Quoi de neuf
sur nos écrans ?
Du
11 au 17 février 2013, Tahiti a vécu au rythme de la 10ème édition
du Festival International du Film documentaire Océanien. Un événement majeur de
la vie culturelle du fenua.
Le
FIFO 2013, ce sont quinze films en compétitions, dix-neuf hors compétitions, des
ateliers, des rencontres, des forums, un colloque, des formations, une soirée
spéciale dédiée au Festival du Film Romantique de Cabourg, une Nuit du Court
Métrage Océanien, et même une avant première mondiale….
Le FIFO 2013 : un festival à maturité ? |
Si
l’on n’a aucun doute quant au succès populaire (grandissant d’année en année)
de la manifestation, l’enjeu, pour les organisateurs, est de susciter un
véritable intérêt de la jeunesse polynésienne. Pour ce faire, bien des choses
sont mises en place. Ce pari là semble être gagné.
Tout savoir
sur le FIFO 2013
Pour cette dixième
édition, la manifestation bénéficie d’un soutien sans faille de tous les médias
polynésiens, qu’ils soient presse écrite, audio-visuel ou numérique. Et l’on ne
peut que s’en féliciter. Même si l’on apprécierait un minimum d’objectivité et
de sens critique...
Il est intéressant (et
réjouissant) de noter que l’audience du festival dépasse maintenant largement
les frontières des 118 îles polynésiennes. Ainsi, de plus en plus de grands
médias internationaux s’en font l’écho et le relaient. Par exemple,
l’hebdomadaire Télérama lui consacre un long article et, surtout, dans sa
version en ligne y a même ajouté la possibilité de visionner quatre des films primés en 2012.
Incontournable : le site officiel du FIFO 2013 |
Très complet et tenu à
jour de bien meilleure façon que les années précédentes, le site officiel du FIFO quant à
lui relaie toutes les informations utiles et indispensables pour celles et ceux
qui souhaitent ne rien omettre de la manifestation.
2013 :
une édition bien lisse
Contrairement aux années
précédentes, la sélection officielle de ce 10ème FIFO ne propose
aucun film au contenu vraiment novateur ou provocateur. Hormis peut-être le
film australien « Coniston » et le français « Les forçats du
Pacifique ».
Les fims de la sélectionn officielle du FIFO 2013
L’autre
aspect un peu inquiétant de cette sélection est la présence plus que symbolique
des petits états insulaires du Pacifique. En effet, s’il est logique que
l’Australie (grande nation du cinéma mondial) et la Nouvelle-Zélande soient
fortement représentées (huit films sélectionnés à elles deux), la Polynésie
voit deux de ses productions en compétition. Le reste est réparti comme
suit : un film pour la Papouasie-Nouvelle Guinée et quatre pour… la
France !
En hommage à la merveilleuse et inoxydable Michèle de Chazeaux |
Ce
constat oblige à se poser plusieurs questions. La première a déjà été soulevée, en d'autres termes, dans la presse quotidienne polynésienne par Chantal Spitz : Pourquoi
faut-il que ce soient des métropolitains, ou des étrangers, qui parlent de
nous ? Nous serions donc incapables de le faire par nous-même ?
La
deuxième question posée avec inquiétude étant : pourquoi aucun autre état
insulaire du Pacifique n’a-t-il été sélectionné ? De l’aveu même du comité
de sélection, ce ne sont pourtant pas les films candidats qui ont manqué…
Quand bien même, à cause d’un manque de
moyens techniques et financiers évident, la qualité du produit fini aurait du
mal à rivaliser avec les très gros budgets des productions australiennes ou
françaises, c’est le cinéma du Pacifique que le public veut voir, pas un cinéma
parlant du Pacifique du point de vue des autres : ceux venus d’ailleurs
pour le temps d’un tournage.
Un palmarès bien
lisse
Sans
aucune surprise, et sans prendre aucun risque, le Grand Prix du Jury 2013 est
allé à un énième film traitant du sempiternel et récurrent sujet du nucléaire
français en Polynésie : « Aux enfants de la bombe ».
Aux enfants de la bombe : Grand prix du jury
2013
Si
les images inédites de ce film sont passionnantes, justement car inédites, le
film lui ne nous apprend ni ne nous apporte rien de nouveau. D’autant que le
traitement du sujet est pour le moins conventionnel et sans surprise. Vous
l’aurez compris, à nos yeux, cette récompense est tout sauf méritée.
Avec
le premier « Prix spécial du jury » octroyé au film papou « Canning
Paradise », l’honneur du palmarès officiel est sauf.
Canning Paradise : 1er
Prix Spécial du Jury
Il
y a là un vrai sujet original, et il est traité par les premiers
concernés : les Papous. Même si l’on peut regretter que souvent les choses
ne soient qu’effleurées, il n’en reste pas moins que les vraies questions sont
posées. Et puis, l’ensemble n’est pas dénué d’émotions vraies, sans oublier
quelques magnifiques séquences.
Les
deux autres prix spéciaux du jury ont été attribués au même producteur
Néo-Zélandais… ce qui montre bien que le travail de sélection a dangereusement
manqué d’ouverture et de diversité…
Allan Baldwin in
frame, 2ème prix spécial du jury
Si
les photos sont fort belles, « Allan Baldwin in frame » ne méritait
certes pas, à notre sens, de se trouver propulsé en aussi bonne place. Nous
sommes loin ici du cinéma, quand bien même il serait documentaire…
« The
road to the globe » propose un sujet bien plus en adéquation avec notre
conception du film documentaire.
The road to the globe, 3ème prix spécial du
jury
Ce film laisse toutefois un petit arrière goût amer sur nos théâtreuses
papilles. En effet, nous aurions aimé au moins un petit questionnement à propos
de l’existence (ou de la non existence) d’un théâtre océanien vivant…
Heureusement,
le public était là pour sauver ce palmarès, même si « Scarlet road »
nous laisse un peu perplexe…
Scarlet road :
grand prix du public 2013
Avec
ce film, nous pénétrons un univers parallèle honteusement dissimulé par nos
sociétés bien pensantes et, pour le moins, aussi mal à l’aise avec le handicap
qu’avec la sexualité. Et même si l’on peut reprocher à la réalisatrice un
certain angélisme dans son traitement du sujet, on y apprend beaucoup de choses
passionnantes. Par exemple que l’un des lands australiens est l’un des très
rares endroits du monde où la prostitution est légalement considérée comme une
profession tout a fait normale et respectable. De là à présenter l’activité de
notre travailleuse du sexe quasiment comme un sacerdoce et une œuvre de
bienfaisance sans aucun aspect négatif…
Notre grand prix à
nous…
Parmi
les films sélectionnés qui n’ont retenu l’attention ni du public, ni du jury,
il en est un qui nous a passionné : « Les forçats du
Pacifique ».
Les forçats du
Pacifique : aucune récompense et pourtant…
Saviez-vous
que parmi les bagnards qui ont fondé la colonie calédonienne, il y avait un
certain nombre d’Algériens ? Que ces Algériens (ceux qui survécurent, du
moins) ont eu des descendants ? Et que ces descendants forment une
communauté très particulière au sein du melting pot qu'est la population
calédonienne contemporaine ? Ils portent des noms arabes et pourtant ne
savent absolument rien du pays et de la culture dont ils sont issus. Pourtant,
ils subissent deux formes
d’ostracisme : l’un parce qu'ils portent un nom arabe, l’autre parce
qu’ils sont descendants de forçats.
C’est
de cela que parle ce film étonnant et poignant construit à partir d’images
d’archives et de témoignages de ces « arabo-calédoniens ». Et il en
parle remarquablement bien.
En attendant le FIFO
2014
Comme
vous l’aurez compris, cette dixième édition nous a un peu laissé sur notre faim.
Il n’en reste pas moins que nous l’avons vécue comme une bouffée d’oxygène dans
l’indigence culturelle générale qui est celle de la Polynésie française le reste de
l’année.
Creg Germain, président du Jury, en direct à la radio |
Nous
attendons donc le 11ème opus du Festival International du Film
Océanien avec impatience. Avec un souhait en direction des techniciens de
l’organisation : serait-il possible de rendre leurs voix réelles à tous
les acteurs des films que nous regardons en supprimant ces insupportables basses
qui, si elles sont parfois les bienvenues dans une boite de nuit, dénaturent
complètement le travail des cinéastes et rendent fort désagréables le séjour des spectateurs durant les projections dans les salles obscures…
A
l’année prochaine, donc…
Un article de Julien Gué
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