L’empreinte du poète guerrier polynésien
Vingt ans après sa disparition, Henri
Hiro n'en finit pas de remuer les consciences et les âmes des Polynésiens, tant
par son œuvre que par sa vie.
Deux
décennies après son décès, c’est toute la Polynésie
qui rend hommage à Henri Hiro par une multitude de spectacles, de projections
de films et d’expositions dont celle, particulièrement réussie, que lui a consacré
le Musée de
Tahiti et des îles.
Henri Hiro, le poète guerrier polynésien
Henri
Hiro n’eut pas toujours droit aux mêmes égards de son vivant. Son combat en
dérangeait beaucoup. Si, aujourd’hui, les médias se battent à coup de
superlatifs pour parler de lui et de son œuvre multiple, lors de sa mort, le
plus grand éloge qu’ils lui rendirent parlait de « premier poète polynésien »…
Henri Hiro, artiste et homme d’action
Comment
parler d’un tel homme sans occulter une part de sa personnalité, sans omettre
un pan de son œuvre, sans trahir sa pensée ?
Natif
de Punaauia, Henri Hiro y passe toute son enfance. En 1967, grâce à l’aide
financière de sa paroisse, il part pour la France afin d’y poursuivre des
études à la faculté théologique protestante de Montpellier. Il en revient,
diplôme en poche, en 1972.
Dès
son retour, il marque les esprits en devenant, avec Jacqui Drollet, l’un des
membres fondateurs du mouvement écologiste La ora te natura dont il est le
président. C’est dans un constant et rigoureux souci du respect de
l’environnement qu’il accomplit cette mission, exprimant notamment dans ses
actions son profond rejet
des expériences nucléaires du Centre d’Expérimentation du Pacifique.
Henri
Hiro parle de la Maison de la culture en 1979
En
1974, il prend la direction de la maison des jeunes et de la culture,
aujourd’hui Te fare Tauhiti Nui.
L’année
suivante, dans le prolongement de son engagement anti-nucléaire, il participe à
la création du parti politique La Mana te Nuna’a avec Jacqui Drollet.
A
la même époque, symboliquement et dans le but de revaloriser la culture
polynésienne, il choisit le pareo comme unique vêtement. Choquant et provoquant
la raillerie à l’époque, la chose est totalement acceptée aujourd’hui.
Sa
soif de savoir et de création est inextinguible et le pousse du cinéma à la
danse, de la musique à l’écriture et au théâtre. Tous domaines dans lesquels
il ouvre des portes et laisse des traces ineffaçables.
« Ariipaea-Vahine » est à l'origine un poème de Henri
Hiro
Entre
tradition et modernité : avec l’œuvre de Henri Hiro, cette expression galvaudée
prend tout son sens.
Le retour aux sources de Henri Hiro
Les
choses changent en 1984, à la suite d'un lynchage administratif en règle : la
marmite à créer en ébullition permanente dont il avait fait la maison de la
culture devenait par trop dérangeante.
Henri Hiro : l’enfance comme le plus grand espoir
En
1985, écœuré, il démissionne simultanément de tous ses postes « en ville » et
se retire, avec femme et enfants, dans sa vallée nourricière de ‘Arei, sur
l’île de Huahine. Il estime qu’en tant que Polynésien, la ville fait de lui un
captif.
«
Démentalisé de sa polynésianité », il se sent étranger parmi son entourage,
étranger à lui-même.
Afin
de ne pas se suffire de paroles, il façonne de ses mains son peho (vallée).
Il ne vit pas à ‘Arei en rétrograde mais véritablement en homme-nature. Il
tropicalise à la sauce ancestrale les confortables condiments des temps
modernes afin de vivre en harmonie dans le contraste.
Face
à l’occidentalisation de la société tahitienne et s’adressant aux popa’a*,
il déclare un jour : "Si tu étais venu chez nous, nous t'aurions accueilli
à bras ouverts. Mais tu es venu ici chez toi, et on ne sait comment
t'accueillir chez toi"…
Auprès
du vieux pêcheur Teihota’ata qui lui enseigne le parler tahitien, il apprend
aussi que : « être bien dans sa langue, c’est être bien dans sa peau, c’est être
bien avec les autres… un mot, une expression qui se perd, c’est un trésor
social qui disparaît… »
Henri Hiro manifeste contre le nucléaire en 1980
«
Au crépuscule du soir, le miracle du souffle » abandonne Henri Hiro à l’âge de
46 ans. Il repose au cimetière de Fa’ie à Huahine.
Que reste-t-il de Henri Hiro ?
Son
œuvre, si le mot peut être juste, est avant tout multiple et polymorphe. Dans
tous les espaces dont il s'est emparé, Henri Hiro vivait l’alchimie de son
identité avec son temps. Il ne pouvait l’imaginer sans le combat qui va avec.
On
peut trouver sur Internet un certain nombre de vidéos avec lui, parlant de lui
ou montrant certaines de ses œuvres. A commencer par Te
Ora, une série télévisée produite en 1988,
écrite par Henri Hiro et réalisée par Bruno Tetaria. Principalement tournée sur
l'île de Huahine, Te Ora fut
coproduite par l'Association Harrisson W. Smith et l'ICA. Il s'agit de fables
écologiques pour les enfants ayant pour héros les arbres du fenua.
Deux
semaines seulement avant sa disparition, l’écrivain Michou Rai Chaze avait
réalisé une interview de Henri Hiro publiée dans Les Nouvelles de Tahiti.
Cet entretien a été repris dans le Bulletin de la société des études
océaniennes (n° 240-250 de mai-juin 1990) consacré au poète alors tout
juste disparu.
« Tarava » de Henri Hiro (1983)
Aujourd’hui,
la poésie de Henri Hiro est enseignée dans les écoles de Polynésie. Hélas, pas
son théâtre. Ni son sens de la beauté et de la justice.
Et
encore moins sa vision d’un monde polynésien débarrassé de ses œillères.
Lexique :
*Popa’a :
Blancs de métropole installés en Polynésie.
Un
article de Julien Gué
Quel être magnifique, que sont à plaindre ceux qui sont passés à côté de lui sans lui donner l'importance qu'il aurait du avoir...
RépondreSupprimer