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vendredi 7 février 2020

FIFO 2020, Femmes et Colonisés



Violences à perpétuité


« Bombardées » de Florence d’Arthuys, ce n’est pas un titre qui ferait le buzz, ce n’est pas une provocation, c’est une réalité. Et elle est calédonienne. Un particularisme de langue pour dire "violentées" par le conjoint, car le français-calédonien poursuit ses flexions. Ne nous sentons pas davantage à l’abri, à Tahiti : le phénomène est similaire ; disons qu’ici, en Polynésie, la violence conjugale y est cinq fois plus forte et pratiquée depuis longtemps, tout comme en France où les taux sont alarmants.



Sans nous étendre sur la copieuse filmographie documentaire de Florence d’Arthuys qui par ailleurs se débrouille pour s’effacer anonymement derrière la caméra et dont la biographie ne fuite pas… Disons qu’un mot m’est venu à la bouche en découvrant son documentaire sur la difficile cohabitation entre citadins d’origine installés à la campagne et fermiers métropolitains : Fumiers !  Mais la réalisatrice ne se commet pas en polémique. Elle relate. Elle reste très respectueuse des thèmes et des personnes qu’elle aborde. Ce n’est que moi… qui ne peut résister à la tentation de la révolte : j’avoue ! Ses documentaires sont empreints d’une empathie et d’une déférence à toute épreuve.

Florence d’Arthuys
Juste pour dire que la bande annonce comme la suite de son documentaire est tellement chargée d’émotions et nous bouleverse à tel point qu’elle nous commotionne, comme un thriller… Remarquons que Florence d’Arthuys, parlant de son film sur le paepae a Hiro du village FIFO, ou même en interview, frissonne encore et a le cœur serré. Ce qui explique largement pourquoi elle a choisi le métier de cameraman-réalisatrice.

La même réserve, la même discrétion, le même sens de l’humain de la part du réalisateur britannique Daniel  Gordon, la même pudeur du héros de son documentaire Adam Goodes, sont omniprésents tout au long des images de The Australian Dream, en compétition aussi au FIFO.


"Bombardées", le cri des femmes

Bombardées, sans aucun effet de voyeurisme,  expose, avec les femmes qui ne sont pas directement menacées de représailles, l’ampleur des dégâts. À travers le parcours de femmes ou de mères se constate une détresse profonde qui touche aussi les enfants. Tout semble s’arrêter chez les victimes de violence conjugale, même l’instinct de vie : chez les femmes comme chez leurs petits. Vouées à la déchéance mentale et corporelle ce n’est peut-être qu’un sursaut de survie qui les pousse à se protéger : et la volonté de sauver leurs enfants. Car les séquelles sont graves : pour eux victimes aussi…

Des images qui font frissonner...

Si les Foyers Béthanie à Nouméa, espaces temporaires d’hébergement et de réinsertion, prend pour slogan et logo « femmes et enfants d’abord » : ils en logent moins d’une centaine quotidiennement… Ce qui est loin d’être négligeable et s’avère même impressionnant.

La délinquance  masculine et l’irresponsabilité mâle semblent bien ancrées : « juste un coup de poing dans la figure ! » qui entraîne la chute et l’inconscience, n’a pas l’air de déranger les champions de la virilité abusive. La séquence dans le commissariat est révélatrice sur ce point. La déposition du compagnon fait sourire, tant elle paraît candide !

L‘inconscience est générale… appuyée peut-être par le fait que le droit coutumier  donne la parole exclusivement aux hommes : leur attribue la « propriété » des enfants ; la femme craint donc de les perdre si elle porte plainte. La justice française pénalisant les contrevenants de brutalité, les femmes redoutent de fragiliser le clan ou la tribu en se positionnant en porte-à-faux.

Sur le chemin de Béthanie
Les femmes sont épouvantées à l’idée même de se plaindre ou de partir du foyer conjugal, car ayant quitté leur clan en se mariant, elles sont éjectées d’office de celui du mari en cas de désaccord ou de conflit judiciaire. Dénoncer la violence est donc résolument tabou. Du coup, elles se taisent.

Le spectateur  pourra donc se poser la question de les voir à l’écran, nettement ou floutées, et de les entendre parler ! Bonne question, car il faut des mois de fréquentation personnelle avec la réalisatrice, pour qu’elles acceptent de parler. La prouesse en revient à Florence d’Arthuys qui, forte de son expérience de documentariste, devient une experte en matière de dialogue et de mise en confiance. Il faut juste préciser qu’elle n’a jamais trahi leur confiance ; même en enquêtant auprès du Centre pénitentiaire de Nouméa.

Parallèlement, elle a réalisé des documentaires très délicats sur l’addiction en France, auprès de personnes qui ont déjà été condamnées et qui se trouvent mises en danger dans le milieu de la drogue. Une enquête sur addictions et bascule dans la violence,  les enfants des rues.


Un métier désarçonnant

Ce que chaque réalisateur espère, après la diffusion de son film, c’est qu’il informe les spectateurs des problèmes graves qui se produisent chez les voisins proches, sans que personne n’en sache rien… mais surtout, qu’ils s’en conscientisent comme les institutions en place, pour que les problèmes relationnels du couple ne dérivent vers le délit et n’aggravent les problèmes sociétaux.

En compétition : « Bombardées »
Ce que ressent Florence d’Arthuys, après les confidences des victimes, quand elle revient chez elle c’est « un sentiment d’impuissance, d’affliction, d’abattement et de consternation… je n’arrive pas à me déconnecter en fin de journée… Même si les femmes qui ont été épaulées par les associations parviennent à s’en sortir, c’est réconfortant mais ça n’efface pas l’horreur ».

Pourtant, elle récidive dans le genre du documentaire à portée sanitaire ou sociale : et sans se lasser. Elle en a les compétences : la preuve ? C’est que Florence d’Arthuys garde avec ses sujets filmés des relations d’amitié.

 

"The Australian Dream": le silence qui tue..

Daniel Gordon, réalisateur, semble avoir consacré l’essentiel de sa carrière déjà primée (près de 15 ans) … aux phénomènes qui bouleversent le monde du sport international : qu’il s’agisse de la Corée, des USA ou d’ailleurs. Ce qui n’est pas banal dans le monde du documentaire océanien, ni dans l’histoire du documentaire.

Le sujet du racisme en général, et en particulier en public, l’Australie a tendance à le dénier, même après l’institution du Sorry Day et de la Semaine de Réconciliation depuis 1998. Certainement une des raisons qui explique que le réalisateur est britannique. Le particularisme du racisme sportif a tendance à se banaliser sur les stades du monde entier. Pas par chauvinisme puisque les spectateurs insultent, se moquent de leurs concitoyens aborigènes et les humilient. Au point de prendre parti pour une adolescente prétentieuse… qui s’est permis de l’interpeller en plein match…


En compétition : « The Australian Dream »
           Moyennant quoi, le champion australien de football, Adam Goodes, métis anglo-aborigène, se renferme peu à peu, se sent anéanti, brisé et… stoppe prématurément sa carrière… malgré quelques sursauts du public et des Associations de défense des aborigènes.

         Le portrait du footballeur est extrêmement bien mené… jusqu’au coup de théâtre où il disparaît, avant de déclarer sa démission aux crampons… Une personnalité dont le mutisme légendaire s’interrompt brusquement pour s’engager dans une Association de défense des Aborigènes ; pour présenter sa mère aborigène et dévoiler ce qu’elle a enduré de ce fait ; comment elle a été obligée de suivre une thérapie pour se reconstruire…


Un champion aux prises avec le racisme
          Alors, violence à perpétuité ? La violence, elle se décline dans tous les domaines de la vie du vaste continent insulaire. Dans son histoire aussi : avec le film très révélateur des dessous pas très chics des conflits internationaux, À l’autre bout de la guerre. C’est aussi le sexisme, avec Merata, en Nouvelle-Zélande, la discrimination ethnique – avec In my blood it runs… et The Australian Dream.

         C’est encore l’ingérence économique des puissances asiatiques dans  Blue Boat, des grandes puissances océaniennes sous cette forme de néocolonialisme, comme pour Nauru, la prison Australienne. Les conséquences de l’exploitation avec les guerres intestines, comme pour Ophir dont nous poursuivrons l’investigation dans un autre article. Alors… un 17ème FIFO violent ?  Un festival qui n’en a pas fini avec la violence ?


Un article de  Monak et Julien Gué

        Tous droits réservés à Monak & Julien Gué. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.



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