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jeudi 28 février 2013

Mehetia, aux Îles-du-Vent


 L’île abandonnée

 

Voilà un siècle déjà que l'île de Mehetia, dernier volcan actif de Polynésie française, est redevenue déserte, victime des progrès de la marine.

Latitude : 17° 52′ 30.07″ S, longitude : 148° 4′ 3.19″ W. Inutile de noter ces coordonnées : il y a bien peu de chances que vous vous trouviez jamais dans les parages. Et d’ailleurs, c’est interdit…

Violente, sauvage et déserte Mehetia

Hors normes, hors des routes maritimes, hors du temps, Mehetia est, depuis un siècle maintenant, redevenue une île hors du monde, abandonnée des hommes.

 

L’île de Mehetia et la géographie

Située à environ 110 km à l’est -sud-est de Tahiti, Mehetia est la formation géologique volcanique la plus jeune de l’archipel de la Société.

Le mont Teruato
En réalité, l’île est la partie émergée d’un volcan sous-marin de 4000 m de haut toujours en activité.

La seule éruption connue aurait eu lieu du 5 mars à décembre 1981, à 1600 m de profondeur.

Mehetia est couronnée par deux cratères, dont l’un est le point culminant de l’île. Le mont Hiurai, ou Fareura, 435 m d'altitude, et le mont Teruato.

Mehetia : pas trés accueillante vue d'ici
Le mont Teruato présente la précieuse particularité d’offrir aux regards un cratère de 220 m de diamètre en parfait état, bien qu’encombré d’éboulis et de végétation.


À Mehetia, pas de barrière de corail ni de lagon. Pas de plage non plus. Les pentes abruptes du volcan plongent directement dans l’océan.

 

Mehetia et les explorateurs

Le 17 juin 1767, Samuel Wallis, le premier d’entre tous, aperçoit l’île de Mehetia. Mais ce n’est que le lendemain qu’il s’en approchera réellement.

Dans la nuit du 17 au 18 juin, raconte son journal de bord, des feux attestent que l’île est habitée. Au matin, quelques pirogues menées par trois hommes se postent à distance du Dolphin.

Mehetia au temps de sa splendeur…
Wallis envoie deux embarcations aborder l’île. Elles reviennent à peine deux heures plus tard! Le rapport de l’officier Furneaux explique : « La population, dit-il, consiste en plusieurs centaines d'indigènes dont l'attitude agressive nous a obligés à ouvrir le feu, mais sans les toucher (…) ».

Persuadé d’être à proximité du continent Austral, Wallis appareille et fait route, sans le savoir, sur Tahiti.

Moins d’un an plus tard, le 2 avril 1768, c’est Bougainville qui passe au large de Mehetia sans y débarquer.

Mehetia vue par un marin en 1849
C’est donc l'explorateur espagnol Domingo de Boenechea, à bord du navire Aguila qui, le premier, reconnut réellement l'île. Il la baptisa San Cristobal. Mehetia était bien habitée : elle comptait alors environ deux cents habitants.

 

L’histoire de Mehetia

Si nul ne sait quand Mehetia fut investie par les Ma’ohi, on sait qu’elle fut longtemps, et sans doute dès l’origine du peuplement, sous la domination des Tuamotu de l’Ouest.

Elle était alors habitée en permanence et jouait un rôle essentiel dans les relations commerciales et politiques entre l’archipel des Tuamotu et les îles de la Société.

Et pourtant : une île essentielle aux Polynésiens d’antan
Elle était en effet l’escale indispensable pour les pirogues polynésiennes qui assuraient les échanges entre les deux archipels.

Un jour, l’Ari’i* pau'motu** qui régnait également sur l’île échangea son épouse avec un important Ari’i de Tahiti. C’est à la naissance du premier enfant de cette union que la possession de Mehetia fut transférée des Tuamotu à Tahiti.

C’est la révolution des transports maritimes (grands voiliers, puis navires à vapeur) qui sonna le glas de la prospérité de Mehetia.

La seule partie "habitable" de Mehetia
Les derniers résidents permanents de l’île furent signalés au tout début du vingtième siècle. Depuis l’île est déserte. Elle est aujourd’hui rattachée à la commune de Taiarapu-Est, agglomération de la presqu’île de Tahiti.

 

Mehetia ou les origines d’un nom

Le premier nom connu de l’île est To’ohoa, ce qui pourrait vouloir dire « complètement dressée », et être lié aux parois particulièrement abruptes de son sommet. Mais ce nom pourrait aussi être dérivé de hoa, lieu de refuge des populations en cas de conflit.

Ce qui est sûr, c’est que ce nom de To’ohoa se retrouve sur une île comparable en Nouvelle-Zélande.

Mehetia : un refuge ou une prison ?
Mais le premier nom connu de l’île, parvenu jusqu’à nous grâce aux légendes, était Meketu, en pau'motu, et Me’etu, en reo Tahiti***. Ce nom aurait été celui de la princesse qui accompagnait un important groupe ayant colonisé l’île après les grandes migrations vers la Nouvelle-Zélande.

C’est lors de l’accession au pouvoir du roi Tu, de la lignée des Pomare, qu’il fallut changer le nom de l’île, le Tu étant devenu tabu (sacré, frappé d’un interdit). Elle devint donc Me’etia pour les Tahitiens et Meketia pour les Paumotu.

 

L’île de Mehetia aujourd’hui

Inhabitée depuis un bon siècle, Mehetia ne reçoit plus que les rares visites de missions scientifiques et de quelques privilégiés ayant obtenu l’autorisation d’y débarquer.

Une île sans eau, donc véritablement déserte...
Un sismographe y est installé en permanence, ayant pour mission de surveiller le point chaud du sud de l’archipel de la Société, dernière zone, en Polynésie française, où l’on constate une activité sismique dans les profondeurs du Pacifique.

L’île de Mehetia est une propriété privée, et il se dit qu'un trésor s'y trouverait enfoui dans les cales d'un navire qui vint se briser sur sa côte inhospitalière.

Aujourd'hui, un sanctuaire pour les oiseaux
En attendant, elle est un sanctuaire bienvenu pour quelques espèces d’oiseaux qui y vivent à l’abri de tout prédateur.

Lexique :
*Ari’i : Chef, roi…
**Pau'motu : relatif à l’archipel des Tuamotu. Les habitants des Tuamotu sont des Paumotu.
***Reo Tahiti : langue tahitienne


Un article de Julien Gué



Tous droits réservés Julien Gué. Demandez l'autorisation de l'auteur avant toute reproduction du texte ou des images sur Internet ou dans la presse traditionnelle.


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