Un littoral
bain de soleil
Le Sahel, de
l’arabe ساحل
(bord, lisière), est cette zone climatique qui entoure le désert du Sahara. Le
Sahel tunisien, lui, est cette bande étroite bordée par la Méditerranée à l’est
et limitée à l’ouest par les contreforts de la Dorsale et les Hautes Steppes.
Il s’étend du golfe d’Hammamet à celui de
Gabès. Il côtoie au nord le Cap Bon et maille la
chaîne des stations balnéaires de renom. En prolongement des Basses Steppes
plus arides, le Sahel est cette plaine maritime prospère, ouverte sur la mer.
Sahel, une lisière entre steppe et mer… |
La
Tunisie recèle des terroirs privilégiés : le Sahel en fait partie, car le début
de l’été s’annonce parfois en bouffées de chaleur insufflées par le vent du
désert. Le sirocco, sehili en tunisien, peut faire grimper les températures aux
alentours de 40°C. Mieux vaut pour vous,
touristes, choisir la destination « littorale » ou sahélienne.
L’air
marin y fait des merveilles, rafraîchit l’atmosphère et humidifie favorablement
la contrée : rosée et fin brouillard font écran à l’ardeur solaire !
Et riants d’espèces florales se parent les rivages. Vous êtes assuré d’un beau
temps presque inaltérable que viennent perturber en automne les quelques
orages courts et violents propres à la Méditerranée. Ainsi le déficit hydrique
(350 mm de précipitation/an) est-il contrebalancé agréablement. Le tourisme
balnéaire est roi !
Du tourisme et de ses avatars…
Long
de cent quarante kilomètres et large de vingt à soixante kilomètres, le Sahel
couvre près de 6 600 km², soit 4,02 % de la superficie totale de la Tunisie.
Les plages sont entretenues, les multiples activités de plein-air (golf, sports
nautiques, thalasso), les promenades agréables, le panorama d’une platitude paisible
entre ocre et sable.
Au creux des collines (Kalâa Seghira). |
Les
villes dotées d’installations portuaires de plaisance sont accueillantes. Elles
foisonnent de cafés et restaurants agrémentés de vastes terrasses où les
spécialités gastronomiques sont à base de fruits de mer, de crustacés, de
poissons et de poulpes aux variétés abondantes (couscous, fritures, ragouts).
Qui a déjà goûté le « couscous aux poissons » de Sousse ? D’une
fraîcheur et d’un goût délicat incomparables ! Poissons du jour !
Hélas ! La croissance a son revers !
Il n’est pas seulement imputable aux fluctuations en réserves d’eau ; en
effet l’infrastructure hôtelière, richesse de la région, pénalise l’irrigation
de l’arrière-pays agricole. De même, les seuls débouchés touristiques ne suffisent pas
actuellement à fournir des emplois à une population côtière dense, d’autant que
le gouvernement provisoire, d’obédience islamiste, qui se maintient après la
révolution depuis plusieurs années (2011-2014)
affiche une politique des plus inconsistantes en la matière, voire
hostile.
Enfin, la recrudescence de la
délinquance et de
la prostitution juvéniles, du fait de la corruption du régime de Ben Ali,
accuse un taux de féminisation de 20% depuis 2004. Actuellement, sous le coup
d’un endoctrinement pervers, elle change de visage avec le récent phénomène de la
prostitution halal et de
la violence sectaire.
Gigantisme des hôtels |
Cependant,
l’activité hôtelière, en constante innovation, défie toute concurrence par son
rapport qualité-prix. En front de mer, elle s’adresse aux particuliers, mais
aussi aux séminaires d’entreprises et aux groupes. Ce n’est pas seulement le
Carnaval d’Aoussou (24 juillet), fête de l’océan chère aux phéniciens, qui fait
perdurer les traditions folkloriques, mais l’inscription de la médina de Sousse
au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988 qui promeut la région. Le tourisme est
entré dans sa phase culturelle.
Dans le sillage des galions…
Le
Sahel, avec sa succession de ports de pêche, de chantiers navals et de marinas
maintient son héritage de « peuple de la mer » depuis l’antiquité.
Mahdia, premier port de pêche tunisien, s’exalte aux pêches miraculeuses de sardines,
d’anchois, de maquereaux éblouis par les lamparos… ou encore de bars, de loups,
de daurades sur tous esquifs ou au surfcasting.
Mahdia
se berce aux légendes de haute-mer, mais aussi aux exploits des « courses ». Avec son
surnom dû aux deux baies qui l’enserrent, la « Cité aux deux croissants »,
la ville-forteresse, ne cesse d’être
chantée par l’un de ses fils poètes : Moncef Ghachem
« …Et
j'ai vu Mahdi la nuit à la gare
Qui
prenait la voie de l'exil au nord
Et tu
pleurais sous les jets de phare
Mansour
est en mer et Mu'îz sans or
Elle
m'a quitté la maison de ma mère
Ma
vieille ville n'a plus ses habitants
Ses
marins sont de l'intérieur des terres
Migrants
comme mulets du bon vieux temps
Mes
garçons sont pêcheurs à Mazara
Sur une
carcara qu'on dit rentable
C'est
la vie ô ma tendre Manara
J'ai le
cœur gros et je broie du sable … »
Mahdia, creuset des marins |
Cité
phare pour le rôle historique qu’elle a joué, son nom lui est donné par le
fondateur du mouvement chi’ite : Al-Mahdi (Le Sauveur). Il se proclame calife en 910 au cap Afrique où il
établit Mahdia, sa place-forte. Capitale de l’Ifriqiya, elle étend son royaume fatimide* jusqu’en Egypte.
Saccagée
au 11ème siècle par les invasions hilaliennes, son devenir est
tumultueux ; escale des pirates, captive du corsaire Dragut, sous l’autorité des chevaliers
de Malte en 1600, elle émerge de l’oubli avec la découverte, en 1908, de
l’épave d’un vaisseau grec du 1er siècle.
Le havre en pente douce de Hergla |
« Au
large de Mahdia, à quelques kilomètres au nord-est de cette ville prestigieuse,
des pêcheurs d’éponges signalèrent en 1907 la présence d’objets antiques
submergés. Le gisement contenait des colonnes, des chapiteaux ; les fouilles
ont permis de constater qu’il s’agissait en fait de tout un bateau chargé
d’objets d’art pour la construction d’un édifice somptueux… quelle riche
cargaison ! Outre les colonnes, des chapiteaux et de superbes cratères en
marbre, on a retiré des chefs d’œuvre en bronze, tels que l’Agar, l’Eros
Citharède, l’Hermès de Dionysos, la Naine dansante, la Course du Satire… et des
sculptures en marbre, comme ce buste d’Aphrodite d’une beauté tout à fait
divine. » (Mohamed Fantar)
La « civilisation de
l’olivier »
La
mer, la terre : un équilibre en flux et reflux… Deux symboles illustrent
cette région à fleur d’eau : le poisson pour le bonheur, l’olive pour
la force.
Récolte de l’olive en mosaïque et en melia* |
Noueux,
tordus, maints oliviers tutélaires datent de l’époque punique et honorent
glorieusement leurs trente siècles. L’arboriculture fruitière (amandiers, etc.),
et notamment l’olivier, utilise encore des techniques d’irrigation
antiques : ils sont 8,5 millions pour la plaine de Sousse. Dans la plaine
de Sfax, par contre, les 6 millions d’arbres destinés à l’oléiculture moderne
proviennent, eux, du protectorat français.
Dans
l’ancienne Byzacène, province romaine du Sahel, se développait le commerce de
l’huile d’olive : combustible pour le chauffage et l’éclairage
d’abord, elle entre peu à peu dans l’alimentation. Le fruit y entre à part
entière : un regain pour les saumures, puis les conserveries. Avec 210 000
tonnes d’huile d’olive pressée en 2010, la Tunisie se situe au 4ème
rang de la production mondiale. Inaltérable, l’odeur prégnante qui vous prend
aux narines à l’abord des pressoirs !
Pressoir à olive à Kalâa Kbir |
Pline,
dans son « Histoire naturelle », rapporte : " Ici sous des palmiers d'une taille
exceptionnelle poussent des oliviers, sous les oliviers des figuiers, sous les
figuiers des grenadiers et en dessous de ceux-ci des vignes. Et sous les
vignes, on sème des céréales, plus tard des plantes légumineuses, et puis des
légumes, tous dans la même année, et tous se nourrissant de l'ombre d'un autre.
"
Des épines aux fruits rouges de la
révolte
Région animée, industrieuse, le Sahel sème,
tisse, récolte, fabrique, conserve. Les méthodes ne sont pas des plus modernes.
Une gamme d’artisanats y concourt : qu’il s’agisse de l’art de la terre et
du feu (poteries alimentaires) comme de la constitution des flottilles les plus
rudimentaires. Entre les conditions et le
niveau de vie de sa population, le luxe de ses hôtels et de ses galeries
marchandes : un hiatus démesuré.
Four tabouna pour pain et poterie (Takrouna) |
La
main d’œuvre prolifique… tenace, se surpasse mais aussi survit sans toujours se
résigner. Elle n’est ni à l’abri des intempéries, ni de la sécheresse, éponge
des inondations mémorables et fait face aux fléaux naturels comme l’invasion de
sauterelles… Consciente que l’équilibre s’avère bien précaire dans sa lutte
contre l’avancée du désert.
De
Sousse (3ème ville de la Tunisie) à Sfax (2ème ville), des
cités au destin fabuleux n’égrènent pas que leurs vestiges*. Berceau de
grandes figures politiques séculaires, ce n’est pas un hasard si les deux
premiers présidents de la république indépendante en sont issus : Monastir
pour Habib Bourguiba et Hammam-Sousse pour Zine El Abidine Ben Ali.
Kalâa Kebira, الكبرى لقلعةا, ses olives, ses cactées…
Auparavant,
les Sahéliens s’étaient parfois rebellés contre le pouvoir central. Le caractère
bien pugnace comme leurs minuscules villages perchés aux sites imprenables
avant que d’être pittoresques, ils se sont levés contre l’injustice. Ainsi
Akouda se révolta contre l’impôt beylical : le soulèvement fut réprimé
dans le sang.
Entre
romanité de Mediccera et zaouïa*,
Takrouna s’agrippe encore à son piton rocheux et arbore sa berbérité. Pour Hergla,
totalement rasé par la conquête arabe, son cimetière marin, semble glisser sur
la grève… On raconte qu’un marabout du 10ème siècle, Sidi Bou
Mendil, serait revenu de La Mecque en tapis volant…
…des enclos barrés de hindi à Sidi El Hani |
Une
région qui, malgré le poids de l’histoire, continue à se battre pour son avenir, surtout depuis que les
factions intégristes jouent la carte de l’épouvantail.
Une
région dont le rythme bat à deux vitesses : la modernité et l’ouverture sur
les fronts de mer touristiques, le poids des coutumes et le cloisonnement des espaces
domestiques pour l’arrière-pays, enclos de haies de cactées.
Une
région jeune à l’instar de la carte démographique de la Tunisie. Il est vrai
que les teenagers y représentent près du tiers de la population !
Une
région à l’image de ses figuiers de barbarie ou hindi. De leurs raquettes épineuses éclosent fleurs et fruits
rouges, gorgés d’eau et de fraîcheur…
Un article de Monak
*Fatimide :
dynastie shi’ite (909-1171) fondée par El Mahdi.
*melia : tunique à
carreau des sahéliennes agrafée par des fibules
*Zaouia : lieu
saint de prière ou d’enseignement
*Sousse, Sfax etc… et
les sites historiques : à paraître dans un prochain article
La pêche :
malheureusement, nous ne disposons d’aucun chiffre…
Remerciements à "Takrouna origine berbère"...
Voir aussi : http://tahiti-ses-iles-et-autres-bouts-du-mo.blogspot.com/2014/07/sousse-et-ses-environs.html
Voir aussi : http://tahiti-ses-iles-et-autres-bouts-du-mo.blogspot.com/2014/07/sousse-et-ses-environs.html
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Takrouna, le village aux 6 familles berbères |