Au cœur du mythe tahitien
Parfois les points de vue issus de documentaristes basés à l’autre bout de l’Océanie nous offrent une vision autrement perçue de notre propre environnement polynésien. Et ces moments de coïncidence ne cesseront de s’accroître par le biais de cette aventure en images que propose le FIFO depuis maintenant 17ans.
Notre imaginaire tahitien, déjà atteint par le cyclone Cliff qui s’abat sur l’atoll Puka Puka – archipel des Tuamotu – en 1992, traversé par la chanson " Te Vero " de la paumotu Irma Porutu, se trouve à nouveau convié par le film de Gemma Cuberio del Barrio : THE ISLAND IN ME. Sauf qu’il s’agit de Puka Puka aux Îles Cook.
La réalisatrice hispano-américaine abonde dans le sens de la conjonction fortuite d’événements qui décident d’un film. Ainsi confie-t-elle dans une interview : « Je n'aurais jamais connu Pukapuka ni Johnny Frisbie, si je n'avais rencontré Amelia Borofsky à Hawaii il y a près de deux décennies. Mon précédent documentaire primé Ella Es El Matador (She Is The Matador) était une idée qui a commencé par la lecture d'un article dans le New York Times. Ella était aussi un film sur deux femmes… »
Faut-il préciser que Pukapuka, s’appelait à une époque L’Île du Danger, à cause du banc de sable et des récifs d’Ouest qui protègent sa passe… et qu’elle fait partie du groupe des îles du Désappointement, pour agacer votre curiosité.
Une histoire de femmes
Avec Talcual Films dont elle est fondatrice, elle retrace le vécu de deux femmes et leur itinéraire de retour d’Hawaï à leur île d’enfance Pukapuka. L’une, Amelia Hokulea Borofsky, est « la fille de l'anthropologue Robert Borofsky qui vivait à Pukapuka au milieu des années 1970 » ; elle est psychologue, ethno-psycho pour la saisir davantage.
L’autre, Florence Johnny Frisbie, seconde enfant de Ngatokorua a Mata’a et de Robert Dean Frisbie, originaire de l’Ohio, planteur, est connu pour avoir écrit ses voyages ou publié dans des revues. Tels : The Book of Puka Puka (29), The Island of Desire, An Island to Myself (66)… sans oublier “le cyclone de 1942 qui emporta 16 de ses îlots, les Frisbie ont survécu en s’attachant aux arbres et en se réfugiant dans des cabanes dans les arbres. Née à Tahiti, elle passe la majeure partie de son enfance sur différentes îles, inhabitées ou non, Cook, Samoa. Orpheline, elle étudie à Hawaï ; travaille au Japon en NZ, aux Rarotonga, et devient « une légende des îles Cook à part entière. »
Une auteure océanienne en 1948 |
La réalisatrice mêlera dans le scénario une approche très personnelle. S’appuyant d’une part sur le témoignage, l’auto-analyse effectuée par les témoins elle-mêmes de par leur statut et leur parcours professionnel en université. Approfondissant d’autre part, prenant du recul mais aussi semblant participer de l’aventure. Les 3 femmes ayant une relation commune au voyage, à l’exil, un vécu avec le retour au lieu originel.
Une histoire d’île
D’Elles à Îles, il n’est qu’un pas. Comment s’approprier les espaces environnementaux, les lieux de la mémoire : les réactiver autrement pour y vivre pleinement, s’y épanouir sereinement. La réalisatrice semble très proche de ses sujets qui ne sont pas des personnages mais se re-situent autrement, en fonction du présent et de l’avenir.
“île flottante “, alors ? |
L’expérience de l’adulte qu’elles sont devenues s’enrichit de la re-découverte plénière d’une île minuscule où les particularités culturelles sont très fortes et ancrées depuis des siècles. Florence Johnny Frisbie écrit dès son jeune âges sur son île originelle.
Amelia Borofsky, docteur en psychologie, « passionnée par la cohésion des communautés insulaires » ne cesse de poursuivre ses recherches en matière de culture, créant ses propres modes d’évaluation, appropriés de l’intérieur. L’île : une matière vivante évolutive à n’en pas douter.
Une histoire d’écriture
Et pour nous éblouir encore et nous surprendre, nous apprenons que Florence Ngatokura " Johnny " Frisbie, (née le 19 juin 1932 à Tahiti), également connue sous le nom de Johnny Frisbie Hebenstreit, auteure des Îles Cook, publie à 16 ans (1948) son premier roman autobiographique pour enfants, Miss Ulysses of Puka-Puka.
En tournage… |
Écrit en 3 langues – puka-pukan, samoan, anglais – son livre est donc la première œuvre littéraire publiée par une auteure insulaire du Pacifique.
Son second livre, Frisbies of the South Seas (1959), autobiographique également, est écrit après la mort de son père.
THE ISLAND IN ME |
Conjonction de 3 formes d’écriture – l’autobiographie, la recherche en psychologie sociale, la mise en image cinématographique, THE ISLAND IN ME, nous convie au cœur d’une méditation active.
Un article de Monak
- Mes remerciements à Lalita qui m’a fait découvrir la chanson " Te Vero " de Irma Porutu.
- NB : Pukapuka des Tuamotu, 200 hab., trapèze de 5,7 km sur 3, commune de Polynésie française - 14°55’S et 138°47’O – l’île aux tortues. Cyclone Cliff (1992).
- Pukapuka des îles Cook, 507 hab., triangle constitué de 3 îles, 3km2 de superficie – 10° 52’ 59’’S et 165° 58’ 59’’O – Cyclone Percy (2004-05).
- http://www.vers-les-iles.fr/livres/Femmes/Frisbie.html
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