Un Maire : l’Histoire
Le
promontoire marin de Sidi Bou Saïd, coiffé de dômes blancs, ses vantaux du
fameux «bleu», avait pris le vent de l’histoire. Au service de la liberté
recouvrée et de cette nouvelle citoyenneté assumée, un certain Dakhlaoui.
Raouf
de son prénom, « Si Raouf ! » ainsi que le saluent ses
compatriotes à Sidi Bou Saïd. Car s’il en est le fils, il en est devenu le
maire. L’ancien conseil municipal volatilisé en 2011, dissous avec le
précédent régime. C’est à un mandat de 5 ans de reconstruction que s’attèle
l’édile.
Raouf Dakhlaoui, une ville vibrante |
Le
« village », comme il se plaît à se désigner, pas seulement pour son
cachet typique mais son esprit bien trempé, le doit-il depuis longtemps à la
particularité de son passé
ou plus récemment à sa situation, entre l’ex-résidence d’un certain
« dégagé » et le palais présidentiel de Carthage ? Ainsi
n’est-il pas à l’abri des embruns.
La Salle
municipale, c’est la vie
Si
les administrés ont retrouvé la parole au grand air, et pas seulement dans les
petits cafés et les recoins des ruelles, il en va de même dans les locaux administratifs.
Et la vie y entre par toutes les portes. C’est ainsi que Raouf, toujours
abordable, les reçoit, sans rendez-vous. Journées longues, étirables à volonté,
toujours sur la brèche.
Mais
cette « délégation spéciale de mairie » peut sauter n’importe quand,
sous les affres d’un gouvernement provisoire chaotique. Cette
réalité, il en prend compte au quotidien. Dans les termes d’une loi rarement
respectée par les fonctionnaires eux-mêmes.
L’Histoire au quotidien |
Chargé
de fonction municipale, Raouf Dakhlaoui,
formation juridique à la clé, s’y implique.
Comme l’indique crucialement l’étymologie du mot, « le municipe, garde son
autonomie de cité, même conquise » (sous l’empire romain, déjà !). Mais n’est–on pas en plein
contexte d’assaut et de conquête, en ces temps troublés ?
Ceint
de l’écharpe bicolore, bénévole de surcroît, il s’en tient à ses
principes : applique la loi sans laquelle, entre autres, Sidi Bou, ne
pourrait « convoler en justes noces ». Quant au reste, il faut faire
avec les séquelles d’antan.
« Je
n’y gagne que d’abandonner ma liberté »
A
l’emporte-pièce, Raouf Dakhlaoui définit ainsi sa condition. Car il fait partie
de ces « élus », dans tous les sens du terme : mandataire d’une
population hétéroclite (tous milieux confondus) et « exception qui confirme
la règle », de ces rares « élus intègres ».
L’Art, miroir de la vie |
C’est
donc pour une question de «morale politique» que le mandaté intérimaire s’est
engagé. La gestion de la « polis »
(communauté civique en latin),
soumise à l’éthique du droit et du devoir, ne dispose toutefois d’aucun moyen
réel de son application.
En
toutes affaires, il privilégie la « transparence » : joyeux
casse-tête ! En toute légitimité -illégitime, car la Tunisie vit à l’heure
des plus profondes contradictions- il assume sa fonction jusqu’aux prochaines
élections sans cesse repoussées (!!!) jusqu’aux calendes grecques !
C’est
ainsi que Sidi Bou Saïd subsiste et reste ce fief à l’abri des « forces antagonistes ». Et il le
prouvera.
Le désaveu
Sidi
Bou Saïd, malgré les pyromanes
de l’épuration sectaire, vient donc de témoigner de sa santé mentale. Le
marabout où repose le soufi Abou Saïd, depuis 1231, inutilement incendié
par des salafistes (le 12 janvier 2013), la population réagit d’elle-même.
Quand la population s’en mêle
Agglomération
littorale, endeuillée depuis des siècles par la perte de ses marins-pêcheurs,
elle ressent d’autant plus l’offense. Attachée à leur protecteur, Abou Saïd dit
« Maître des mers », elle refusera que quiconque s’en mêle.
Et
c’est dans la plus profonde colère, exprimée par tous qu’elle ne laissera aucun
membre de l’actuel gouvernement, en cheville avec les profanateurs, pénétrer dans
son périmètre sans qu’il lui soit signifié de « dégager ».
Le
maire utilisera la voie
légale de la plainte, pour en référer aux responsables.
Un écœurement populaire
La
suite, il ne la connaît pas.
Un engouement,
le livre
Par
choix, par délassement, il substitue au livre de la loi ceux de tous les
ancrages et du dépaysement… ou, plus exactement, il cultive le livre comme un art. Art de vivre, art du vivre. Car il est libraire de profession.
Dans
la petite officine qu’il a montée, la même passion de la transmission, du
contact : entre lecteur et écrivain, entre artiste et public, entre
lecteurs. Un bail que cette aventure ! C’était déjà avant la révolution. « C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins
d'Hamilcar. » avait écrit l’auteur de Salammbô. C’est à
Salammbô.
Le cafetier, arôme de la librairie |
Ainsi,
la petite boutique, devenue foyer culturel de poche, anime et s’anime dans l’un
des quartiers défavorisés de la banlieue nord de Tunis. Rendez-vous mensuels à
l’étage pour des compte-rendu, des signatures, des vernissages.
A
la mezzanine, on y évolue, on s’y invite, on dit, on échange :
ateliers-chorale, théâtre, expos, ciné-club, peinture, musique, etc. En bas, on
s’exprime. On y compulse livres, imprimés dans les deux langues. On y
feuillette des affiches, on s’y attarde, avec thé ou café.
Que
ne serait tout lieu de convivialité en Tunisie, sans la présence amène du
cafetier ! La place est aux jeunes employés, leurs visions, leurs
aspirations : on est artiste, on touche le pinceau aussi à Art-Libris. On délègue… Le
Capitaine et ses mardis ! Et puis ce brassage des communautés qui ne se
dévisagent pas entre elles.
Une vitrine haute en culture |
Admises
toutes les « ouvertures »... sauf
les œuvres « d’auteurs encourageant à la haine », anciens ou actuels.
Un espace « infidèle » en toute fidélité.
Un article de Monak
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bravo si raouf
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