Un panorama éclectique
Les thèmes qui
inspirent les films documentaires du FIFO n’ont pas fini de tourner autour des
questions cruciales. Elles récidivent à chaque session du Festival océanien, car
elles sont vitales.
Loin
d’être résolues, elles semblent même élargir leur champ de vision. Combien
encore de petites îles, de petites communautés éparpillées dans le Pacifique
Sud démasqueront encore la mainmise de l’étranger ou des monopoles financiers sur
leurs terres ou leurs valeurs culturelles ? Que l’histoire en soit
ancienne ou contemporaine, elle reste d’une actualité brûlante, avec souvent des
séquelles irréversibles et la quête d’une réappropriation de soi.
L’injustice au pouvoir…
Entre documentaires sur des tranches de
vie, lutte pour la reconquête, projets de mobilisation culturelle et
vagabondage en spiritualité, l’édition 2017 est prolixe. Quelques exemples
glanés dans les salles obscures suffiront peut-être à vous en convaincre.
L’arbitraire
Avec
son film, War For Guam, Frances Negron Mutaner, retrace l’histoire d’un état, dont le statut politique est
mitigé. Avec un gouvernement local totalement indépendant du Congrès américain,
il pouvait aspirer à l’autonomie. Du moins, pour services rendus. En fait,
nulle reconnaissance. La population Chamorro, qui a fait preuve de résistance
contre l’invasion japonaise, a été spoliée de ses terres, transformées en base
américaine stratégique.
Un jeu de piste malicieux
Envolées
les espérances. Malgré les réseaux clandestins, les massacres, les exécutions
perpétrées par les Japonais, aucune trace de la moindre gratitude. L’île
hospitalière, minuscule, engagée dans la survie du seul militaire rescapé,
devient quantité négligeable, n’a pas voix au chapitre. Des images d’archives, une
réalité tout aussi cruelle. Des revendications qui se noient dans l’océan.
Le projet identitaire
À
peu près sur le même parallèle, Hawaï. Encore l’un de ces états américains dits
″organisés″, au statut bâtard. Le film de Tadashi Nakamura, Mele Murals,
relate le parcours d’une fondation qui, mobilisant
ses jeunes, développe un mouvement d’intégration et de renouveau culturel.
S’appuyant
sur la communauté autochtone polynésienne, l’objectif est de conduire les
participants à entrer dans une démarche approfondie qui lui permette de se redéfinir
et de l’exprimer. Les enjeux du projet artistique étant déterminés, c’est par
le graff et la musique que se développe une expérience innovante, ressourcée de
l’intérieur aux mythes originels.
Mon pays, mon âme…
Le
film, dont la teneur est optimiste, dont l’atmosphère est jubilatoire et
émouvante, joue avec les fondus-enchainés de formes et de couleurs, sur une
mosaïque de chants et de méditations.
Des racines et des genres
Tout
aussi primesautière, La Tribu de l’Invisible d’Emmanuel Desbouiges et
Dorothée Tromparent siffle un air de fantaisie sur les écrans du festival.
Entre images dupliquées en miroir et incrustations animées, vient batifoler
toute une faune d’esprits sylvestres, s’ébattent monstres arboricoles, de
mousse et de roche. Nous sommes en Nouvelle-Calédonie et le végétal est roi :
alors la feuille mâchée est un ersatz prophylactique contre les elfes
malintentionnés. Une bien belle manière, image et scénario, pour nous apprivoiser
à ce monde mythique, ancré dans les comportements quotidiens.
Les ″Fleurs″, un genre…
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Quant
à nos Raerae, exilées à Marseille, pour vivre pleinement le genre féminin qui
les habite depuis qu’elles sont enfants, rien n’est vraiment simple. Ce n’est
pas tant leur choix que les contraintes qui en découlent. Le reniement paternel
ou l’hostilité familiale reste un poids douloureux. Véronique Kanor, leur
proche, leur semblable, pose sa caméra en témoin empathique, filmant leurs
émois dans Les Femmes viennent aussi de Mars.
Pas
de mélo, pas de tape-à-l’œil. Juste se dire qu’être en accord avec soi-même, ce
n’est pas le faire admettre par les autres. Même par un partenaire. Qu’être
différente ce n’est ni un handicap, ni une maladie mentale, ni une damnation
vis-à-vis de laquelle on se rachète en faisant le bien. Que l’opération, elle
aussi, ça se discute. Et qu’elles ne se perçoivent pas autrement qu’en tant que
femme.
Les outsiders
Les
thèmes généraux étant posés, rares sont ceux qui y dérogent. Le documentaire
hilarant a fait son entrée cette année. Mais ceci est une autre histoire. Il
fera l’objet d’un prochain rendez-vous.
Un article de Monak
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