Du nord au sud de la Tunisie, les
paysages évoluent du vert méditerranéen -le Tell : hauteur-, passent par l’ocre de la steppe et virent au
blanc désertique.
Le Tell septentrional, c’est cette
région en bout de chaîne montagneuse de l’Atlas : une dorsale orientée du Sud-ouest
au Nord-est et adossée à la frontière algérienne. Les sommets arrondis se
couvrent de forêts de pins d’Alep, de chênes et de chênes-lièges et ne
culminent qu’à 903 m (Jebel Bou Goutrane) ; c’est plus au sud que le Tell se
relève et atteint 1295 m au Jebel Zaghouan.
Les hautes plaines s’adonnent aux cultures
d’orge, de blé et d’oliviers ; les vallées de la Medjerda, à la
polyculture. Irriguée, drainée, alluvionnée, elle constitue la principale zone
céréalière.
La Khroumirie des sources
Eucalyptus
et mimosas, sur les pentes escarpées, conduisent au berceau de cette « petite
Suisse » aux fermes de tuiles rouges et à l’élevage bovin. Giboyeuse à
souhait, la forêt recèle des haltes décorées de trophées. Mais plus de trace de
félins africains, attestées par les mosaïques romano-puniques (Maison de la
Chasse), ni depuis ce dernier lion, ou cette panthère, dont la légendaire
présence tient depuis un siècle !
Aux
hivers souvent enneigés, aux façades et aux balustrades de bois, l’illusion est
presque parfaite. A 800 mètres d’altitude, Aïn Draham -la Source d’Argent-,
petite station thermale parmi d’autres, surprend par la fraicheur de l’air
estival. D’octobre à février, les battues au sanglier ne manquent pas d’en
surprendre la quiétude.
Le
barrage de Beni M’Tir contraste avec le gros bourg de Fernana -signifiant
chêne-liège-, et ses maquignons. Site isolé, contreforts massifs, forêt sombre
et miroir lacustre du ciel.
Les
vestiges de l’antique Bulla Regia correspondent à ce que viennent y chercher
les familles actuelles : la même fraîcheur. Les sous-sols des villas faisaient
office de havres climatisés. Et si ce confort antique paraît précurseur, il est
le signe des notables : l’origine de la ville vient en ligne directe de ce roi
(regis en latin) numide Massinissa.
Khroumirs,
Kabyles, tribus cousines de part et d’autre de la frontière : elles constituent
la souche originelle berbère de ce qui deviendra ensuite la population
tunisienne. Cloisonnée dans ses traditions à la rude et ses habitudes
vestimentaires de montagnards. Autonome aussi. Car la Khroumirie se serait
valu, pour son audace, le prétexte de l’invasion française.
Du « grenier de Rome » au problème crucial de
l’eau
Depuis
l’Antiquité, la région a bâti sa renommée sur cette terre fertile. Déjà
l’Empire Romain en tirait d’abondantes récoltes et érigeait une politique de
monoculture. Carthage vaincue est devenue « le grenier de Rome ». Le
Protectorat français a intensifié ce principe d’exploitation. La
nationalisation des terres (1964), elle, a poursuivi le processus des grands
domaines.
Avec
le réchauffement de la planète et l’empiètement des terres cultivées sur la
zone protectrice de la forêt, la région doit faire face à l’avancée des zones
arides. Encore très verdoyante grâce à de la pluviosité, elle n’est pas à
l’abri du ravinement des sols dus aux violents orages méditerranéens.
Le tiers (environ) de la population tunisienne
tire son activité de l’agriculture. La forte concentration paysanne se répartit
entre travailleurs saisonniers et petits exploitants miséreux dans les hameaux
reculés. Cependant, l’exode rural ne se stabilise pas.
La
culture s’adapte aux pistes pierreuses, justes carrossables pour les 404
bâchées, les Isuzu, mais surtout les tracteurs et les ânes. L’habitat est de
tourbe et de brindilles : on y dort à même les nattes. Et le Théâtre pour
Enfants et Parents dans ces hameaux perchés, - sans électricité et l’eau à la
fontaine - se tient de la roulotte de Baba Snichou.
La côte de corail
Entre
forêt et criques rocheuses, sauvages, l’ancien comptoir punique de Tabarka
livrait son tribut -de minerais, de
bois, de liège et surtout- de marbre au vainqueur romain. Extrait des carrières
de Chemtou -Simitthu- (près d’El Kef, dont nous reparlerons plus tard), il
n’engendrait pas l’unique richesse du port et des armateurs de la région.
Dès
le XVIème siècle, sous la protection de Charles-Quint, une famille génoise,
s’établit sur l’île qui garde l’entrée
du port. La pêche et le corail en firent la prospérité. Il devint objet de
convoitise entre la France et les Turcs, deux siècles plus tard et jusqu’au
XXème siècle.
Jazz à Tabarka : un certain Fawzi Chekili |
Si
elle doit sa notoriété maritime au pirate turc Dragut,
Tabarka s’est spécialisée dans la plongée sous-marine et le tourisme culturel
avec ses festivals de Jazz et de cinéma amateur.
L’ancienne basilique chrétienne, comme la ville entière, se meut en esplanades
musicales.
Le
grand rush des années 70, avec un public foncièrement jeune dormant à la belle
étoile, a connu les heures magiques des Temptations, Claude Nougaro, Charles
Mingus, Keith Jarrett, Miriam Makeba, Léo Ferré, Dizzy Gillespie, Miles Davis,
Manu Dibango, Kool & The Gang, Barbara Hendricks, Al Jarreau et bien
d’autres. Le festival actuel s’oriente de façon plus « rangée », en fonction
d’un public de quadragénaires mélomanes.
Un article de MonaK
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Cet article vous a fait réagir ? Partagez vos réactions ici :