Une nuit agitée !
La
11ème Nuit de la Fiction, ouverture sur l’imaginaire océanien, n’a pas manqué
de surprendre, comme à son habitude. En ce 1er jour du FIFO, soumis
aux turbulences météos à Tahiti, l’écran s’est montré notablement dramatique.
Séance particulière donc, où la salle du Grand
Théâtre s’est partagée entre sujets brûlants d’actualité, spectateurs sous
projecteurs, attentifs et bienveillants, et chute accidentelle d’une
spectatrice évacuée par les secours… Nous lui souhaitons prompt rétablissement.
« Our Father »… une figure effrayante |
Signe des temps, ces courtes fictions abordent sujets sociétaux, clivages
sexistes, ethniques et reconnaissances mutuelles. Ils pourraient se regrouper
globalement autour de la difficulté de se réaliser : qu’il s’agisse
d’enfants, d’ados, de femmes, toutes générations confondues.
La palme des participations
revient à la Nouvelle-Zélande, suivie à égalité par l’Australie et Hawaï, une
percée de Fidji et… une seule production de Polynésie…
Du présent au comique...
Le présent n’est pas des plus gai : il
s’affronte aux résidus du colonialisme (Liliu, Samoa-N-Z), aux impératifs de
la vie moderne (Go to Bac, N-Calédonie), aux démons de l’addiction (All these
creatures, Australie), à l’improbable
réinsertion (Moloka’i Bound, Hawaï), à la résilience (Our Father, N-Z)… Les réalisateurs optent
souvent pour un traitement psychologique, à travers les sentiments plus ou
moins déclarés des jeunes…
Face à l’incompréhension des adultes ou leurs abus…
Les atmosphères sont étranges, lourdes, entourées d’ombre, d’incompréhension,
de secrets et de mystères… Les non-dits y prennent toute leur place. Walk a
Mile (N-Z) pourrait seul détenir
un peu de positivité, sinon que le contexte est celui de la rédemption après le
deuil… ce qui n’est pas profondément réjouissant, avouons-le.
“All these
creatures”... Où est le
réel ?
|
L’amour a besoin
de la mort pour se déclarer, l’humour est remplacé par la dérision. Personne ne
semble épargné. Sur fond d’incompréhension de couple, éternel
problème, #Collapsingempire (N-Z) en est
une caricature. Traitée au second degré, elle est bien l’unique fiction à se
résoudre par un humour grinçant.
Du fantastique à l'anticipation...
Comme le présent ne propose pas de réelles
solutions, il semble que les réalisateurs puisent dans l’ailleurs ou la
projection vers un autrement, pour résoudre les problèmes comportementaux de
notre humanité. Troll Bridge de Daniel Knight (Australie) joue sur les références légendaires universelles
et leur réactualisation par les jeux vidéo pour nous révéler un avenir sans
issue. Notre barbarie, notre sens déformé de l’héroïsme bataille avec des tas
de jeux de mots (Cohen le barbare-Conan le rebelle), jeux de situations
(dialogue avec le cheval…) dans un combat sans issue.
Des légendes scandinaves au troll d’internet,
c’est-à-dire le polémiste… toute une suite de clins d’œil hilarants… Du point
de vue technique, une petite réussite. Et n’oublions pas : « Un troll
sommeille en chacun de nous »…
« Love Bytes » notre miroir ? |
Love Bytes de Sam Prebble (N-Z) ou l’impossible quadrature du cercle. N’y aurait-il
que les robots qui puissent prétendre au bonheur ? Inversement, les
humains n’y croient plus que de façon virtuelle ! La preuve… ils sont
totalement éradiqués. Et nous ne passons pas au travers de ce portrait de
nous ! Les robots sont notre portrait. Technique, effets spéciaux, astuce
et humour noir assurées : il
s’agit bien de nous ! Quel autre sort pourrait encore nous être
réservé ? Vous ne le saurez pas plus avec Kālewa (Hawaï)…
Demain serait poétique ?
Alors, que nous reste-t-il ? Chanter avec nos
ancêtres des litanies sur la soumission des femmes (You, the
Choice of My parents,
Fidji) ? S’accrocher à son désir d’épanouissement, malgré le handicap,
forcer le destin, puiser en soi, dans les méthodes de pointe ou revenir aux
fondamentaux de la culture ancestrale, de la nature, le legs affectif, avec ‘Ori (Polynésie).
Juste que Manuarii Bonnefin entre à plein dans la
poétique du mutisme. Du coup, il valorise le corps et son rapport avec une
conscience qui prend pied dans le ressenti. Il est vrai que son image est
parlante, que les sentiments y sont intensément moteurs : c’est le genre
qu’il semble affectionner tout comme la réalisatrice fidjienne, Meli Tuqota
tisse le tapa de ses mots. Et puis, Ce qui nous émeut particulièrement, c’est
que pour ces deux réalisateurs, nul besoin de passer par un imaginaire
universel.
‘Ori… à fleur de sens |
Les fictions courtes semblent s’inscrire, pour leur majorité dans le
contexte océanien. En effleurant un aspect qui pourrait passer inaperçu
d’ordinaire, ils l’inscrivent dans le patrimoine audio-visuel de la région.
Dommage que nous n’en sachions pas plus sur les réalisateurs.
Un article
de Monak et Julien Gué
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