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lundi 23 janvier 2012

Tunis des collines à la mer

La médina musarde

  Pour s’immerger en médina, se laisser vagabonder nonchalamment au gré des ruelles et venelles… Si vous perdez votre chemin, adressez-vous aux passants, aux boutiquiers : ils se mettront en quatre pour satisfaire votre quête.

Même si vous recevez différentes versions, parfois contradictoires, ne vous alarmez pas ! L’amabilité du Tunisois est légendaire : vous aurez gagné un petit moment couleur bleue à l’image du ciel méditerranéen. La Medina n’a rien d’un traquenard. Vous êtes hors temps ! L’heure tunisienne s’étire et prend ses aises.

 Le film de Moncef Dhouib, Ya Soltane El Medina, vous plonge directement dans cette vie à portes ouvertes des oukalas et l’atmosphère mystérieuse et feutrée qu’on voue aux médinas. Pour l’avoir parcourue en tous sens,  sa dangerosité n’est qu’un mythe qui perdure  depuis les années du protectorat français, associé aux foyers de résistance et à son apparence labyrinthique. Mais elle reste surtout foyer de culture depuis le moyen-Âge et les anciens palais et fondouks (entrepôts médiévaux) ont été réaménagés en lieux artistiques.

Médina des terrasses
Sur une population d’1,8 million habitants que comporte la capitale, la médina en dénombre environ le 1/10ème ; c’est sans compter sur les effets de l’exode rural et des marchands de sommeil illicites qui entassent les nouveaux venus dans les oukalas (groupe de chambres réparties sur un ou deux étages autour d'une cour centrale et où les locataires se partagent la cuisine et les toilettes).   

La cité originelle
  Occupant le sixième de la superficie urbanisée de Tunis, la Medina s’adosse aux collines en pente douce qui entourent la capitale. Resserrée autour de la grande mosquée Ezzitouna, elle fut édifiée vers 698, bien au fond du Golfe de Tunis. Alentour des hauteurs de la ville, la Sebkha Sejoumi et celle de l’Ariana -cuvettes salines localisées de part et d’autre- s’y enfoncent plus abruptement.

  La ville moderne par contre s’est répandue sur l’espace qui la séparait de la lagune et s’arrête au lac de Tunis, ouvert en goulot sur la mer. Le port a pris le nom de La Goulette, et appartient déjà à la banlieue nord. «La Goulette, transcription française de l’italien Goletta, venu lui même de l’arabe halq al-wadi (goulet) » a remplacé Carthage, détruite au début de la conquête arabe.

  La population goulettoise, initialement turque, juive et arabo-berbère, s’accroît vers 1830, d’Italiens, de Maltais et du quartier de la Petite Sicile. Métissage désopilant, il entretient l’atmosphère bon enfant du film de Férid Boughedir : Un été à la Goulette.

Tunis : entre sebkha et lac
              Son aspect contemporain, la capitale le doit à la destruction des remparts, à l’ouverture des portes de la médina au XIXème siècle et au style colonial des bâtisses. La mutation s’est opérée avec le quadrillage rectiligne de percées dont l’avenue principale : boisée, frétillante d’étourneaux, elle y puise sa particularité de promenade au crépuscule. Cependant, le revers de cette urbanisation prolifique a généré en périphérie l’apparition des «gourbivilles».

              Et la métropole ne cesse de jeter ses tentacules et de gagner du terrain sur le lac qu’on assèche : après l’aéroport, le quartier des berges du Lac à l’est ; au nord à l’assaut des collines les quartiers huppés autour du parc du Belvédère ; et au sud-ouest Mellassine (mellah, le sel) la mal famée, aussi salée que sa sebkha mais qui tient aussi sa réputation de ces petits métiers issus de la misère : ses kanoun (braseros) d’argile ou de métal de récupération.

Medina du patrimoine
La Medina ronronne avec son moutonnement de coupoles et de ruelles couvertes, le tintement de ses artisanats, ses esclaffements et son bagout méditerranéens, ses raclements de schlakas (sandales sans attaches), le martèlement des sabots des ânes et des roues de charrettes tirées à épaule d’homme. A peine y pénétrez-vous que le bourdonnement des moteurs s’éclipse. Pas de place pour les véhicules, peu de ruelles en quinconce qui s’y prêtent. Les murailles gardent encore les éraflures de qui s’y est aventuré imprudemment.

Asfour Stah, l’enfant des terrasses
               Qui ignore encore que la médina se peut  traverser d’une terrasse à l’autre, depuis le film de Boughedir : Halfaouine, l’Enfant des Terrasses (en tunisien Asfour Stah : L’oiseau des Terrasses) ? L’horizon débouche sur le miroir et les effluves marines.

               La contiguïté d’un habitat construit de tourbe et de chaux lui confère cette allure ventrue. La pierre se réserve aux monuments, mosquées, mausolées, palais et administrations, maisons cossues. La fragilisation de l’habitat par capillarité a incité l’Unesco à  inscrire la médina au patrimoine mondial en 1979.

                Le petit peuple se contente de demeures étranglées aux embrasures, aux pièces et aux échoppes étroites (3m2). Le dar arbi, la maison arabe, se restreint souvent à une pièce principale en longueur, coiffée d’une voûte en arc et bardée d’alcôves. Le carrelage et la faïence des murs y perdurent depuis plus de treize siècles.

Bir Lahjar, la reconversion d’une medersa
                Par chance, certaines maisons retrouvent leur configuration de dar et distribuent les pièces autour d’un patio ombragé d’arbres fruitiers : figuiers, orangers. L’arbrisseau de jasmin y trouve une place de choix. Et si la porte reste souvent  béante, l’intimité toute relative est protégée du regard de la rue par un voile coloré à rayures. Car la dépendance principale est celle de la rue : domaine des marchands ambulants, des eaux déversées à flot, des déjections jetées par les fenêtres, du linge pendouillant, des papotages et des chats faméliques.

Un foyer de culture
               Foyer de culture islamique et profane intense depuis sa fondation, la Médina rénove et diversifie son héritage. Sise dans l’ancien palais Dar Lasram, l’Association de Sauvegarde de la médina fête en 2012, le 25ème anniversaire de sa fondation. Ses écuries, restaurées ont vu naître le premier Centre culturel de l’Indépendance : Le Club Tahar Haddad. Âtre du féminisme, il le doit à son instigatrice Jalila Hafsia.

               Les medersas (école de sciences islamiques) ont changé de destination pour devenir centres artistiques, poétiques ou petits théâtres. Les zaouya (petites mosquées)  poursuivent leur rôle d’enseignement à côté des grands monuments cultuels fort nombreux. Bir Lahjar (Puits en pierre) est devenu un centre de concerts, d’expositions et de manifestations scéniques.

               La mieux préservée du monde arabe, la médina allie bâtisses domestiques de toutes conditions à  édifices publics. Associations, musées et ministères y trouvent gîte. Le palais Dar Ben Abdallah abrite le musée des arts et traditions populaires ainsi que celui de la céramique et le récent Théâtre d’Arts. Dar El Jaziri, renommé Dar Chaar (Poésie) se consacre à la Poésie, véritable tradition orale qui alimente nombre de rencontres publiques ou familiales. Dans une échoppe du Souk des Chéchias, le Club Fouq Essour (au-dessus des remparts) commente et crée des publications littéraires.

Café, souk El Blat
               Les petits cafés, aux tables installées en pleine ruelle témoignent de cette fièvre créatrice : les poètes déclament et les musiciens grattent leur oud (luth). Le Festival Dream City d’octobre y serpente entre placettes, arcades, porches, courettes et Dars.

               L’ambiance est à l’art architectural même dans les plus modestes logements. La moindre porte, la moindre grille, la plus infime des colonnes ou des parois de céramique sont de véritables petits chefs-d’œuvre que la plupart des habitants semblent ignorer mais qui interpellent l’amateur d’Art.

               La médina s’entoure de faubourgs populaires près des portes (bab) : Bab Souika, Bab El Jazira, Bab Souika et Halfaouine, en continuité avec les quartiers aristocratiques du Tourbet El Bey et de la kasbah (centre administratif) datés du XVIIème au XIXème.            

Une enfilade de souks
             Ateliers minuscules, rabattant leur volet pour l’étal, ils s’accolent suivant leur spécialité. Les artisans sont aussi vendeurs. Et leur activité s’effectue sous le regard des passants.

Dans les ruelles aveugles
             Le Souk El Attarine (des parfums) exhale l’incontournable jasmin, la rose, l’hibiscus, le henné mais aussi d’innombrables essences venues d’ailleurs comme l’ambre. Lui succèdent le souk des étoffes (El Kmach), El Birka (bijoutiers et brodeurs), de la soie, des fruits secs, des libraires et de la laine (El Leffa : tapis et couvertures) et le souk El Grana (pour les vêtements).

             Les souks des chéchias (Ech-Chaouachya), des tailleurs (souk Et Trouk), des tanneurs, des selliers (Es Sarragine), des poissonniers, des potiers, des  teinturiers (Es Sabbakhine) et des forgerons, souk En Nhas (du cuivre) leur succèdent.

Le souk de la médina de Tunis
            Seul, le souk des esclaves a disparu au XIXème siècle.

Un article de MonaK

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