Maau Romeo Patoia
Il
n'y a plus que lui, dans toute la Polynésie, pour fabriquer des va'a (pirogues)
selon la méthode traditionnelle: en partant du tronc d'un mara choisi sur pied.
La
pirogue à balancier, ou va’a, est incontestablement l’objet le plus
emblématique du peuple polynésien et de sa culture. Depuis de nombreuses
années, la pratique de ce sport ne cesse de se répandre. Dans tout le triangle
polynésien bien sûr, mais un peu partout dans le monde aussi. Ainsi, on
voit naître des clubs en France métropolitaine, en Allemagne, aux
Etats-Unis…
Maau Romeo Patoia, maître piroguier |
Aujourd’hui,
presque toutes ces pirogues de compétition sont en fibre de verre, voire en
carbone. Mais jusqu’en 2008, les va’a en bois de Maau Roméo Patoia,
entre les mains des rameurs de Shell Va’a, le club le plus titré de
Polynésie, remportaient tous les trophées. Dont le plus convoité d’entre eux:
la Hawaiki Nui Va'a.
Le
dernier des piroguiers
Initialement
employé d’une banque locale, le Tahitien Maau Roméo Patoia a quitté son emploi
pour se consacrer exclusivement à sa passion il y a quinze ans: fabriquer des
pirogues. Ce qu’il fit avec un énorme succès puisque ses va’a furent
longtemps considérés comme les meilleurs que l’on puisse trouver.
En
2006, il décida de se consacrer exclusivement à la réalisation de pirogues hors
normes, et tout particulièrement aux pirogues traditionnelles creusées dans un
tronc d’arbre. Il est aujourd’hui demandé d’une rive à l’autre du Pacifique: des
U.S.A à Hawaï, du Chili à l’Australie, et dans tous les états insulaires du
Pacifique Sud.
L'atelier du maître piroguier |
Le
va’a dont je vais vous conter l’histoire est destiné à un club de
jeunes rameurs désargentés. Cette pirogue exceptionnelle est donc un cadeau de
Roméo à la jeunesse polynésienne.
Naissance
d’un va’a
Tout
commence par une longue ballade en montagne, sur les flancs du mont Marau à
Tahiti, à la recherche de l’arbre idéal. En réalité, Roméo Patoia en a déjà
repéré deux ou trois qui devraient faire l’affaire. Il va s’agir de choisir le
bon.
C'est là, sur les flancs du Mont Marau, que va naître le va'a |
Après
avoir ausculté les trois mara* candidats et longuement hésité, le choix
est fait.
On
reviendra très vite avec l’outillage nécessaire pour l’abattage et commencer le
travail. Ce qui sera fait dès le lendemain.
Naissance d’un va’a à flanc de montagne…
L’outillage,
ce sera la seule véritable entorse à la tradition: les haches et coupe-coupe
des ancêtres ont laissé la place à de tonitruantes tronçonneuses, disqueuses et
raboteuses!
Roméo
travaille sans plan, et sans aucun outil de mesure ou de traçage. La pirogue,
elle est là, dans son esprit, depuis l’instant où il a jeté son dévolu sur cet
arbre précis. Et c’est en se fiant à son œil et à cette image en lui qu’il
guide sa machine, donnant forme à l’énorme tronc.
La future pirogue retournée, il faut maintenant la creuser… |
Lorsque
la carène est formée il faut la retourner, ce qui n’est pas une mince affaire,
afin de pouvoir l’évider. Ce n’est qu’une fois ce travail terminé que l’on
pourra envisager de transporter (à dos d'hommes !) cette ébauche de
pirogue jusqu’à l’atelier.
Quand
l’arbre devient nef
Dans
l’atelier de Romeo à Faa'a (Tahiti), l’esquisse de coque est posée sur des tréteaux.
Là commence un long et minutieux travail de mise en ligne de la coque,
d’effilage de l’étrave, d’équilibrage des lignes d’eau… Tout ce travail se
faisant, là encore, avec comme unique instrument de mesure l’œil de l’artisan.
La tronçonneuse n'est plus utilisée à ce stade, le rabot électrique a pris sa
place sur l’établi.
Roméo dans ses œuvres au rabot électrique |
Le
bois se lisse, les rondeurs effilées du va’a apparaissent lentement et
la beauté toute de finesse et de puissance de la coque s’impose lentement.
Maintenant,
il reste à peaufiner l’intérieur de la coque, fabriquer et installer les bancs
des rameurs et, élément fondamental du va’a, fabriquer et installer le
balancier.
En
attendant la mise à l’eau
Tout
ce travail s’effectue avec le concours permanent des jeunes du club des Tamarii
Aaro de Arue, destinataires finaux de la pirogue. Sans ce cadeau de Roméo,
jamais ces jeunes n’auraient pu s’offrir une telle embarcation, et donc
participer aux différentes épreuves du championnat polynésien. L’objectif
ultime étant, bien évidemment, la Hawaiki Nui Va'a…
Des flancs du Mont Marau à l’atelier du piroguier…
Dès
la fin de ce mois de février 2010, la pirogue sera mise à l’eau et ces jeunes
gens pourront commencer l’entraînement afin d’être prêts pour le début de la
saison…
Bien
évidemment, ces dernières touches de finition et ces premiers coups de rames
feront l’objet d’un très prochain article. Pour rien au monde je ne voudrais
rater l’instant magique où ce va’a exceptionnel prendra vie et
s’élancera sur son élément, les eaux du Pacifique Sud…
Remerciements
à Gilles Bordes (photos) et à Maau Roméo Patoia pour la chaleur de son
accueil.
Lexique :
*Mara : Neonauclea forsteri, arbre de haute futaie
au tronc très droit et au bois imputrescible.
Un article de Julien Gué
Pour les pirogues de course certainement. Mais il reste encore des bons tailleurs de pirogues traditionnelles liées au nape à Raivavae, celle que j'avais vu en construction mesurait 12 mètres. Brindilles feuilles de mangues comme règle... chapeau bas les mecs.
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