Fête ou défaite ?
La Journée Nationale de la Femme en Tunisie, 56ème
du nom, est singulièrement déterminante en cette année 2012. Célébrant
l’avènement du Code du Statut Personnel, loi laïque qui consacre l’intégrité
pleine et entière de la femme et l’entrée de la Tunisie dans une ère
moderniste, elle semble particulièrement menacée par le gouvernement
provisoire.
Manif de femmes en Tunisie dans les années 60
En plein ramadan, les appels à la mobilisation marquent donc les semaines qui précèdent une fête
largement commémorée sous les deux
présidences précédentes et la première année de la « révolution de
jasmin ».
Une mobilisation antisexiste
Particuliers, associations (pas moins d’une
trentaine), partis démocratiques, syndicats de gauche et modérés, collectifs
d’artistes s’unissent pour maintenir les acquis d’une loi passée dans les
mœurs. La toile, relaie les médias censurés ou censeurs. Les pétitions de tous
ordres parviennent aux instances nationales, comme aux internationales prônant
les droits de l’homme.
« Message à toutes les femmes qui hésitent encore : Toi femme, femme émancipée, femme militante, tu te demandes s'il faut être le 13 août dans la rue ? Tu te demandes si d'autres causes ne sont pas plus importantes. Rien ne peut se construire sans la femme, sans une femme libre et égale de l'homme. Une femme "écrasée" comme le souhaitent les islamistes, équivaut à la mise en place de l'obscurantisme.
»
Habiiba Ghribi, le symbole de la nouvelle Tunisie
« Bien sûr faut-il que demain, toi femme,
avec les hommes qui aiment leur pays, sois à l'Avenue Habib Bourguiba et pas à
l'Avenue Med V. Il ne faut pas hésiter. La Tunisie a besoin de tous. Les
libertés sont menacées et les femmes encore davantage. Demain tu as un devoir à
accomplir : être dans la rue, être à Habib Bourguiba, celui qui t'a permis
justement aujourd’hui de te poser ce genre de question ! »
Ainsi s’adresse un citoyen tunisien à ses compatriotes la veille de la Journée Nationale de la
Femme.
Une culture du féminisme
Tout comme pour le politicien du 19ème
siècle, Tahar Haddad, l’histoire de la Tunisie ne peut que se vivre au présent du féminisme.
Les Hommes lui sont ses plus fidèles alliés. Dès 1930, il écrit dans le volume Notre femme dans la législation islamique et
la société :
« Le
devoir nous appelle aujourd’hui plus que jamais à sortir la femme de cet
obscurantisme des siècles passés et à la considérer comme membre vivant et un
partenaire égal à nous dans la vie… je la vois s’avançant sur le chemin du
savoir et de l’éducation… Notre salut et notre liberté sont à ce prix. »
La tunisienne et son combat pour l’indépendance
L’ère de la
république tunisienne s’ouvre, quatre mois après l’indépendance, sur une
société égalitariste. La date du 13 août 1956 en est la promulgation par le
Code du Statut Personnel : son instigateur, le président, Habib Bourguiba.
Si ce code n’est pas parfait, le « combattant
suprême » en fait graver de son vivant le principe émancipateur sur son
mausolée : « libérateur de la femme ». Et dès les premières
années de son mandat, nomme-t-il des femmes au rang de ministre.
Continuité ou rupture ?
Le processus de l’égalité, lancé simultanément avec
la décolonisation, se poursuit encore actuellement. Pour en protéger les
acquis, avec l’appui du syndicat de gauche le plus efficace, l’Union Générale
Tunisienne du Travail (UGTT), la
société civile poursuit sa lutte d’émancipation. Car les menaces de
rétrogradation sont bien présentes.
Les Tunisiennes se battent
aussi à Paris
Ainsi l’affirme l’analyse de Mahmoud Ben Romdhane
Fatma 75
De même, ce 12 août, le Festival International de Hammamet
accueille, dans le cadre de sa Semaine de la Femme Créatrice, le documentaire Militantes
de Sonia Chamkhi et la pièce de théâtre Taba Taba de Khaoula El Hedef :
questions et contradictions sur la toute
récente révolution.
La parole et l’humour
Parmi les dernières conquêtes de la révolution,
celle de la parole publique. De la laïcité à la libre pensée, les courants se
révèlent sans crainte. L’écriture féminine s’était affirmée plus de trente ans avant la fin du siècle dernier.
L’accueil n’en était pas toujours des plus débonnaires.
Willis, le chat de Nadia Khiari caricature l’autoritarisme
Elle se permet tous les créneaux de la
représentation humaine. De la sculpture au trait, l’expression artistique se
donne le droit à la critique : la caricature politique bat son plein avec
le chat Willis.
Les thèmes
abordés repoussent les tabous. Dans la mesure où la sexualité devient objet de
tergiversation intégriste, l’excision insinuée, la réponse ne se fait pas
attendre. L’intégrité de la personne, le droit à l’enfance, la liberté du choix
professionnel et conjugal refusent tout compromis.
Touche pas à mon intégrité !
Le scandale de l’inégalité, concrétisée par cette
notion de « complémentarité », va se jouer en cette journée de la
femme, à n’en pas douter.
Sefirates et femmes tunisiennes en colère
A la veille de cette fin de gouvernement
transitoire, la justice –déclarée séculaire depuis Bourguiba-, se voit entachée
de tribunaux d’ordre religieux.
La femme se voit insultée en haut-lieu du terme de
« dévergondée » (nue-tête), dans une culture qui ne se couvre de
voiles qu’à un certain âge.
Un honneur sans voile : la Safira, les Séfirates
Le surnom de Safira accompagne bon nombre de prénoms
et se revendique comme une fierté. Certaines associations masculines en affublent
leur intitulé. Des collections de photos d’art et de tableaux sur le sujet ne cessent de s’afficher, dans les galeries
comme sur le net.
Voir les cinquante-six femmes actives et créatrices de l'album "Les Sefirates" de Mahmoud Chalbi. Album achevé momentanément le jour du 13 août 2012.
La Journée de la femme : son avenir ?
La résistance s’installe. La journée nationale de lafemme 2012 va être décisive. Soit la volonté des concernées est entendue, soit
la situation risque d’être tendue.
Elle est l’occasion de soutenir une législation
menacée de disparition et d’affirmer le refus total de la soumission de la
femme par toute violence, quelle qu’elle soit.
Le combat pour les droits continue !
« Les risques de régression ne concernent
pas uniquement les droits de la femme puisqu’il s’agit en fait d’une remise en
cause de tout un modèle de société initié en 1956 avec l’édification de la
Tunisie moderne » a renchéri le doyen Sadok Belaid intervenant vendredi
lors d’une rencontre organisée par le CREDIF* sur le thème « Le CSP:
questions actuelles ».
« Le
CREDIF œuvre à impulser le processus moderniste des droits des femmes à travers
le développement d’une réflexion profonde sur les principales questions
d’actualité, a expliqué Dalenda Larguech, directrice
générale du Centre. »
Le droit d’être Femme
« Le
projet de la nouvelle constitution fait peur. Nous nous battrons pour que la Tunisie ne régresse pas », affirment ce vendredi les
trois associations dont l’ATFD (Association tunisienne des femmes démocrates),
la LTDH (Ligue tunisienne des droits de l’Homme) et l’AFTURD (L’Association de
la femme tunisienne pour la recherche et le développement), lors d’une
conférence de presse tenue du 13 août pendant laquelle la Tunisie fête le 55ème anniversaire de la promulgation du Code
de statut personnel (CSP).
La liberté n’est-elle ce droit d’être femme à part
entière ?
Un article de MonaK
*CREDIF : Centre de Recherches, d’Etudes, de Documentation et
d’Information sur la Femme
Merci , merci du fond du coeur !! (Citoyenne Tunisienne)
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