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jeudi 7 février 2019

16ème FIFO, visiteurs attendus


Des lycéens,des réalisateurs,des médias
   
     Le 16ème FIFO continue d'agrandir sa famille, de part et d'autre de l'écran. Tandis que les bus scolaires déchargent leur contingent, le paepae Henri A Hiro, digne symbole de la culture mā'ohi, joue l'hôte, conjointement avec les équipes du Festival et de Te Fare Tauhiti Nui. Accueil du jury au grand complet, discours de bienvenue et présentation officielle devant la presse écrite et audiovisuelle.



Les dés sont jetés. Walès Kotra (Nouvelle-Calédonie), grand-père fondateur nous glisse une jolie formule dont il a le secret :  « …des mots et des images pour dire qui nous sommes ». Il citera, dans une autre intervention « le continent invisible » de J.M.G. Le Clézio*. Et nous espérons que ce Nobel de Littérature viendra un jour prochain traîner ses bottes au FIFO. 

La pause lycéenne
          En cette matinée du 1er jour officiel, les présentations tous continents alternent…  Quelques chiffres aussi : avec le score l’an dernier de 19 000 spectateurs abordés dans les îles polynésiennes, sans compter le Hors-les-Murs Curieuse impression, la presse locale se garde d’intervenir.

Les séances exclusivement scolaires sont lancées : 7500 jeunes spectateurs attendus. Déjà, pour certains, « les glaciaires défilent », la journée s’annonce "chaude", dans tous les sens du terme…

Des lycéens, pourquoi ?
Une bonne partie des lycées squatte les salles obscures du premier visionnage au dernier. L’atmosphère s’inscrit sous le signe de l’humour avec la petite phrase du présentateur FIFO : « Je vous remercie de ne pas m’avoir écouté ! » Parmi eux, 80 élèves du Lycée agricole d’Opunohu (Moorea) : « Les 1ères horticulture, 1ères vente, 1ère aménagement, 1ère STAV (bac technologique) ainsi que les élèves de 1ère année de BTS DARC (développement de l'agriculture des régions chaudes) », me confie l’une de leurs enseignantes, Christelle Desmet.

Un certain animateur, cool...
 
Spécialiste en éducation socioculturelle, ce n’est pas une journée de repos, jusqu’au bateau de retour où elle « distribue le questionnaire » du ressenti qui prépare la suite de la sortie. Elle sera exploitée dans le cadre de « l’éducation aux médias », sera analysée « en tant qu’expérience concrète pour comprendre les étapes de la réalisation d’un projet ». Le Projet d’Animation et de Développement Culturel implique les acteurs culturels locaux  et privilégie l’éducation à la communication, « interpersonnelle et médiatisée ».

Cristelle Desmet au cœur d’Opunohu
Au programme « également, le FIFO, les enjeux économiques, culturels et sociaux d’un tel festival en Polynésie ». Du pain sur la planche ! Mission éducative initiale accomplie, au Grand Théâtre où ils étaient répartis, avec leurs accompagnateurs (Cf. Marie Le Lausque), les élèves ont montré leurs capacités d’intervention vis-à-vis des réalisateurs présents : questions fines sur le contenu des films,  remarques perspicaces, problèmes de société, esprit d’à-propos… A noter la conscience des impératifs de l’organisation jusqu’aux détails techniques, relevant : « Trop de basses dans la sono de la salle ».

Des lycéens, comment ?
Un public de scolaires au top de la bienséance et du savoir-vivre. Réactif, prêt à la détente et au cocasse des situations. Il est vrai que Papouasie, expédition au cœur d’un monde perdu, n’en manque pas et alterne sérieux et gags ordinaires. Un public curieux, attentif à la moindre virgule, qui ne s’en laisse pas compter, exprime son ressenti et expose ses attentes.

Marie Le Lausque... un certain FIFO

Avec le réalisateur d’Opanipani, prisonnier à Tahiti, Jacques Navarro-Rovira (JNR), le dialogue a été constructif et instructif. On se serait cru à une véritable conférence de presse, avec questions qui dérangent et opinion inclue. D’abord le bien-fondé du sujet : auquel JNR répond par « un sentiment d’utilité… l’enjeu d’une réhabilitation humaine des exclus… un autre regard sur la condition de détenu… » ; ensuite, sur les conditions du tournage, et les questions indiscrètes : « condamnés pour quelle faute ? », « secret professionnel » ! la peur vis-à vis des "peines lourdes" ? « l’objectif protège ! »

Le réalisateur aux prises avec l’inconnu
Là, les questions venaient d’autres lycées, m’a-t-on dit : « Pourquoi n’avoir pas filmé les femmes ?» - «Elles ne le voulaient pas.» Et surtout, la question-piège du lycée Gauguin, à propos du commentaire-off final : «Pourquoi  sortie "fatidique", dans le sens étymologique de fatale, irrémissible ? », « dans le sens d’important, de déterminant », conclut JNR.

Parlons détention...

Le documentaire de Jacques Navarro-Rovira s’appuie sur la mission du service pénitentiaire dont les prises de parole en soulignent bien l’objectif, la réinsertion. L’accent est mis sur le caractère traumatisant de la privation de liberté et l’abus de pouvoir des fortes têtes… vu la promiscuité du centre de Nuutania (la pire des prisons de la République). Mais aussi, avec le transfert vers le nouveau pénitencier de Taputu, la politique de réhabilitation et de dignité.

Des conditions maintenant caduques des captifs pour longue peine au présent de la plus moderne des centrales, la page est tournée sur la "cage pour animaux", même si la réclusion s’avère être un passage redoutable et éprouvant.

Marine, du Lycée Rapooto (Tahiti)
           Même si Jacques Navarro-Rovira affirme « garantir la neutralité par le filtre de l’objectif », ce qu’il fait très bien, le spectateur, lui, ne peut réprimer ses émotions. Cadres étroits, gros plans et plans extrêmes, plongées et contre-plongées nous immergent dans la personnalité du détenu, son vécu, sa souffrance. Marine, du Lycée Raapoto en est encore toute retournée. Merci JNR de nous apporter un autre regard. Merci, j’ai bien pleuré.


Un article de  Monak
 
 
*« Le Prix Nobel de littérature 2008 a été attribué à l'écrivain français Jean-Marie Gustave Le Clézio pour son œuvre, inspirée par les thèmes du voyage, de l'exil et de la nostalgie des mondes premiers… L’Académie a expliqué avoir voulu récompenser un « écrivain de la rupture, de l’aventure poétique et de l’extase sensuelle, l’explorateur d’une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante » 


*Une partie de l’œuvre de Le Clézio, étant le sujet de ma thèse. "Raga, approche du continent invisible" (2006), témoignant de l’engagement de l’écrivain avec ce genre de phrase lapidaire : car les îles du sud «furent le rendez-vous des prédateurs et le fourre-tout du rêve»...  je ne saurais que rêver sa présence au FIFO.



         Tous droits réservés à Monak & Julien Gué. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.




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