La Comédie crue
Le monde
est en crise et ruine sa société. La société se cherche de nouveaux repères
face à l’émergence des laissés-pour-compte. Le théâtre n’échappe pas à la
crise : des coupes sombres de son budget national à la mainmise des boîtes
de production tape-à-l’œil racoleuses.
Dans
un contexte BCBG (bon chic bon genre) qui se targue des
valeurs sûres de la bonne morale, de tous horizons surgissent des auteurs
de théâtre, en butte au pouvoir établi et à ses débordements. L’Etat-providence
a disparu depuis longtemps.
Catherine Vinatier… au bout de soi… |
Comme
à chaque période de récession, les portraits brossés de nos semblables,
montrent le sordide de ce que nous pouvons révéler de nous-mêmes, à l’image de
nos maîtres : profiteurs, brutaux, inhumains.
Une comédie
des bas-fonds, pourquoi ?
Le
genre comique n’est pas nouveau, dans la tradition du Théâtre. Mais il change
de style avec l’apparition depuis plus d’un siècle de la comédie des «bas-fonds».
Pas
seulement les bas quartiers, le sous-prolétariat mais la bassesse. Depuis Les Bas-fonds de Gorki, les œuvres se
sont succédé, dans le roman aussi, adapté pour la scène.
Une affiche suggestive… |
Si les anciennes comédies parviennent à se
résoudre par une fin heureuse, les dramaturges de notre époque, ne jouent pas
l’illusion et ne disposent plus des moyens de l’assurer. Ainsi nous
montrent-ils un brassage de milieux généré par des comportements antisociaux.
Il n’est pas que les marginaux qui soient inadaptés.
La comédie
crue est-elle un genre ?
La
comédie crue, n’apparaît qu’en sous-titre des productions d’un certain Hanokh
Levin, dénonciateur insatiable des outrances de l’Etat d’Israël. Et la
trivialité des dialogues est largement en-dessous de l’obscénité de toute
dictature. La comédie crue, cependant, ne s’est donc pas encore instaurée comme
genre théâtral. Et pourtant !.
La
verve égrillarde existait déjà dans notre patrimoine universel avec Ubu de Jarry, Faulkner, Steinbeck,
Roland Dubillard, etc., dialogues à faire frémir dans les chaumières.
Quand nous crachons sur notre humanité |
Celle
des situations déjà connues et établies à partir des lignées Brechtiennes, Seàn
O’Casey ou John Arden… dont nous ne citerons que le rôle de Rosy Varte -petite
merveille d’exacerbation et d’outrance- dans Vous vivrez comme des porcs.
Du rêche
croustillant
Qu’on
ne se trompe pas sur la marchandise ! La mise en scène de Laurent Gutmann
au Théâtre de l’Aquarium, ce dernier trimestre 2012, ne ménage pas notre
sensibilité de petits bourgeois, comme elle n’épargne pas davantage les
acteurs.
Pour La putain de l'Ohio, le décor est à même la terre. Il aurait d'ailleurs pu s'extraire de la boue si cette idée première avait été maintenue. Le compromis croûte sèche qui colle à la sueur du comédien, plus proche de la malédiction biblique : « Tu es poussière ».
Adam et Ève, alias le Clochard et la Belle de Nuit, en toute concupiscence du plaisir charnel et, même chassés de l'Eden, ont dérangé quelques spectateurs aux chastes oreilles et vertueux regard.
Pour La putain de l'Ohio, le décor est à même la terre. Il aurait d'ailleurs pu s'extraire de la boue si cette idée première avait été maintenue. Le compromis croûte sèche qui colle à la sueur du comédien, plus proche de la malédiction biblique : « Tu es poussière ».
Adam et Ève, alias le Clochard et la Belle de Nuit, en toute concupiscence du plaisir charnel et, même chassés de l'Eden, ont dérangé quelques spectateurs aux chastes oreilles et vertueux regard.
Une actrice, un metteur en scène |
Mais, c’est bien de nous dont il s’agit :
nos fantasmes lubriques assouvis sur plus faible que soi. Mendiants d’amour que
nous sommes et les autres que nous dominons. L’image-miroir est
« énôrme » (à la Ubu) et convaincante, nous ne pouvons voir en nous
qu’un repoussoir.
Le rabot de
la scène
Les transgressions, le public les vit au privé
et se la joue « morale » au quotidien, nourri des mythes modernes de
la surpuissance et de l’impunité (pas vu, pas pris). La mise en scène est
« au couperet » : elle dépouille, elle dénude, elle saccage,
mais sans complaisance, sans cette complicité violente du porno.
Avec Eric Petitjean : notre image-miroir… |
Quant
au jeu des acteurs, il nous surprend par leur crudité d’abord, mais aussi par
leur engagement. Des quidams, tout simples, métamorphosés par les rigueurs du
métier et la maîtrise de rôles difficiles qui les mettent à nu.
Ainsi
l’annonce le libellé de présentation : « Nous sommes confrontés aux instincts
de base, le sexe, la procréation, le refus de la mort. La vision de l'humanité
est tellement noire que le rire reste souvent coincé au creux de la gorge,
comme empreint d'une immense tristesse. On est au final mis à mal par
l'obscénité et le nihilisme, que Levin met en lumière dans nos sociétés. »
La putain de l’Ohio : extraits volés…
Peut-on
parler d’une esthétique de la transgression ? Tout comme d’une esthétique
de la crudité : car il s’agit de porter un texte à son paroxysme. Comédie
crue, comédie du cynisme ?
Un article de Monak
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