vernaudon ne s’avance pas sans vérifier… réflexe de chercheur,
évidemment !
Au jury FIFO ?
« Le festival est une fenêtre sur le monde océanien et ses comportements,
il nous informe aussi sur la vitalité de ses langues. En tant que membre du jury, la linguistique
n’apporte rien... » Ce qu’il ne dit pas, c’est sa capacité à écouter, et à
suivre le fil de ses idées.
Car, je me dois de le préciser,
cette interview, prévue initialement au village FIFO, inopinément fermé, nous a
forcés à nomadiser. Les auvents de
Toata se trouvant dérisoires sous la bourrasque, nous avons achevé l’entretien
dans sa voiture.
Le jury FIFO 2020 au contact |
Quant à la question de pouvoir
acquiescer favorablement à la demande du Comité d’organisation du FIFO, quand
on est maître de conférences, Jacques Vernaudon répond ainsi : « J’ai
hésité à accepter de participer au jury pour des raisons de disponibilité. Les
contraintes professionnelles ne me permettent pas de voir plus de 3 ou 4 films,
en temps ordinaire… Tout le monde ne peut pas prendre de congé pour le
FIFO ! »
Un alibi... précieux
« Être au jury, c’est un alibi pour voir tous les films en compétition. Je
suis très heureux de le pouvoir ! ». L’envers du décor c’est
« de prendre des notes ; de convenir de critères avec les autres
membres ; d’avoir un regard plus aiguisé et attentif dans ce
contexte-là ». De l'humour, donc !
entre bourrasques… |
Qu’Éric Barbier soit
président du jury ? « C’est appréciable :
pour la personnalité même du réalisateur et plus précisément pour la
reconnaissance institutionnelle de ce festival ! C’est important que ce
soient des professionnels reconnus du métier qui soient membres du jury et qui
le président, ça donne une légitimité à la sélection… »
Un article
de Monak
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