L’humour libre
Après vingt-quatre années de dessin
quotidien sans faille (sauf le dimanche), les lecteurs de « La Dépêche de
Tahiti » ne retrouveront plus jamais la griffe de P’tit Louis dans leur
journal.
C’est
par ce message laconique sur un réseau social que P’tit Louis, l’auteur de plus
de 7500 dessins publiés par le quotidien polynésien, a appris à ses fans et
amis qu’il était balayé des colonnes de « La Dépêche de
Tahiti » :
« Je partage ce
moment de dégoût, avec un dessin qui devait passer dans le journal de Tahiti
qu'on appelle la Dépêche, mais il se trouve que ce matin je viens de recevoir un mail me
signifiant mon renvoi des colonnes de leur journal car la direction générale ne
veut plus de moi ! Dixit le directeur de la publication ! »
Pour être précis, c’est par un email
de trois lignes qu’a été signifié son renvoi à P’tit Louis. Email dont nous ne
connaissons hélas pas le contenu mais qui venait du directeur de publication du
journal. Le directeur de publication s’appelle Louis Bresson.
Les bonnes questions étant :
qui a pris cette décision et pourquoi ?…
Censure ou pas
censure ?
Si
l’on peut raisonnablement penser que cette décision incompréhensible n’a sans
doute pas été prise par le directeur de publication (et auteur de l’email
laconique) Louis Bresson, on peut aussi imaginer qu’il ne s’y soit pas opposé
de manière très ferme.
Il
n’en reste pas moins que la question du pourquoi reste posée…
Le dessin de P’tit Louis que « La Dépêche de Tahiti » ne publiera jamais… |
Nous
publions ici le dernier dessin que P’tit Louis a envoyé à la rédaction et qui
n’a donc pas été publié. Serait-ce en raison de la référence claire et directe
à une affaire qui, aujourd’hui encore, défraie la chronique judiciaire en mettant
en cause le défunt G.I.P. et son fondateur Gaston Flosse, que les nouveaux
propriétaires du journal auraient pris cette décision ? C’est ce que nous
avons pensé en apprenant la nouvelle.
Il
faut dire que, malgré les vigoureuses dénégations du directeur de la
publication, le nouveau contenu du journal est clairement conçu pour ne pas
faire de vague, et surtout pour ne pas éclabousser le pouvoir en place.
Rappelons ici que le président du Pays est, pour l’instant, un certain Gaston
Flosse, moult fois condamné et toujours mis en examen dans de nombreuses
affaires…
Vengeance ou règlement de compte ?
Une
fois la première réaction de colère et d’écœurement un tout petit peu passée
(mais si peu !), nous avons tout de même cherché à en savoir plus. Et là,
les archives ouvrent de nouvelles pistes au moins aussi écœurantes que la
première option envisagée.
En d’autres temps, une autre œuvre de P’tit Louis fut interdite… |
Il
faut se souvenir que, depuis quelques mois, le quotidien polynésien a changé de
propriétaires. Le principal actionnaire d’aujourd’hui s’appelle Dominique
Auroy. Un homme d’affaire mis en cause (et en examen) dans plusieurs
dossiers louches impliquant également, de près ou de loin, l’inévitable Gaston
Flosse.
Il
faut également se souvenir que, dans les années 80, alors que Jean Juventin
était maire de Papeete, Dominique Auroy avait
réussi à ouvrir une usine de traitement de déchets extrêmement polluante dans
l’agglomération. Une autorisation qui avait généré bien des rumeurs de
pots-de-vin et autres soupçons de corruption…
Des
citoyens s’étaient alors constitués en association pour se battre contre
l’existence de cette usine. Une association dont l’un des membres les plus
actifs s’appelait… P’tit Louis ! Et c’est l’association qui avait remporté
la bataille, faisant fermer l’usine.
…et finalement rééditée sous un autre titre dans les années 2010 |
Aujourd’hui, dans les couloirs de « La
Dépêche de Tahiti », il se dit un peu partout mais bien sûr sous le sceau du
secret que, dès son arrivée, Dominique Auroy aurait ouvertement déclaré vouloir
« la peau » de l’humoriste…
Feue la liberté de la presse
Quoi qu’il en soit, une chose est
certaine : le rachat des ruines du groupe Hersant Presse en Polynésie il y
a quelques mois par Dominique Auroy et ses amis a clairement signé la fin
d’une brève période de liberté de la presse écrite en Polynésie française.
Il y eut, en 2001, la naissance d’un
hebdomadaire (il s’appelait To’ere) qui dérangea jusqu’à l’ébranler le pouvoir
de Gaston Flosse. A la chute de ce dernier en 2004, les deux quotidiens locaux
osèrent enfin faire de l’information. Lors du retour aux affaires du potentat
local, il ne restait plus que ces deux quotidiens : To’ere ayant cessé ses
activités en mai 2006. Depuis le rachat des deux titres (« La Dépêche de
Tahiti » et « Les Nouvelles de Tahiti ») par M. Auroy et ses
amis, « les Nouvelles de Tahiti » ont également cessé d’exister.
Avec le renvoi de P’tit Louis et la
disparition de son dessin quotidien, c’est le dernier espace (quelques
centimètres carrés d’humour) de liberté du dernier quotidien de Polynésie qui
est effacé.
Il y a réellement quelque chose de
pourri au fenua.
A très bientôt, P’tit Louis ! Pour de nouvelles aventures… |
Ça ne fait rien : Chapeau bas,
cher P’tit Louis. Nous ne t’oublierons pas.
Et bon vent à toi…
Un article de Julien Gué
Et,
pour tout savoir sur l’album culte de P’tit Louis « Secret défonse »,
suivez ce lien : vous ne le regretterez pas ! http://tahiti-ses-iles-et-autres-bouts-du-mo.blogspot.com/2014/06/secret-defonse-de-ptit-louis.html
Tous droits réservés à Julien Gué. Demandez l’autorisation
de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur
Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.
No pasaran sous les cootiers amis frères debout ! debouts !
RépondreSupprimerUne petite fin a la JFK pour notre président ?!
RépondreSupprimerPour être précis c'est pour un dessin où Ptitlouis croque un Tahitien avec une bouteille de bière (insultant paraît-il!!!) et l'autre qui parle des "farani taioro" (raciste !!!) que la décision de le virer a été prise. "La ligue des droits de l'homme s'est plainte de ce dessin" a lancé un dirigeant du groupe... A d'autres ! De toutes façons les nouveaux dirigeants avaient décidé d'avoir sa peau dès leur arrivée.
RépondreSupprimerIls l'ont eu mais ça risque de leur coûter cher... Mais ce sont des procéduriers bien connus et ils iront au bout de tous les recours. En attendant la rédaction se débat tant bien que mal pour faire de l'info. La censure est ténue mais on sent bien qu'elle peut s'abattre à tout moment sur les journalistes dans une atmosphère déplus en plus pesante.
Je n'achetais déjà quasiment jamais la Dépêche de Tahiti. Je le lisais de temps en temps aux resto ou ailleurs. Mais là, plus jamais je ne lirais ce PQ.
RépondreSupprimerEt qui va racheter FACEBOOK alors ???
RépondreSupprimerPetit Louis tes dessins peuvent survivre sur la toile du WEB si tu veux. Rachèterons-ils l'internet aussi ? Merci les capitalistes, c'est encore la culture de l'individualisme et la suppression des libertés d'expressions. On nous montrera encore des riches corrompus qui échappent à la justice pendant que les pauvres intègres écoperont leurs peines et paieront leurs amendes. Avec l'argent, on négocie le silence des gêneurs et si cela ne marche pas, c'est la noyade.
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