Des
artistes fa’a’amu*
Les Tuamotu ne
pardonnent pas. C’est au bout du monde, au bout de soi… Elles t’envoûtent. Qu’elles
t’adoptent, c’est à l’issue de solides accordailles. Arno s’est fondu sans
tapage dans cette cordialité sobre du fenua… et c’est réciproque.
Rairoa,
« long ciel » en langue pa’umotu, ou lagon de Rangiroa, est aussi cet atoll
sable qui l’enserre. Rairoa Création mise sur ces camaïeux d’ocre
qu’offre la terre ferme de ces îlots du Pacifique. Rairoa, c’est cette terre
d’accueil qui a vu naître l’artiste, après longue gestation.
Ces teintes sable... |
A
l’image des îles, isolées au milieu de l’immensité, l’intégration du bout du
monde prend tout son sens de périple en solitaire. Commencé à Raiatea, passant
par Tahiti, il s’ancre à Rangiroa. Comme vous le devinez, le réflexe de l’îlien
est de parcourir l’océan à la rencontre de ses voisins, insulaires comme lui. Arno,
initiateur du concept « Rairoa Création » avec Didier, n’y échappe
pas. En immersion permanente au cœur des différentes sources culturelles
puisées au patrimoine de la Polynésie française, il ne cesse d’y adjoindre ses
propres interprétations ; car les techniques qu’il emploie proviennent de
son parcours de découvreur…
Arno, une signature
Artiste, pardon « artisan
créateur », il livre une synthèse à
sa façon. Résultat d’une longue quête. Il
transpose sur d’autres supports que la
peau, des compositions inspirées des tatouages marquisiens mais aussi des
pétroglyphes, des tikis originels de jade ou d’os sculpté et de l’environnement
animal et marin bien réel. Un artiste qui nomadise de port en port… et dont les
œuvres sont visibles à Papeete, Bora Bora, Moorea et bien d’autres
endroits : dans des lieux d’exposition, comme chez des particuliers.
L’Atelier de Rangiroa |
Espace brassé par le vent, Rangiroa devient sa
base originelle, le centre de toutes ses créations. Retiré loin du village, son
atelier est de plain-pied avec la nature. Entre cocoteraie et lagon, non loin
de la passe aux dauphins de Tiputa :
un lieu d’accueil pour artistes de passage.
Une galerie d’exposition pour d’autres artisans sculpteurs, du bijou, et
de la Mamie qui tisse les chapeaux. Une terrasse où les visiteurs aiment s’attarder
et deviser avec hôtes et inconnus. Un endroit convivial. A ne pas manquer de
découvrir.
Arno
se livre 24h/24 à son art et parfois à qui pourrait l’entendre, tout en
continuant à laisser glisser sa main sur son dessin : « Tu ne nais
pas artiste, tu le deviens, au milieu de tribulations… mais surtout de contacts authentiques et
cruciaux » lance-t-il, tout en sachant combien chacun de ses mots pèsent
de tous leurs sens. Le parcours d’Arno est ce long cheminement difficile dans
cette famille devenue sienne et qui l’a renforcé. Et c’est dans les moments les
plus ardus, les plus précaires, qu’il éprouve ce sentiment de totale liberté,
celui « d’appartenir à sa vie ».
Il
s’est longtemps cherché depuis que l’entreprise où il était photograveur l’a
déposé sur le trottoir du chômage et l’a fragilisé. Il s’est perdu… ou plus
exactement il s’est noyé dans ces arts de rue, cette dimension alternative de
la culture pour tous : là où l’échange est crucial, mais sans répercussion
sur le chiffre d’affaire ! Il s’est reperdu dans les hôtelières cuisines
d’un motu. Il s’est retrouvé en partant de rien, a fait peau neuve au peigne du
tatoueur, a pris les teintures du pays, a retracé ses lignes de vie en
dessinant.
Au commencement était la terre…
Dans
un univers où la nature s’impose dans sa vigueur et sa diversité, Arno ne
pouvait que fusionner avec cet ordre originel. La réalité de la Polynésie,
c’est cette sensibilité à la nature : elle est vraiment ressentie par le
corps et le mental de ceux qui y vivent. Débordante, envahissante, prégnante,
Arno l’extrapole, l’exprime librement tout en ne dénaturant pas le lien
identitaire de ses inspirateurs.
Rairoa Création dans tous ses états (Vidéo)
Des
années en orphelin, à élaborer,
approfondir et affiner son style. S’épanchant et se réfugiant derrière le geste
créateur, il ne cesse de produire : dans son atelier et sous le regard du
public aux stands temporaires d’expositions. Car le temps est son maître implacable.
Qui pourrait encore affirmer que l’art n’est pas un métier contraignant ?
Et
si, avec d’autres artistes, ils ont su créer des pôles de distribution comme avec
Natural Mistic à Moorea, que
la « Show Room Rairoa » s’ouvre à la demande près du MacDo à Papeete,
Rairoa Création, déballe, remballe, sur tous les salons qui s’enchaînent autour des municipalités de Pirae, d’Arue, de
la capitale Papeete, sous des abris de toile, en plein air, sur les quais à
l’arrivée des croisières intercontinentales…
A l’origine : les motifs polynésiens |
Toujours
un peu étonné des prouesses que lui prodiguent ces argiles pigmentées, des
« îles hautes », il parcourt l’archipel de la Société avec Didier à
la quête de cette précieuse manne. Il va
donc utiliser ce matériau minéral de manière de plus en plus épurée :
passant de ces poudres colorées, soigneusement broyées, qu’il met en forme au
pochoir ou enduit sous le trait du pinceau. Avec ce rendu de floculations et de
jeux de matière, l’œuvre continue à vivre.
Des motifs design
Les
détails techniques précédents n’intéresseraient que les curieux… et à grande
échelle, les écologistes : il est vrai que le dernier aspect est
primordial et contribue au respect d’un environnement si fragile ! Inventeur
de ses propres ingrédients, il vit à l’unisson de ces frêles équilibres
océaniens ! Quant à la longue patience des artistes, je serais loin de la
négliger ! Dans la recherche de la perfection, la maîtrise du matériau est
essentielle. Le rapport à la matière, un vrai plaisir d’artiste !
Avec Natural Mistic au Salon de Pirae |
Ses
ateliers sont ouverts et sa présence sur un stand est toujours active. Il crée
partout. Il propose une variété de formats, dont la « carte
postale », et s’adaptant aux nécessités d’acheminement, il trouve des solutions astucieuses. Ses support
tissés ne sont pas sans rappeler le tapa polynésien, bien sûr ; ils
présentent l’avantage de pouvoir être roulés, comme le kakémono.
Avec
une palette accrue de vert, de brun, de rouges et de noirs, ses
« séries » ne le sont que de nom. Car la touche finale, le rendu ne
sont jamais tout à fait les mêmes. La touche personnalisée vient au bout de la
main. Ce qui est rassurant !
Didier et les tentures à Rangiroa |
Pour
les œuvres plus imposantes, il s’y attèle après les avoir anticipées :
quand il n’existe plus aucune zone d’ombre dans sa vision préalable. Du
kakemono aux luminaires, paravents, fresques et autres supports
« habillés », c’est toute une gymnastique de transparences et de
rehaussement de teintes. Un style qui entre de plein pied dans le décor public,
familial ou vestimentaire.
Didier, l’alter-ego
Dans
la même dynamique, Didier, le coéquipier de fraîche date, met la main à la pâte.
Bodyboarder dans une pension de famille
à l’origine, les sports de vague et le tourisme de proximité étant l’un des
pôles attractifs de Rangiroa, il se met à l’école de l’Atelier. Silencieux, contemplatif, la fibre artistique
n’a pas tardé à se révéler au contact d’Arno. Dans des compositions incluant le
végétal, des distorsions de masques et
bien entendu leur monde commun des habitants de la mer, il semble se
spécialiser dans des silhouettes.
Silhouette |
Il
s’engage dans des asymétries, des ruptures d’équilibre… des explorations qui
mêlent stylisation et figurations florales. Il se dit encore néophyte. Ce genre
de déclaration, c’est l’esprit Rairoa : une modestie à toute épreuve.
Le
duo est une fabrique de rêve qui se veut un miroir de leur environnement.
Didier, vieux « routard » de l’archipel, semble lui aussi, vouloir
s’effacer pour ne rendre compte que du portrait de l’île et de ses habitants.
C’est le travail silencieux, barré d’un éternel sourire. Et comme pour
spécifier que nous sommes bien en Polynésie, il tatoue les fleurs.
…et la terre est si belle |
Rairoa
c’est une équipe. Mais ce sont aussi de véritables interlocuteurs. Du tableau,
ils passent au panneau décoratif, à la fresque murale (d’intérieur ou
d’extérieur), au luminaire (panneau d’angle, création de lampe et d’abat-jour).
Nombre supports différents se revêtent de leur création : jusqu’aux
vêtements, jusqu’aux pareos… et bien d’autres supports qu’il va vous falloir
explorer en visitant leur
site.
Rairoa, heureux ?
En
plein embrasement, Rairoa. La fièvre est celle de la création. Ressentir,
offrir.
Ce
n’est pas tout ! La création artistique ne se satisfait que peu de ce
qu’elle a réussi à faire aboutir. Toujours cherche-t-elle à se perfectionner, à
expérimenter d’autres techniques, à les rendre plus efficaces, à essayer
d’autres pistes.
Arno, un trait, une cordialité |
En
jetant un coup d’œil sur le catalogue en ligne de leur site, peut-être
serez-vous les premiers à vous initier à la nouvelle manière d’Arno. Dans les
projets de l’artiste, une formation dans l’aérographie. Car il cherche
toujours, par ce moyen, à multiplier les effets de transparence et de fusion.
Et si vous pouvez passer une commande personnalisée depuis votre ordinateur pour
embellir votre domicile, c’est une sorte de participation en plus à l’œuvre de
l’artiste. L’ensemble des créations-design chez des particuliers est visible
sur la toile ! Laissez-vous tenter ! Tout le bonheur sera pour vous… Et
puis, pour ne pas être de reste avec la distance, ni avec la modernité, un site
artistique, ça sert à échanger les impressions, à créer les contacts.
Rairoa Création, c’est aussi ça… (diaporama)
Rairoa
existe au rythme des débarcadères et subsiste dans ce balancement syncopé de
l’isolement des îles. Ce n’est pas pour rien que ce sentimental d’Arno se
laisse envahir par la musique, compose, instrumentalise… gratte. Son travail
est à l’image du ressac sur le récif, de la mer sans cesse recommencée. Demain est une vague…
Un article de Monak
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Merci beaucoup Monak et Julien !!! C'est la 1ère fois que l'on ecrit un article aussi complet sur cette aventure artistique ... on va continuer :)
RépondreSupprimerMaururu'roa
Arno
Arno, il me semble que l'un des buts d'un article, c'est de conforter celui qui a eu le courage de se lancer dans l'aventure, juste à la force du poignet et à la faiblesse de ses doutes ...
Supprimer- Bingo ! vous allez continuer et vous continuerez encore longtemps
MONAK
C'est beau ....
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