Une fête
parmi les fleurs
Ciel exceptionnel où la lune immense effleure nos rêves. Tout s’inonde de magie. La musique ensorcelle pentes moussues et lagons. Elle arpente sans retenue les îles polynésiennes. Nous sommes corps vibrants aux moindres pulsations qui nous inondent. Comme aux premiers matins du monde.
Au
solstice d’hiver (21 juin dans cet hémisphère sud) comme dans cent dix pays éparpillés
sur les cinq continents crépite la « Fête de la musique ». Serait-ce,
ici, dans ce pays maillé par le Pacifique, l’éclosion d’un bouquet musical
incomparable ? Tout semble se décliner à l’unisson des éléments naturels plus
que cléments. Trente-et-un ans après sa genèse qu’advient-il de cette jeune tradition
du « Faites de la musique » ?
Brandon Tavanae-Tavia, la relève |
Plus
que partout ailleurs le phénomène, du fait peut-être de l’isolement des
territoires, s’appuie sur une base traditionnelle vivace et s’enrichit
d’apports les plus divers. Des éléments créatifs vraiment originaux ont déjà
fait le tour du monde. Car Porinetia, (Polynésie) est
avant tout et au quotidien un peuple qui chante.
Une tradition qui n’en finit pas de se
chanter…
Personne ne s’en lasse, tout le
monde en redemande. Une véritable foire à la musique, ces grands
rassemblements ? Pas tant que ça ! Car au quotidien, les
mini-orchestres kaina bercent les
marchés, les arcades, les bancs publics, les bittes d’amarrage et les rivages.
Les anciens y célèbrent le fenua, en
famille de musiciens ou en petites formations avec les instruments
traditionnels.
Da Road Side Boyz cantabile à l’hawaiienne |
Sur
les 118 îles de Polynésie, quelques communes vont cependant renoncer à la
célébration de la fibre musicale. La plupart y consacreront un espace
municipal. La communauté chinoise n’y a pas ancré une musique particulière mais
s’y trouve bien présente dans des orchestres résolument modernes. Ce sont aussi
dans les hôtels que les rencontres orchestrales se déroulent. Un label gratuité
respecté ?
Kaina sotto voce au Rétro Bar |
Dans
certaines Îles-Sous-Le-Vent, la composition kaina
ou le concours de ukulele commencent dès le 19 juin, comme à Bora Bora ou à Raiatea. Les harmonies
ancestrales ont vent en poupe avec les associations culturelles et ne manquent
pas d’innover. La musique continue de vivre. A Tahiti, la baguette du chef
d’orchestre se lève sur un son « Métal » au Night-Club 106, de la nuit du 20 juin à l’aube du lendemain. La
musique « donne » tous azimuts.
Cinq jours de nocturnes musicales dans
les îles
Pour
une population un peu supérieure à celle de Strasbourg et comme elle, située au
carrefour des cultures et des sonorités, la fête de la musique se programme sur
cinq nuits. Un avant-goût ou un clin d’œil aux Himene tarava (chants
festifs traditionnels) du Heiva
(Festival) qui commence à peine treize jours plus tard sur l’île capitale.
Combo Jack, la voix gutturale |
Au
jour J, la ville de Papeete invite le groupe
musical Topatangi de Rapa nui (l’île de
Pâques) dans les jardins de la mairie. Place To’ata la musique universelle est conviée
avec des groupes polynésiens. Rock, funk, folk, blues, surf music, musique
kaina, world music, électro et reggae hawaiien à la polynésienne bien sûr… : Blues
Messengers, Da Road Side Boyz, Honovai group, Tikahiri band, Verua, Orohena Sons.
Blues Rock Offenders allegro |
Des
points d’audimats officiels, mais la ville
fourmille de petits lieux de rendez-vous à la terrasse des restos, des bars, des
fast-foods, des bouts de trottoirs. La traversée du tintamarre à déplorer, bien
sûr, quand les décibels s’entrechoquent. Car le phénomène mondial qui nuit en
quelque sorte à la musique, c’est la saturation des basses !!! Elle vous
vrille le cerveau et les sens !
Tout se joue sur le peu’e
A
part dans les villes à forte concentration de population et submergées par la
déferlante cacophonique des terrasses contiguës où se succèdent les
mini-orchestres de tous genres, les places publiques aménagent kiosque ou
podium. Au bonheur des langues ma’ohi,
anglaise ou françaises, la foule est bigarrée : les filles s’y rendent
couronnées de fleurs ou en tenues excentriques, à l’instar du mélange des
genres.
Hocus Pocus Taloo crescendo |
Qu’y
vient-on chercher ? Un lieu de convivialité mélodique. On passe d’un
endroit à un autre, peut-être, mais surtout on s’y installe. On y vient en
famille, avec son ma’a (nourriture).
Ou à proximité des roulottes qui
restaurent.
La
fête de la musique, telle qu’elle a été initiée en 1982, fait appel à
l’initiative libre. Mais elle répond ici à la culture polynésienne des
musiciens de rue qui tiennent à sauvegarder tout au long de l’année leur
coutume de libre disposition des espaces publics. Sauf qu’elle rassemble un
public de plus en plus nombreux et fait appel à des moyens techniques de plus
en plus sophistiqués pour en garantir la sécurité.
Plastik
Games hard à bloc au Mac DO !
D’une
part la musicalité est ce plaisir qui se goûte au jour le jour. D’autre part les
jeunes musiciens, adolescents, puisent dans les ressources de leur instruments
pour se lancer dans des aventures musicales fécondes, intégrant instruments
classiques dans des genres hard. Avec à la clé de sol ou autre, la recherche de
la qualité.
Cadre paradisiaque pour Groupes du
fenua
Au
crédit du Collectif Tahiti
Rock,
le projet d’excentrer deux soirées de concert dans des parcs de la banlieue de
Papeete a offert des moments de pure communion musicale. A portée de tous,
reliés à la capitale par les navettes assurées par des trucks, c’est offrir, loin
du trafic urbain, deux nocturnes sous les étoiles.
Maeva des Freelanders et Gaëlle Da Capo |
Renouant
avec cette symbiose entre musique et nature, la beauté du cadre avivant le plaisir
du mélomane, l’idée de Léo Marais (l’organisateur), c’est de privilégier l’aspect
humain pour ces veillées. Sur l’herbe du Royal Tahitien à Pirae et du Tahara’a
à Arue, un espace vital destiné à mille puis trois mille spectateurs, un vrai
succès.
Gracioso, la fête en fleurs |
Pas
moins de six heures de concert grandiose, et pas moins de sept groupes se relaient
la scène. Certains même l’ont partagée dans quelques duos impromptus : Maeva des Freelanders et Gwen Luna
des Lolita.
Quant
au déploiement de la manifestation, la sponsorisation y tient une place incontournable.
On y rencontre des orchestres qui nous emmènent dans les hautes sphères de la
musicalité et qui mettent leur touche bien personnelle à des répertoires
connus : Combo Jack, Hocus
Pocus Taloo group,
Blues Rock Offenders. Seul le groupe Maruao semble vraiment inventif et mener un
parcours hors des sentiers battus. Un genre bien spécial mêlant envolées
vocales, guitares, harmonica, didjeridoo…
Maruao con fuoco
En commun,
ils manifestent la même proximité vis-à-vis de leur public. Pas de distance,
l’inconnu n’est pas anonyme. La communication est pleine d’humour, chaleureuse.
Ils n’hésitent pas à prendre des risques et les performances sont largement
applaudies.
La musique
en Polynésie ? Un art de respirer ensemble, de s’abreuver ensemble de
rythmes et de mélodies. Un art de vivre. De vivre ensemble aux mêmes refrains,
de les chalouper. Une harmonie qui nous submerge.
La musique
se fête aussi en Polynésie…
Lexique :
Rapa
Nui : Île de Pâques
Peu’e :
natte
Fenua :
pays
Un article de Monak
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