Prévisible ou imprévu ?
Ils l’attendaient
avec impatience le palmarès qui clôture le FIFO ! Eux, les cinéastes,
leurs supporters. Et le public aussi, dont le verdict, introduit subrepticement
dans les urnes dressées à la porte des salles de projection, pèse lourd dans
l’attribution du prix qui leur est imputé.
Parmi
les films hors compétition, le jeu étant de s’employer à mener campagne de
visibilité hors des interviews médiatisées, des ″rencontres sous le banyan″, le
dialogue allait bon train sur les stands, les réseaux sociaux du net et bien
entendu, la fameuse… ″radio-cocotier″. L’heure est maintenant au champagne ou
aux mouchoirs. Chacun regrette cependant de devoir quitter l’ambiance
chaleureuse de Te Fare Tauhiti Nui (la maison de la culture de Pape’ete).
Hollie Fifer réalisatrice de « The Opposition » |
Découvrons avec vous, puisque nous n’avons
pas été conviés à la soirée des récompenses, les heureux lauréats de ce
festival qui a réuni en quelques jours une pléthore d’îles et de presqu’îles
océaniennes.
Le Palmarès
Le
palmarès du FIFO 2017 comprend d’abord celui du Jury pour les films en
compétition. Jury présidé par Stéphane Martin ; ensuite le prix de la
fondation internationale Okeanos, valorisant la « préservation des océans,
de l’environnement ou de la Culture océanienne ». Le public, lui, décerne
deux prix distincts : le prix du public et le prix du court-métrage. Quant
au Prix du meilleur scénario, il sort de l’un des Ateliers du FIFO ouverts au public et en est à sa 2ème
édition.
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Le grand
prix du jury fifo-france télévisions,
pour "The Opposition",
réalisé par Hollie Fifer (Australie - Papouasie-Nouvelle-Guinée).
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Le 1er prix spécial du jury, pour "Mele Murals", réalisé par Tadashi Nakamura (Hawaï - états-Unis).
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Le 2ème prix spécial du jury, pour "How Bizarre, The Story Of An Ōtara Millionnaire",
réalisé par Stuart Page (Nouvelle-Zélande).
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Le 3ème prix spécial du jury, pour "Zach's Ceremony", réalisé par Aaron Petersen
(Australie).
-
Le prix
okeanos, pour "Fading Sands",
réalisé par Stephen Limkin (Australie).
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Le prix
du public, pour "Alors On
Danse", réalisé par Jacques Navarro-Rovira (Polynésie française).
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Le prix
du court-métrage océanien, pour "Je
Ne Pleurerai Plus", réalisé par Olivier Gresse (Nouvelle-Calédonie).
Cybèle Raybaud, la course au scénario… |
L’impression
générale qui se dégage des 1ers prix attribués par le Jury FIFO, semble
se concentrer en priorité autour de la mobilisation des communautés luttant
pour leur autonomie ou la reviviscence des valeurs culturelles partagées par
l’ensemble du monde océanien. Avec la volonté de solliciter la collectivité
mondiale sur les disparités qui en entachent l’ordre. Le Prix Okeanos n’hésite
pas à émettre un cri d’alarme vis-à-vis de la même entité de décideurs.
Quant
aux autres prix, toutes catégories confondues, dont ceux du public, ils
concernent davantage la sphère de l’environnement proche. Soit le destin
particulier de ceux qui nous entourent et que nous ne voyons pas ou ne savons
pas voir. Occasion évidente de primer l’humanisme, les bons sentiments, et
parfois de se refaire une bonne conscience.
Brefs commentaires sur les films lauréats
″The
Opposition″ est un véritable documentaire. Une enquête de journaliste qui ne
souffre aucune critique quant à son sérieux et sa précision. Sa réalisatrice, Hollie Fifer, arrive même à
nous tirer les larmes à plusieurs moments, ce qui n’est pas un mince exploit
compte tenu du sujet du film. Et pourtant, cet incroyable reportage ne brille
ni par ses qualités techniques, ni par une quelconque recherche de création
artistique. Mais peut-être est-ce justement cette approche absolument
conventionnelle qui rend ce travail si touchant et dérangeant à la fois.
Le teaser du film lauréat du FIFO 2017
″Mele
Murals″, qui a fait l’objet d’un bref aperçu dans un précédent article, est peut-être
l’un des films les plus optimistes de cette édition. Prenant à bras-le-corps
les mentalités d’une communauté, maintenant en position d’infériorité sur sa
propre terre, le projet artistique remobilise jeunes et anciens autour de ses
valeurs culturelles, pour se les réapproprier, les faire vivre et les engager
dans un devenir durable.
″Je
ne pleurerai plus″ est une fiction d’assez bonne facture qui repose sur un
scénario original (quoiqu’un peu simpliste par moment). L’ensemble, plutôt bien
servi par des acteurs généralement convaincants aurait toutefois mérité un peu
plus de rigueur et d’invention dans la mise-en-scène.
Épilogue…
″Fa'afaite
by Pepena″ ou ″Réconciliation″, petit bijou cinématographique de 7mn dans la
section court-métrage, ne semble pas avoir été plébiscité par le public. Signé
Virginie Tetoofa, il est pourtant un objet esthétique sans faille :
l’image aux plans complexes et recherchés est splendide, rythmée par les
sonorités musicales ciselées entre le groupe Pepena et le vivo (flûte nasale)
de Libor Prokop. Jouant sur la synthèse tradition-contemporanéité, la
chorégraphie expressive est techniquement au top. La symbolique est
émotionnelle, menée par un scénario qui combine le cadre souterrain de la
modernité et les clins d’œil aux emblèmes caractéristiques à Tahiti : le
couple de gallinacés, le tatouage et les oppositions de costumes.
Prix Okeanos pour Stephen Limkin |
Si
″The Opposition″ résulte d’un énorme travail d’investigation documentaire, j’ai
un petit faible pour ″Servant or Slave″, eu égard à son image plus aboutie… et
peut-être aussi du fait que le film ait été conçu par un Aborigène : en
effet, son engagement cinématographique, lui valent encore quelques
désagréments et diatribes. Mais ses déboires n’étant pas le sujet du film,
consacré au délitement psychique, physique et social de ces cinq femmes parmi
des milliers, enlevées, flouées et
escroquées en toute « légalité », le réalisateur ne le montrait pas.
Je
regrette que ″100 Tikis″ n’ait pas fait l’objet d’une petite citation :
tout comme ″Te reo tumu″. L’esthétique du film Hawaïo-Samoan de Dan Taulapapa
McMullin est totalement novatrice : l’image se construit comme un collage
surréaliste, se déconstruit peu à peu et s’avoue impuissante avec cette fausse
fin qui rend compte du conditionnement du citoyen-spectateur. Plus soft, plus
conventionnelle dans sa structure, l’approche de Cybèle Plichart table sur
notre avenir, les 50% que constitue notre jeunesse, avec les 'ōrero
(déclamateurs) en herbe et l’exigence ou non de leurs aînés. Ces deux
courts-métrages présentent en commun, une véritable remise en question de la
société océanienne, indubitable autocritique. Cette responsabilisation de tout
un chacun est par principe hautement déstabilisante… Ce qui explique sans doute
cela.
″Fa'afaite by Pepena″ de V. Tetoofa… pour
le plaisir
Nous
n’avons pu visionner la totalité des films projetés comme les années
précédentes, du fait que nous n’avions qu’une seule accréditation pour deux. Et
c’est bien dommage.
Sans contester le rôle du jury souverain, à
l’instar du ministre de la culture, nous ne faisons que livrer notre avis. Notre
opinion, quoique partielle, se fonde sur un maximum d’impartialité.
Un article de Monak & Julien Gué
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