L'uppercut de "140km à l'ouest du Paradis"
Métaphore de l’existence pour Bertolt Brecht, l’uppercut pourrait être ce que nous avons ressenti à l’écran avec le long-métrage de Céline Rouzet : la lutte est au quotidien, inégale entre une tribu papoue huli et l’écrasante multinationale Exxon Mobil. Mondialisation, cherchez l’erreur.
Tout comme océans apart, au firmament de la corruption et de la curée des petits, 140 km à l’ouest du paradis n’est pas remisé au passé, est d’une actualité brûlante et alerte l’opinion mondiale sur l’une des plus sordides bassesses qui affecte le monde océanien. Si les voix des démunis se font entendre au FIFO grâce à l’existence même des films, l’impact dans le pays d’origine est mitigé ou inexistant comme le souligne aussi Alan Clarke dans Inside the doc « c’est très difficile d’impliquer le public australien dans une histoire comme ça ». L’opinion publique, la justice : racistes ou muettes comme pour the bowraville murders.
L’image incontouable d’un plan séquence “mortel " |
Avec son équipe de choc, Zoltán Hauville à l’image, Grégory Le Maître au son, qui a su tenir bon malgré les aléas budgétaires et les pressions sur le terrain, la réalisatrice signe enfin son 1er long-métrage après 10 années d’enquête, d’implication et de ténacité, avec un budget plus que chaotique.
À l’image de ce 19èFIFO où l’atmosphère est lourde de drames 140 km à l’ouest du paradis passe la porte de la compétition officielle.
Film coup de poing ?
Disons-le, ce n’est ni une tournure d’esprit, ni une habitude pour Céline de taper fort à la porte de la contestation. Mais il est des films et des sujets qui se heurtent à la beauté et à l’harmonie originelles que les tribus autochtones ont su établir avec leur environnement. Tarzan, Mowgli, un mythe à reconquérir pour elle aussi.
Une équipe cinématographique qui, familiarisée pendant autant de temps – 10 années interminables –, fort respectueuse de la façon de vivre et des valeurs indigènes a su susciter la connivence, se laisse embarquer à la suite des protagonistes qui réclament leurs biens, leur accorde toute latitude, au feeling quant au déroulé des séquences.
La suffisance des Blancs |
Ce qui est très visible à l’écran. Tout comme la détermination de cette minuscule tribu de se faire entendre des décideurs, malgré les risques & complications que cela peut entraîner. Le film reste donc fidèle à l’engagement, aux revendications qu’avancent les membres de la tribu dans un pays où la violence est incommensurable administrativement et la répression abjecte.
Deux mondes qui s’ignorent
Les images parlent d’elles-mêmes. Quoi de plus délicieusement ridicule et hautain que cette prétention des touristes à s’estimer supérieurs aux peuples de la forêt primitive, à commenter avec condescendance, de fausses découvertes, vendues avec le ticket randonnée, selon cette forme de néo-colonialisme où les Blancs croient toujours détenir la vérité.
Quoi de plus médiocre que de se la jouer à la "bons sauvages" d’alimenter leurs frustrations pour s’arroger le bien d’autrui, les « tenir par de fausses promesses » et accentuer leur rancœur.
Le barbelé chez soi |
L’équipe cinématographique, à l’écoute de la tribu se laisse mener par leur initiative, n’occulte rien, “porte leur parole”. Question de confiance.
Quand la parole est vraie
Après des années de déboires et de tribulations, de découragement, de dépression, de tentation d’abandon, de colères, de petits miracles qui le tiennent en vie, que 140 km à l’ouest du paradis se trouve sélectionné pour le19èFIFO à Tahiti tient de la magie…
Céline Rouzet au bout de l’aventure |
Après s’être engagée dans les paysages fantasmés depuis toujours, Céline Rouzet s’engagerait vers la fiction fantastique. Mener un long-métrage aussi désespérant ne vous lisse pas sans stigmates.
Un article de Monak
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NB – Lire aussi, lire surtout :
http://tahiti-ses-iles-et-autres-bouts-du-mo.blogspot.com/2022/02/19efifo-petite-histoire.html
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