La passion théâtre
Avignon,
revêtue d’un patchwork d’affiches sur tout ce qui s’apparente à une façade, se
joue son carnaval d’été. Soixante-cinq ans après la création du festival, tohu-bohu dans la ville
surpeuplée : elle joue la carte touristique à fond. Sous mistral et
cigales, s’effeuillent les spectacles.
Le patchwork
s’effeuille
Avignon,
rush de tout ce qui aurait pour nom expression scénique, plus ou moins proche
du théâtre, le festival draine jusqu’à la plus infime des compagnies de France et
de Navarre.
La
tendance étant de mêler sur plateaux et planches les différentes disciplines
des arts vivants :
place est faite pour qu’elles y soient invitées à part entière ! Comment
intituler réellement ce festival tous arts ? Comment définir actuellement
le Théâtre ? En revenir aux tréteaux du théâtre forain ou enrichir l’image
par les techniques multimédias ?
Le
théâtre se conçoit-il à partir des impératifs lucratifs des programmateurs ou
répond-il à une esthétique intrinsèque ? Sachant qu’une trentaine de
spectacles remplissent le « In » et que le « Off » s’étoffe
de la valeur d’un annuaire téléphonique : routine ou tournant pour le
festival ?
Théâtre : foire d’empoigne
Il
semblerait, dans les sondages, que les attentes du
public s’accordent avec les propositions des compagnies en matière de créations
contemporaines. Ce qui paraît évident pour un Théâtre qui se veut vivant !
Par contre, ce qui reste totalement aberrant, c’est que les spectateurs interrogés
occultent presque en totalité la tranche « Jeune Public » !
Immersion en « Théâtrie »
Comme
s’il paraissait inutile d’initier les enfants au théâtre, voit-on se pointer
une forte envie des décideurs pour la musique, la chanson, la danse et le cirque.
Il faut
dire que le festival étant le seul moment fort de l’année en Avignon, les
habitants se lassent des périodes de latence culturelle. Dans la même logique,
les compagnies théâtrales
vivotent.
La
vitrine des productions théâtrales n’est plus qu’un leurre. L’art de l’éphémère
- cet art de la représentation qui évolue chaque soir, de manière différente,
la magie du théâtre - risque-t-il de passer réellement dans la catégorie du
provisoire ?
Le statut de
l’éphémère
Intermittents sont-ils nommés pudiquement, et leur condition professionnelle tient de l’escroquerie dans cette fête du théâtre qui n’est pas rose pour tout le monde. L’alerte est donnée avec la « Charte du Off » :
« Ce qui
se passe en Avignon concerne tous les professionnels de France
même s’ils n’y sont jamais allés. Avignon est une vitrine de la création
théâtrale en France et les pratiques qui y ont cours sont symptomatiques de ce
qui se fait partout ailleurs. C’est aussi pour beaucoup un passage obligé pour
faire connaître et diffuser leurs spectacles. C’est d’une part parce qu’on y
trouve un public toujours plus nombreux d’amoureux de notre art, mais aussi
parce que la présence d’un spectacle en Avignon permettrait de le tourner par
la suite. C’est au nom de cette exploitation future que beaucoup sont prêts à y
venir à tout prix, y compris en faisant de la rémunération des artistes la
variable d’ajustement de leur budget. Or cette pratique n’existe pas seulement
en Avignon mais également dans les petits théâtres à Paris et dans les grandes
villes. Cette situation conduit de plus en plus les lieux qui accueillent des
spectacles en tournée à faire baisser les prix, voire à demander aux compagnies
de jouer à la recette comme c’est le cas en Avignon. Les compagnies se mettent
dans une situation d’hyper concurrence et il y a parfois un aveuglement sur les
conséquences de ce qu’on accepte. C’est ainsi que l’on est en train de scier la
branche sur laquelle on est assis en « dé-professionnalisant » nos
métiers. »