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Le nouveau roman de de Monak à lire absolument

dimanche 10 février 2019

16ème FIFO, aux antipodes

Prisons, tabous, encore


Ainsi que le pressentait Carl Aderhold, président du jury 2019, à la séance inaugurale du FIFO, le rendu des documentaires, sur des thèmes similaires est vraiment diversifié. Le chapitre des réfugiés clandestins qui embrase à flots l’Occident, ne présente pas plus d’apaisement en Australie.


 La courte fiction Run Rabbit signée Robyn Paterson (Nouvelle-Zélande), montre le décalage entre la norme communément admise et les failles insoupçonnées, les séquelles inévitables affectant tout réfugié de guerre : analyse psychologique de l’exil par le biais d’une parabole. Rien à voir avec Island of the Hungry Ghosts où la facture du documentaire de Gabrielle Brady pointe le spectre du silence qui entoure le camp de rétention de l’Île Christmas à environ 1 500 kms des côtes de l’État d’Australie-occidentale. Horreur assurée ! Les rescapés de la mer y sont incarcérés sans aucun ménagement et sans issue de secours. Troubles mentaux, hébétude, automutilations, suicides succèdent aux émeutes.

Carl Aderhold, au Petit Théâtre
           Sur 136 km2 de superficie, dont environ les deux-tiers, occupés par un parc national, le site est protégé pour les millions de crabes rouges en transhumance, les accès balisés par les gardes-forestiers. Le camp est cadenassé. Le cadre est posé pour Island of the Hungry Ghosts.

          Alors, que les ONG en dénonçaient les conditions inhumaines (précarité, insalubrité, séparation des familles, mauvais traitements, et gel des démarches administratives), le Centre  transfert les migrants sur le sol australien, en octobre 2018, après 17 ans d’une politique drastique en matière d’immigration. « L’enfer » murmure-t-on… 

Entre réel et au-delà

            La réalisatrice australienne Gabrielle Brady joue sur les contradictions et les similitudes entre nature/culture, extérieur vaste/intérieur clos, mouvement/prostration pour donner un sens métaphorique à une réalité sordide, la baigner d’atmosphère phobique et morbide… Qui sont ces fantômes affamés (Hungry Ghosts) : les crabes essaimant mécaniquement comme des robots, les gardiens implacables, les demandeurs d’asile égarés avant de disparaître ? La première clé est livrée avec le rituel asiatique du même nom, pratiqué par les locaux pour se concilier les esprits errants de leurs ancêtres privés de sépulture.

         La lourdeur des silences intervient alors pour matérialiser le système aveugle auquel sont soumis indéfiniment les immigrés illicites. La détérioration mentale, cette lourde transformation des détenus trouve son parallèle avec la mutation saisonnière des crustacés. Chacune des étapes conduisant vers l’irrémédiable disparition. Un univers pris dans une sorte de huis clos dont personne ne réchappe.

Protéger les crabes ou les réfugiés ?
            Les séances de thérapie, pratiquées par Poh Lin, n’entament en rien la régression des patients qu’elle tente de suivre, quand ils ne s’évaporent pas inexplicablement. Le Centre n’étant accessible à aucun visiteur, seule subsiste la logique inavouée d’un système pervers de lente élimination. Le personnel est tenu au secret sous peine de représailles. Haute sécurité ? Sujet tabou ?

Entre mythe et pouvoir

 Marks of Mana, un film à l’esthétique très poétique : pour l’image, le rythme, les voix. Que vous aimiez ou non le tatouage, la réalisatrice samoane Lisa Taouma procède par magie pour vous faire décoller dans la beauté. Un petit coup de baguette et la surface de l’eau se pare de signes, de pictogrammes : fins, purs, simples traits d’encre que vous retrouverez incrustés sur la peau.

 Tatouages de femmes, par des femmes, pour elles seules. Ce n’est pas seulement la légende racontée, puis chantée par les femmes qui vous charme… Si le texte est incantatoire, les images ont cette même délicatesse du conte : un malentendu entre deux déesses ou comment expliquer l’hégémonie du masculin en matière de tatouage, un peu partout dans le Pacifique ? Tabou ? Comment admettre qu’aux Fidji, à Samoa, en Papouasie, la tradition du tatouage féminin, le rituel des tatoueuses perdure ? …Avait-il vraiment disparu ?

Desseins de Femmes
 Rite de passage, marque identitaire lié au cycle du sang... symbolisme et mana, de quoi  supporter la douleur d’une certaine écorce de citronnier, paraît-il. En tout cas, un documentaire où le temps est suspendu…

Un public averti

           Il est certaines matinées hard au FIFO où l’exil devient un casse-tête douloureux, nommé disparition de l’espèce. Il en est d’autres plus soft… De quoi se ressourcer dans le bonheur de vivre, si caractéristique à l’Océanie… quand les problèmes de territoire, d’égalité, de droits humains, d’exclusion et de menaces environnementales ne viennent pas troubler sa quiétude.

En cette matinée où les thèmes portaient sur l’identité, la liberté du genre, la réhabilitation du tatouage marquisien, Patutiki, après son interdiction au début du 19ème siècle, l’heure est à la survie culturelle. Les spectateurs étaient venus en nombre pour voter : aficionados, spécialistes et tatoués…

Quand le tatouage n’est plus tabou
Et le prix du public échut à Patutiki, l’art du tatouage marquisien, de Heretu Tetahiotupa et Christophe Cordier.


Un article de  Monak

Tous droits réservés à Monak & Julien Gué. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.


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