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mardi 13 novembre 2012

Le dernier des piroguiers polynésiens


Maau Romeo Patoia

Il n'y a plus que lui, dans toute la Polynésie, pour fabriquer des va'a (pirogues) selon la méthode traditionnelle: en partant du tronc d'un mara choisi sur pied.

La pirogue à balancier, ou va’a, est incontestablement l’objet le plus emblématique du peuple polynésien et de sa culture. Depuis de nombreuses années, la pratique de ce sport ne cesse de se répandre. Dans tout le triangle polynésien bien sûr, mais un peu partout dans le monde aussi. Ainsi, on voit naître des clubs en France métropolitaine, en Allemagne, aux Etats-Unis…

Maau Romeo Patoia, maître piroguier

Aujourd’hui, presque toutes ces pirogues de compétition sont en fibre de verre, voire en carbone. Mais jusqu’en 2008, les va’a en bois de Maau Roméo Patoia, entre les mains des rameurs de Shell Va’a, le club le plus titré de Polynésie, remportaient tous les trophées. Dont le plus convoité d’entre eux: la Hawaiki Nui Va'a.

 

Le dernier des piroguiers

Initialement employé d’une banque locale, le Tahitien Maau Roméo Patoia a quitté son emploi pour se consacrer exclusivement à sa passion il y a quinze ans: fabriquer des pirogues. Ce qu’il fit avec un énorme succès puisque ses va’a furent longtemps considérés comme les meilleurs que l’on puisse trouver.

En 2006, il décida de se consacrer exclusivement à la réalisation de pirogues hors normes, et tout particulièrement aux pirogues traditionnelles creusées dans un tronc d’arbre. Il est aujourd’hui demandé d’une rive à l’autre du Pacifique: des U.S.A à Hawaï, du Chili à l’Australie, et dans tous les états insulaires du Pacifique Sud.

L'atelier du maître piroguier

Le va’a dont je vais vous conter l’histoire est destiné à un club de jeunes rameurs désargentés. Cette pirogue exceptionnelle est donc un cadeau de Roméo à la jeunesse polynésienne.

 

Naissance d’un va’a

Tout commence par une longue ballade en montagne, sur les flancs du mont Marau à Tahiti, à la recherche de l’arbre idéal. En réalité, Roméo Patoia en a déjà repéré deux ou trois qui devraient faire l’affaire. Il va s’agir de choisir le bon.

C'est là, sur les flancs du Mont Marau, que va naître le va'a

Après avoir ausculté les trois mara* candidats et longuement hésité, le choix est fait.

On reviendra très vite avec l’outillage nécessaire pour l’abattage et commencer le travail. Ce qui sera fait dès le lendemain.


Naissance d’un va’a à flanc de montagne…
L’outillage, ce sera la seule véritable entorse à la tradition: les haches et coupe-coupe des ancêtres ont laissé la place à de tonitruantes tronçonneuses, disqueuses et raboteuses!

Roméo travaille sans plan, et sans aucun outil de mesure ou de traçage. La pirogue, elle est là, dans son esprit, depuis l’instant où il a jeté son dévolu sur cet arbre précis. Et c’est en se fiant à son œil et à cette image en lui qu’il guide sa machine, donnant forme à l’énorme tronc.

La future pirogue retournée, il faut maintenant la creuser…
Lorsque la carène est formée il faut la retourner, ce qui n’est pas une mince affaire, afin de pouvoir l’évider. Ce n’est qu’une fois ce travail terminé que l’on pourra envisager de transporter (à dos d'hommes !) cette ébauche de pirogue jusqu’à l’atelier.

 

Quand l’arbre devient nef

Dans l’atelier de Romeo à Faa'a (Tahiti), l’esquisse de coque est posée sur des tréteaux. Là commence un long et minutieux travail de mise en ligne de la coque, d’effilage de l’étrave, d’équilibrage des lignes d’eau… Tout ce travail se faisant, là encore, avec comme unique instrument de mesure l’œil de l’artisan. La tronçonneuse n'est plus utilisée à ce stade, le rabot électrique a pris sa place sur l’établi.

Roméo dans ses œuvres au rabot électrique
Le bois se lisse, les rondeurs effilées du va’a apparaissent lentement et la beauté toute de finesse et de puissance de la coque s’impose lentement.

Maintenant, il reste à peaufiner l’intérieur de la coque, fabriquer et installer les bancs des rameurs et, élément fondamental du va’a, fabriquer et installer le balancier.

 

En attendant la mise à l’eau

Tout ce travail s’effectue avec le concours permanent des jeunes du club des Tamarii Aaro de Arue, destinataires finaux de la pirogue. Sans ce cadeau de Roméo, jamais ces jeunes n’auraient pu s’offrir une telle embarcation, et donc participer aux différentes épreuves du championnat polynésien. L’objectif ultime étant, bien évidemment, la Hawaiki Nui Va'a…


Des flancs du Mont Marau à l’atelier du piroguier…
Dès la fin de ce mois de février 2010, la pirogue sera mise à l’eau et ces jeunes gens pourront commencer l’entraînement afin d’être prêts pour le début de la saison…

Bien évidemment, ces dernières touches de finition et ces premiers coups de rames feront l’objet d’un très prochain article. Pour rien au monde je ne voudrais rater l’instant magique où ce va’a exceptionnel prendra vie et s’élancera sur son élément, les eaux du Pacifique Sud…

Remerciements à Gilles Bordes (photos) et à Maau Roméo Patoia pour la chaleur de son accueil.

Lexique :
*Mara : Neonauclea forsteri, arbre de haute futaie au tronc très droit et au bois imputrescible.

 

Un article de Julien Gué


1 commentaire :

  1. Pour les pirogues de course certainement. Mais il reste encore des bons tailleurs de pirogues traditionnelles liées au nape à Raivavae, celle que j'avais vu en construction mesurait 12 mètres. Brindilles feuilles de mangues comme règle... chapeau bas les mecs.

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