Nos oiseaux endémiques sont en grand danger
L'incroyable
richesse de la faune aviaire endémique de Polynésie est très gravement menacée.
Peut-on encore stopper cette spirale infernale ?
Les
chiffres sont terrifiants : depuis 1773, date d’arrivée des premiers
explorateurs occidentaux, on recense sur le territoire polynésien pas moins de
dix-huit espèces (et sous espèces) d’oiseaux endémiques qui ont définitivement
disparu de la surface de la terre.
Le râle à bec rouge de Tahiti a totalement disparu de la planète |
Mais
le processus de destruction de l’extraordinaire patrimoine aviaire polynésien
avait en réalité débuté bien avant. Il avait commencé dès la découverte de ces
îles par ceux qui allaient devenir les Polynésiens.
Le
paradis des oiseaux
Avant
l’arrivée des premiers hommes, les îles de ce qui deviendra plus tard la
Polynésie française étaient
réellement le paradis terrestre des oiseaux.
L’Aigrette sacrée (Egretta sacra), elle, n’est pas menacée |
Le
climat tropical offrait abondance de nourriture et ces îles étaient exemptes de
la plupart des prédateurs présents sur le reste de la planète : ni rats, ni
chiens, ni chats, ni reptiles… Et surtout pas d’êtres humains.
Cette
situation très particulière fit que nombre d’espèces développèrent des
caractéristiques hyperspécialisées et très peu de moyens défensifs. Par
exemple, beaucoup faisaient leurs nids directement sur le sol.
Il reste quelques Lori nonette dans certains atolls des Tuamotu |
Tout
allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes d’oiseaux jusqu’au jour
où… arrivèrent les premiers hommes.
Et
les premiers hommes n’arrivèrent pas seuls…
Les
dégâts liés au peuplement des îles polynésiennes
Les
Ma’ohi, lorsqu’ils peuplèrent les îles polynésiennes, n’y arrivèrent pas seuls.
Ils emmenaient notamment avec eux des chiens et des cochons.
Il ne reste plus qu’une centaine de hérons striés sur la seule île de Tahiti |
Pour
se nourrir, ces premiers habitants humains n’eurent qu’à se baisser pour
ramasser les œufs. Nombre d’espèces d’oiseaux ne savaient pas (ou à peine)
voler, il n’était donc pas difficile de les capturer pour les manger. Quant aux
plus gros oiseaux, le gibier le plus intéressant, il s’agissait d’espèces
marines qui nichaient au sol et n’étaient donc pas difficile à chasser.
D’autre
part, n’ayant jamais eu de tels prédateurs, tous ces oiseaux n’avaient jamais
développé de tactique de fuite ou de défense.
La
dîme prélevée par les chiens fut, elle aussi, considérable, pour les mêmes
raisons. Quant aux porcs, c’est en fouissant le sol pour se nourrir qu’ils
détruisirent les nids de tous ces oiseaux.
Les multiples aspects du Lori nonette |
Certaines
espèces disparurent à cause de la beauté des couleurs de leurs plumes. En
effet, pour pouvoir confectionner des parures aux couleurs éclatantes, les
Ma’ohi firent une chasse sans merci à certaines d’entre elles, particulièrement
colorées.
Ainsi,
lors de ce qu’il est convenu d’appeler « le contact », en 1773, nombre
d’espèces avaient déjà définitivement disparu de la surface de la terre.
D’autres étaient déjà condamnées.
Pour
les premières, tout ce que l’on en connaît se résume à des ossements trouvés
lors de fouilles et quelques témoignages recueillis par les premiers
occidentaux curieux de ces choses.
Après
« le contact », la destruction s’accélère
En
s’installant dans les cinq archipels polynésiens, à l’instar des premiers
habitants ma’ohi, les Occidentaux ne sont pas non plus arrivés seuls. Ils ont
emmené avec les chats, les rats, un certain nombre de parasites porteurs de
maladies et… le métal et les armes à feu.
Contrairement
aux chiens et aux cochons, les chats et surtout les rats peuvent grimper aux
arbres. Ils s’attaquèrent donc aux espèces jusque-là protégées qui nichaient en
hauteur.
Oiseau terrestre, la Gallicolombe érythroptère est très gravement menacée |
Les
armes à feu, elles, permirent de s’attaquer à des espèces vivant loin du sol et
des hommes.
Ainsi,
depuis le contact, nombre d’autres espèces d’oiseaux ont été décimées.
La
différence, c’est que les Occidentaux firent des relevés et des dessins de
toutes les espèces qu’ils rencontrèrent. Nous connaissons donc avec une
certaine précision l’apparence et les mœurs des espèces disparues depuis le
contact.
Les
oiseaux de Polynésie
Aujourd’hui, l'avifaune terrestre polynésienne compte encore pas moins de trente-trois
espèces d’oiseaux, dont vingt-huit sont endémiques, c’est-à-dire qu'elles
n’existent nulle part ailleurs.
Les oiseaux endémiques de Polynésie sont en très grand
danger
En
raison de la plus grande diversité des reliefs et de la végétation, l’avifaune
terrestre des îles hautes est plus variée que celles des atolls.
En
revanche, à l'exception de quelques îlots volcaniques, les atolls abritent
généralement davantage d'oiseaux marins nicheurs qui trouvent dans leurs vastes
lagons et autour des îles une nourriture abondante.
Le Martin-chasseur des Gambier ne survit plus que sur le seul atoll de Niau |
Les
îles de Polynésie française sont aussi une zone d'hivernage importante pour
certaines espèces d'oiseaux migrateurs.
Pour
terminer ce rapide panorama, plus d'une dizaine d'espèces d'oiseaux ont été
introduites sur les îles par l'homme et s'y sont installées avec des conséquences
souvent néfastes pour l'avifaune locale.
Rare et peu connu, le martin-chasseur des Marquises ne semble pourtant pas menacé |
Au-delà
des espèces définitivement éteintes, un certain nombre d’espèces sont
aujourd’hui très gravement menacées. Ainsi, par exemple, le monarque de Tahiti,
oiseau endémique, n’est plus aujourd’hui représenté que par une trentaine
d’individus.
Nous
reviendrons dans d’autres articles à venir sur la situation de certaines de ces
espèces d’oiseaux en grand danger de disparition.
Manu,
l’association protectrice des oiseaux de Polynésie
Heureusement,
depuis une vingtaine d’années, des hommes et des femmes se battent, avec
succès, pour sauver les oiseaux qui peuvent encore l’être.
La
société d’ornithologie de Polynésie
Manu fut fondée en juillet 1990 par quelques amateurs passionnés.
Aujourd’hui, cette association est reconnue par les plus hautes instances
scientifiques mondiales et bénéficie de nombreux soutiens internationaux pour
mener à bien son travail reconnu d’utilité publique par les autorités
polynésiennes.
Aujourd’hui,
une fantastique exposition consacrée aux oiseaux de Polynésie se tient à
Papeete : Le Festival ornithologique
de Polynésie.
Il
se tient au mois de septembre à la Maison
de la culture Te Fare Tauhiti Nui de Papeete.
Le ‘ura, ou lori de Kuhl, bijou emblématique de Rimatara aux îles Australes |
Le
site Internet de Manu regorge d’informations de toutes sortes, d’images
toutes aussi belles les unes que les autres et permet de suivre avec précision
le travail de terrain considérable réalisé par l’association et ses membres. Il
propose même des pages spécialement conçues pour les plus jeunes…
Chaleureux
remerciements à la société d’ornithologie de Polynésie Manu.
A lire
également absolument :
Et bien sûr
l’excellent Guide Nature de Anne Gouni et Thierry Zysman : « Oiseaux
du fenua » publié par Théthys éditions.
Un article de Julien Gué
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