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dimanche 12 août 2012

La journée de la femme en Tunisie


Fête ou défaite ?

 

La Journée Nationale de la Femme en Tunisie, 56ème du nom, est singulièrement déterminante en cette année 2012. Célébrant l’avènement du Code du Statut Personnel, loi laïque qui consacre l’intégrité pleine et entière de la femme et l’entrée de la Tunisie dans une ère moderniste, elle semble particulièrement menacée par le gouvernement provisoire.

 

Manif de femmes en Tunisie dans les années 60

En plein ramadan, les appels à la mobilisation marquent donc les semaines qui précèdent une fête largement commémorée sous les deux  présidences précédentes et la première année de la « révolution de jasmin ».

 

Une mobilisation antisexiste

Particuliers, associations (pas moins d’une trentaine), partis démocratiques, syndicats de gauche et modérés, collectifs d’artistes s’unissent pour maintenir les acquis d’une loi passée dans les mœurs. La toile, relaie les médias censurés ou censeurs. Les pétitions de tous ordres parviennent aux instances nationales, comme aux internationales prônant les droits de l’homme.

 

« Message à toutes les femmes qui hésitent encore : Toi femme, femme émancipée, femme militante, tu te demandes s'il faut être le 13 août dans la rue ? Tu te demandes si d'autres causes ne sont pas plus importantes. Rien ne peut se construire sans la femme, sans une femme libre et égale de l'homme. Une femme "écrasée" comme le souhaitent les islamistes, équivaut à la mise en place de l'obscurantisme.

 »

Habiiba Ghribi, le symbole de la nouvelle Tunisie

 « Bien sûr faut-il que demain, toi femme, avec les hommes qui aiment leur pays, sois à l'Avenue Habib Bourguiba et pas à l'Avenue Med V. Il ne faut pas hésiter. La Tunisie a besoin de tous. Les libertés sont menacées et les femmes encore davantage. Demain tu as un devoir à accomplir : être dans la rue, être à Habib Bourguiba, celui qui t'a permis justement aujourd’hui de te poser ce genre de question ! »

 

Ainsi s’adresse un citoyen tunisien à ses compatriotes la veille de la Journée Nationale de la Femme.

 

Une culture du féminisme

Tout comme pour le politicien du 19ème siècle, Tahar Haddad, l’histoire de la Tunisie ne peut que se vivre au présent du féminisme. Les Hommes lui sont ses plus fidèles alliés. Dès 1930, il écrit dans le volume Notre femme dans la législation islamique et la société :

 

 « Le devoir nous appelle aujourd’hui plus que jamais à sortir la femme de cet obscurantisme des siècles passés et à la considérer comme membre vivant et un partenaire égal à nous dans la vie… je la vois s’avançant sur le chemin du savoir et de l’éducation… Notre salut et notre liberté sont à ce prix. »

 

La tunisienne et son combat pour l’indépendance

 L’ère de la république tunisienne s’ouvre, quatre mois après l’indépendance, sur une société égalitariste. La date du 13 août 1956 en est la promulgation par le Code du Statut Personnel : son instigateur, le président, Habib Bourguiba.

 

Si ce code n’est pas parfait, le « combattant suprême » en fait graver de son vivant le principe émancipateur sur son mausolée : « libérateur de la femme ». Et dès les premières années de son mandat, nomme-t-il des femmes au rang de ministre.

 

Continuité ou rupture ?

Le processus de l’égalité, lancé simultanément avec la décolonisation, se poursuit encore actuellement. Pour en protéger les acquis, avec l’appui du syndicat de gauche le plus efficace, l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la société civile poursuit sa lutte d’émancipation. Car les menaces de rétrogradation sont bien présentes.

 

Les Tunisiennes se battent aussi à Paris

Ainsi l’affirme l’analyse de l'économiste Mahmoud Ben Romdhane : « Est-il nécessaire de préciser que l'UGTT représente la colonne vertébrale de la société civile, qu'il a constitué, tout au long de l'histoire du pays, un véritable repère, un défenseur des acquis du pays et une protection contre les projets manichéens ou totalitaires. Dans la transition démocratique, il pèsera probablement d'un poids très lourd et sera un point de passage obligé, incontournable ».

 

Le film de Salma Baccar Fatma 75, sorti en 1976, relate le rôle important assumé par la femme dans l’histoire du pays.


De même, ce 12 août, le Festival International de Hammamet accueille, dans le cadre de sa Semaine de la Femme Créatrice, le documentaire Militantes de Sonia Chamkhi et la pièce de théâtre Taba Taba de Khaoula El Hedef : questions  et contradictions sur la toute récente révolution.

 

La parole et l’humour 

Parmi les dernières conquêtes de la révolution, celle de la parole publique. De la laïcité à la libre pensée, les courants se révèlent sans crainte. L’écriture féminine s’était affirmée plus de trente ans avant la fin du siècle dernier. L’accueil n’en était pas toujours des plus débonnaires.


 

Willis, le chat de Nadia Khiari caricature l’autoritarisme

Elle se permet tous les créneaux de la représentation humaine. De la sculpture au trait, l’expression artistique se donne le droit à la critique : la caricature politique bat son plein avec le chat Willis.

 

 Les thèmes abordés repoussent les tabous. Dans la mesure où la sexualité devient objet de tergiversation intégriste, l’excision insinuée, la réponse ne se fait pas attendre. L’intégrité de la personne, le droit à l’enfance, la liberté du choix professionnel et conjugal refusent tout compromis.

 

Touche pas à mon intégrité !

Le scandale de l’inégalité, concrétisée par cette notion de « complémentarité », va se jouer en cette journée de la femme, à n’en pas douter.

 

Sefirates et femmes tunisiennes en colère

A la veille de cette fin de gouvernement transitoire, la justice –déclarée séculaire depuis Bourguiba-, se voit entachée de tribunaux d’ordre religieux.

 

La femme se voit insultée en haut-lieu du terme de « dévergondée » (nue-tête), dans une culture qui ne se couvre de voiles qu’à un certain âge.

 

Un honneur sans voile : la Safira, les Séfirates

Le surnom de Safira accompagne bon nombre de prénoms et se revendique comme une fierté. Certaines associations masculines en affublent leur intitulé. Des collections de photos d’art et de tableaux sur le sujet ne cessent de s’afficher, dans les galeries comme sur le net.


Voir les cinquante-six femmes actives et créatrices de l'album "Les Sefirates" de Mahmoud Chalbi. Album achevé momentanément le jour du 13 août 2012.

 

La Journée de la femme : son avenir ?

La résistance s’installe. La journée nationale de lafemme 2012 va être décisive. Soit la volonté des concernées est entendue, soit la situation risque d’être tendue.

 

Elle est l’occasion de soutenir une législation menacée de disparition et d’affirmer le refus total de la soumission de la femme par toute violence, quelle qu’elle soit.

 

Le combat pour les droits continue !

 « Les risques de régression ne concernent pas uniquement les droits de la femme puisqu’il s’agit en fait d’une remise en cause de tout un modèle de société initié en 1956 avec l’édification de la Tunisie moderne » a renchéri le doyen Sadok Belaid intervenant vendredi lors d’une rencontre organisée par le CREDIF* sur le thème « Le CSP: questions actuelles ».
« Le CREDIF œuvre à impulser le processus moderniste des droits des femmes à travers le développement d’une réflexion profonde sur les principales questions d’actualité, a expliqué Dalenda Larguech, directrice générale du Centre. »

 

Le droit d’être Femme

 « Le projet de la nouvelle constitution fait peur. Nous nous battrons pour que la Tunisie ne régresse pas », affirment ce vendredi les trois associations dont l’ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates), la LTDH (Ligue tunisienne des droits de l’Homme) et l’AFTURD (L’Association de la femme tunisienne pour la recherche et le développement), lors d’une conférence de presse tenue du 13 août pendant laquelle la Tunisie fête  le 55ème anniversaire de la promulgation du Code de statut personnel (CSP).

 

La liberté n’est-elle ce droit d’être femme à part entière ?

 

Un article de MonaK


*CREDIF : Centre de Recherches, d’Etudes, de Documentation et d’Information sur la Femme

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