Le féminin nomade
Anthologie* sonnait tel un
inventaire ! Odeur de camphre, elle m’épinglait comme un papillon (papillon,
tout de même !) dans la catégorie bien cadenassée en trois termes :
poète/femme/francophone. L’épisode s’arrêterait-il
là ? Enserrée dans les pages d’un volume comme fleur** séchée, parmi 155
de mes semblables ?
PAS d’ICI, PAS d’AILLEURS reste une
aventure ! Il faudra bien que je m’y fasse, car déjà je suis ailleurs. Hormis
le poids du «pavé» (près d’1kg !) les pages du recueil fonctionnent comme
des incertitudes, questions sans réponses, échappées. Je n’y suis pas
emprisonnée. Je fais partie de ces êtres inclassables, ces routardes du « nomadisme identitaire », à la
lettre, comme à la ville.
De l’aréopage : Aurélie T, Sabine H, Angèle P… |
L’aréopage
des collectrices s’est échafaudé un travail de Titan. Parmi les « voyageuses »
de cette « libre sphère de l’écriture » (Sabine H), celle de la
« quête du sens de soi» « qui déplace les évidences et les
frontières » (Aurélie T), face à « l’obsédante et paralysante
identité nationale » (Angèle P). Têtes de chapitres entre ondes et
éphémère, balisant les échos de nos errances.
Rien
n’y semble figé ! Nous sommes mouvantes et différentes ! Pour cette raison que nous
avons été choisies. Le pavé poursuit son rôle révolutionnaire. Une anthologie
en marche.
L’ici et l’autrement
Se
déploie, à La
Lucarne des Ecrivains, la toile d’araignée filée sur le net en milliers de
points par les initiatrices de ce volume. Des quatre coins de la planète
prennent réalité auteures et conceptrices restées longtemps virtuelles.
Coquetterie d’anthologie, toute dédicacée
C’est
Halloween… Dans la librairie où le libraire et homme ajuste son déguisement
d’homme pour nous recevoir, les pendules sont remises à l’heure : il ne
s’agit pas de colorer l’anthologie de féminitude. Pas d’Ici, Pas d’Ailleurs ne se targue pas de faire émerger une
écriture formaliste féminine.
Pas
de sectarisme, Armel Louis, le souligne dans les présentations. Pas de sexisme
masculin/féminin. La seule spécificité de cette anthologie, c’est cette
incompressible nécessité de partance chez les poètes. Partir de soi et faire
l’expérience de l’autre et de l’autrement.
Armel Louis, virtuel hôte de La Lucarne ? |
Juste
en passant : en matière d’anthologie poétique ordinaire (collectant les
deux sexes), le constat est amer… Les femmes y figurent en très mauvaise place
! Souvent escamotées comme quantités négligeables. Vieux relents d’un machisme
survivant. L’anthologie y pourvoie.
Déraciné : un parcours
Pas
d’identité culturelle dans cette anthologie bien que les auteures représentent
plus du dixième des pays du monde (28 sur 231). Peu importent les pays
d’origine et de destination. Pas de cocoricos ni autres ramages patriotiques
dont on voulait nous engrosser.
Dans
la série migrations du 21ème siècle qui agite ses vieux démons autarciques,
les poètes nomadisent, par choix, en tout exercice de cause, et au contact
environnemental enrichissent leur
paysage littéraire. Nous sommes apatrides de tête, de cœur, d’écriture.
Pour Maryse Hache, Anne Savelli …
Et
notre liberté inclut absentes ou disparues… qu’elles participent de
l’anthologie ou non. Pas de frontière, pas de limite. Moment désarticulé que ce
dialogue entre le mutisme de Maryse
H, ses cartes postales et Anne Savelli… en un adieu de pétales.
Le concert déconcertant
L’anthologie
joue à fond sa particularité d’avoir été initialisée sur le thème de la
libre disposition de soi. Pas de tradition à exhumer mais le sens de sa propre création
à trouver. Etrangère à soi-même, tout est à reconstruire comme une quête sans
limites.
Pas
d’autre attache que d’explorer et de se créer d’autres ouvertures formelles. La
langue joue à cache-sens, la ligne les petits cailloux du sentier, la forme à se
remodeler.
Jamila Abitar, son papier, le poteau…
Anthologie des créatrices : on l’aurait
compris, en ce siècle de toutes les déconstructions. Des exploratrices d’images
aux sarcleuses de mots, le contemporain est prise de risque.
Nomadisme identitaire ?
Des
femmes sans piédestal, qui ne s’empierrent pas, ne briguent ni les rayons, ni
surtout les étiquettes. Toujours en mouvance, en remise en question.
En
cette soirée de signature parisienne où l’encre devient voix, pas de protocole.
Elles se revêtent de l’autre, de son espace, du lointain qui s’effrite, du
proche qui se répand.
Identité, MoniQ Akkari poème
Pas
à pas sur le territoire de l’autre et au détour de soi. Pas à pas elles
parcourent l’exil dont on les affuble mais qu’elles revendiquent, car il est
au-delà du temps, par-delà la mort. A contre-courant.
Une
anthologie thématique, sans contrainte de genre, avec exclusivement des
inédits, ce n’est pas seulement « tremper sa plume » au même creuset…
c’est la frotter à l’épreuve du quotidien et de l’adversité, la mesurer à
l’immédiat. Anodin de vouloir tricher avec le temps. Il est multiple, ils se
mélangent.
Portrait entre deux eaux…
Ce
qui pourrait caractériser indéniablement les femmes c’est leur capacité à
pouvoir s’investir sur plusieurs fronts, s’abandonner. Mais ce n’est pas sans
altération, sans épuisement, sans perte.
Une
anthologie qui solde son succès par un effet boomerang. On ne se livre pas sans
y laisser des plumes, sa plume ?
Alors,
qui suis-je ?
Un article de Monak
* anthologie :
nom féminin (grec anthos, fleur, et legein, cueillir, choisir)
** Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli, Aurélie
Tourniaire : Pas
d’ici, pas d’ailleurs, Anthologie poétique francophone de voix féminines
contemporaines, préface de Déborah Heissler, Voix d’encre, 2012, 300 pages,
30 €.
Tous ces liens parlent de l'anthologie "Pas d'ici, pas d'ailleurs":
- par Estelle Cambe, parue
nov.2012 dans la revue de littératures du Sud Cultures Sud http://www.culturessud.com/contenu.php?id=745#.UJlW1sCLzMU.facebook
- par
Julie Proust Tanguy, parue sur le site de critique littéraire “De Litteris” (26/10/2012) http://www.delitteris.com/au-fil-des-pages/pas-dici-pas-dailleurs/
- par Matthieu
Baumier, parue dans la revue Recours au poème
(25/10/2012) http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/anthologie-pas-d%E2%80%99ici-pas-d%E2%80%99ailleurs/matthieu-baumier
- par Aline Louis, parue dans la revue de Maison de la poésie et de la
langue française (Namur, Wallonie-Bruxelles) (21/09/2012) http://www.maisondelapoesie.be/chronique/chronique.php?id=376
- par Gilbert Desmée écrivain (poète, essayiste) sur son site
“Encres vagabondes” (15/09/2012) http://www.encres-vagabondes.com/magazine/voix_feminines.htm
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