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dimanche 28 décembre 2014

Tahiti assassine ses artistes




Tous coupables
d’être silencieux

En Polynésie française, il ne faut jamais critiquer le pouvoir en place. Comme il ne faut jamais dévoiler la face cachée du « paradis », jamais montrer la misère, jamais dire la vérité. Ceux qui ont l’outrecuidance d’oser le faire le paient en général très cher.

Nous parlons ici d’un pays où le seul quotidien survivant de la presse écrite a banni de ses colonnes, très officiellement, toute critique du pouvoir ou des hommes influents en place, quoi qu’ils aient fait ou fassent.

Nous parlons ici d’un pays où plus du tiers des élus ont déjà été condamnés pour des délits commis dans l’exercice de leurs mandats. Sans parler de tous ceux qui sont mis en examen ou en attente d’un jugement.

La présidence de la Polynésie française

Nous parlons ici d’un pays où l’autorité de l’état s’exprime à travers de vagues murmures, prenant bien garde de ne rien déranger dans le système en place.

Nous parlons ici d’un pays où la justice est bien plus prompte à condamner lourdement les voleurs de poules que les délinquants en cols blancs qui ruinent le pays en restant au pouvoir malgré leurs condamnations.

Nous parlons ici d’un pays où la corruption est présente à tous les étages du pouvoir et des instances décisionnelles, quels qu’en soient les domaines d’activité et les niveaux de responsabilité.
        
Une société totalement corrompue
Je ne vous ferais pas l’injure de vous rappeler le palmarès judiciaire de l’ex homme fort du pays Gaston Flosse. Mais, dans les dossiers très récents et pas encore clos, gardons présents à l’esprit les démêlés de Teiki Pambrun, le poète en pirogue, avec les promoteurs de l’Hôtel Brando sur l’atoll de Tetiaroa… Toutes les associations qui se battent pour protéger nos merveilleuses vallées de l’appétit des promoteurs et des marchands de terre et de cailloux… Les artistes interdits de médias et de diffusion… etc, etc, etc.

Dans chacun de ces dossiers qui mettent à mal le système de survie de la grande majorité des Polynésiens, on retrouve les mêmes méthodes et les mêmes personnes. Souvent dénoncées par quelques sans grades révoltés, mais rarement mises en causes et encore plus rarement condamnées. De toute manière, même condamnées, elles continuent sans vergogne à exercer les mêmes fonctions avec les mêmes méthodes.

L’exemple Lili Oop
Lydia Ghibaudo della Rocca est une artiste connue de tous les téléspectateurs polynésiens à travers la merveilleuse série « Ta’ata » que diffusait RFO Polynésie, la chaîne locale de France Télévision, le service public français. Ce dernier détail, nous le verrons, n’est pas anodin du tout.
Lili Oop vue par Paskua
            Bien des années avant les faits qui nous intéressent, Lili Oop (puisqu’elle est surtout connue sous ce pseudonyme) et son photographe (et néanmoins alter-ego) Paskua avaient collaboré avec le quotidien « La Dépêche de Tahiti ». Il s’agissait d’une série de reportages photographiques qui préfiguraient ce que fut plus tard l’émission « Ta’ata ».

            Cette collaboration prit fin lorsque nos deux artistes reporters réclamèrent au groupe Hersant (propriétaire du journal à l’époque) l’application du code du travail. Une demande qui n’obtint d’autre réponse que la rupture abusive de la collaboration par l’employeur.

            L’affaire fut donc portée devant les tribunaux par Paskua et Lili Oop et se solda, une fois tous les recours épuisés, par une victoire totale de notre duo d’artistes. Nous avions, à l’époque, relaté toute l’histoire dans un article intitulé « Liberté, Légalité, Presse ».

Môssieur Paskua, autoportrait
            Pour des raisons dont personne ne peut être fier, aucun des confrères journalistes n’avait, au moment des faits, soutenu Lili et Paskua. Ce jugement a pourtant fait jurisprudence et aurait dû permettre à nombre d’entre eux de sortir la tête haute du naufrage de la presse écrite polynésienne.

            Vers la fin des années 2000 débutait l’aventure « Ta’ata » et les relations avec France Télévision… Diffusée quotidiennement pendant deux saisons, la série « Ta’ata » remportait un énorme succès en Polynésie. Succès qui se confirmait d’ailleurs bien au-delà de nos îles.
           
L’affaire du « Ta’atagate »
            Ce dossier faisant l’objet d’une procédure judiciaire en cours, il ne nous est pas possible de rentrer dans les détails de manière trop précise.

            Il est quand même bon de savoir que, bien qu’étant les auteurs, les interprètes et les producteurs de l’intégralité de la série, Lili et Paskua se sont vu refuser par la chaîne Télé Polynésie la rémunération normale de leur travail.

Au hasard de Ta’ata : « L’homme douceur »
            Plus grave encore : il y a en cours une tentative de les spolier de la paternité de ce remarquable travail. Opération cautionnée par la chaîne du service public et dont la première conséquence est que nos deux dangereux terroristes du reportage réaliste ne peuvent percevoir leurs différents droits d’auteurs, d’interprétation et de diffusion.

            Pour en savoir plus sur cette affaire révélatrice de la manière dont les créateurs sont traités en Polynésie française, je ne puis que vous inviter à fouiller la page Facebook Thelem - TA'ATA.

« La Zélée » ou « La Lézée » ?
            Ce dossier là est en pleine actualité. Il est même à l’origine de l’écriture de cet article. Pour retrouver l’intégralité de son histoire, des origines à ce jour, je ne puis que vous inciter à consulter avec attention les pages Facebook de Pascal Desmoulains, de « La Zélée » et de ThelemMedialab.

Première image de « La Zélée » par CoopMedia Thelem
            Pour connaître dans le moindre détail l’intégralité du déroulement de cette aventure sabordée et salie par les malversations de quelques arrivistes corrompus mais bien en place, je ne puis que vous conseiller de lire avec attention, en cliquant ici, la lettre adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française par Pascal Desmoulains au nom de la CoopMédia Thelem et du SAJ (Syndicat des Auteurs et Journalistes de Polynésie française).



  Tentons tout de même un résumé des épisodes précédents…

              En septembre 2013, le président de l’Association des Réservistes de la Marine Nationale en Polynésie (l’ACORAM-ACOMAR 987) commandait à ThelemMedialab un projet d’œuvre multimédia dans le cadre de la Mission du Centenaire 14/18. C’est ainsi qu’est né le projet « La Zélée 1914 – Tahiti sous les bombes » : un webdocumentaire entièrement conçu et réalisé par les artistes indépendants de la coopérative Thelem.

              Présenté au Vice-Recteur de la Polynésie française le 6 novembre 2013, le projet obtient le soutien officiel plein et entier de l’Education Nationale. Une convention est signée entre l’ACORAM-ACOMAR 987 et la CoopMedia Thelem en avril 20014. Cette convention désigne formellement la CoopMedia Thelem comme unique producteur et nomme les auteurs à l’initiative de l’œuvre originale. Dès lors, la CoopMedia Thelem est la seule propriétaire de l’œuvre et se met au travail.

          Dans le courant de l’été 2014, le Vice-Rectorat de Polynésie accorde une subvention à l’ACORAM-ACOMAR 987 au titre de son partenariat. Le 29 septembre 2014, le Vice-Rectorat lance un appel à projet présentant sans équivoque possible le projet de webdocumentaire de la CoopMedia Thelem.

              Début Août 2014, la coopérative met en ligne une bande annonce de l’œuvre en cours de réalisation. Cette bande annonce est toujours visible sur le net en cliquant ici. Elle fut immédiatement partagée par le site officiel de la Mission Centenaire.

             Le 23 Août, les responsables du Vice-Rectorat communiquent leur volonté  « d’offrir à l’œuvre qu’elle parraine une garantie de bonne fin ». Dans cet objectif, « cinq collaborateurs de l’œuvre ayant participé à la création de la bande annonce et aux premières étapes du développement de l’œuvre se sont vu proposer par le Vice-Rectorat cinq postes à temps complet rattachés auprès de son Pôle numérique. » Des contrats en CDD se terminant le 31 octobre 2014 et signés le 25 août 2014. Les attributions correspondant à chacun de ces postes sont les mêmes que celles mises en place au sein de la CoopMedia Lab dès le démarrage du projet.



Première image de « La Zélée » par CoopMedia Thelem
             Dès la signature de ces contrats, la bande annonce « La Zélée 1914 – Tahiti sous les bombes » réalisée par la CoopMedia Lab est mise en ligne sur le site du Vice-Rectorat et y restera jusqu’à la fin du mois de septembre 2014.     

                   Pourtant, dans un article de Tahiti Infos du 11 septembre 2014, le Vice-Rectorat s’attribue l’ensemble de la paternité et de l’initiative du projet… L’article reprend l’affiche de l’œuvre mais oublie de citer le producteur et les auteurs de l’œuvre…

               Le 16 septembre, les créateurs sont convoqués par le Vice-Recteur avec le président de l’ACORAM ACOMAR, pour se voir signifier la rupture de leurs contrats de travail pour « insubordination »… Ceci alors qu’ils viennent tout juste de livrer l’intégralité du scénario… Vous avez dit coïncidence ?...

Lili Oop en reportage vue par Paskua
               Le dernier vendredi du mois d’octobre, le site web du Vice-Rectorat diffuse un premier épisode de la série : « Arii et le vent de guerre ». Etrangement, ni MediaLab, ni Lili Oop, ni Paskua ne figurent au générique. Par contre, le Vice-Rectorat n’a pas oublié de s’y approprier le copyright ! Entre temps, les trois autres membres de l’équipe initiale recrutés par MediaLab ont bien été embauchés par ce même Vice-Rectorat…

               Bien d’autres malversations et contrefaçons ont été commises par l’Education Nationale dans cette affaire et vous en trouverez tous les détails dans le courrier adressé par Pascal Desmoulins au Haut commissaire de la République.

                  En marge de ces évènements, il nous est impossible de passer sous silence l’agression et le tabassage en règle qu’a subi Lili Oop sur le parking de la Marina Taina à Punaauia le 18 août 2014 par un inconnu masqué. Evénements que la gendarmerie n’a pas estimés dignes d’une enquête, voire de l’enregistrement en règle d’une plainte… On aurait pourtant aimé savoir qui étaient le responsable et le commanditaire de ces faits dignes des méthodes du défunt GIP…

               En conséquence, dans l’indifférence générale et acculés au désespoir, Lili Oop et Paskua écrivent au Haut-Commissaire pour solliciter son arbitrage. Un courrier auquel nous avons sans cesse fait référence dans cet article. Cette lettre, datée et postée en recommandé avec accusé-réception du 19 novembre 2014, est restée sans réponse jusqu’à la troisième semaine de décembre !

Lionel Beffre, haut-commissaire de la République en Polynésie française
               Ce silence dédaigneux achève de saper les dernières ressources morales de Lili Oop qui menace de se rendre, devant le Haussariat, imbibée d’essence et de s’immoler par le feu si le Haut-Commissaire ne la reçoit pas immédiatement. Apprenant cela, je publiais sur Facebook un appel au secours pour les soutenir.

               Très étrangement, mais le hasard fait parfois bizarrement bien les choses, c’est le lendemain de la diffusion de ce message que le Haut-Commissaire téléphonait personnellement à Lili Oop et Paskua pour leur fixer un rendez-vous.

                Cet entretien est fixé au mardi 30 décembre 2014 à 10 heures du matin, dans les bureaux du  Haut-Commissaire. Nous y serons avec eux.

                   Et, bien évidemment, nous vous tiendrons au courant des suites de cette affaire…

                Les choses peuvent changer et aller dans le bon sens pour peu que l’on ait le courage de dire non, de se lever, et surtout d’être solidaires.


      Cela dépend de nous.

      Cela dépend de vous.  


Un article de  Julien Gué


Tous droits réservés à Julien Gué. Demandez l’autorisation de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.




5 commentaires :

  1. Merci Julien pour cet article. J'espère que les artistes seront entendus. C'est désolant et triste de constater un tel comportement de la part du gouvernement et des médias. De tout coeur avec vous.

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  2. C'est moi qui te remercie pour ce commentaire et pour ce soutien. Et je le fais également au nom de Lili Oop et Paskua, bien évidemment.

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  3. Voici le message de Pascal Desmoulains après la parution de cet article.

    Un message qui apporte des précisions importantes.

    Merci pour cet excellent article Julien.

    Quelques précisions pour rendre les propos plus pertinents encore:

    - L'émission Ta'ata a été arrêtée par FranceTv suite à la décision du Conseil des Ministres d'août 2012. Cette décision abusive, illégale et "manifestement erronée" a été abrogée par le tribunal administratif en octobre 2013. On constate pourtant qu'une chaine publique se soumet à la décision abusive d'un conseil des ministres d'arrêter une émission de télévision populaire...

    - Le président de l'acoram nous a commandé le webdocumentaire en juin 2013 et non en septembre. Il s'agit de 15 mois de travail spoliés.

    - On ne sait pas ce qu'il s'est réellement passé sur le parking de Taina. Une journaliste a été retrouvée inconsciente, la lèvre fendue et une dent cassée. A son réveil aux urgences, elle se battait encore avec un interlocuteur non identifié et en a griffé l'avant bras de l'urgentiste qui voulait la soigner... il a porté plainte contre elle ! Ses plaintes à elle à la DSP en revanche n'ont pas même été enregistrées... Comme tu l'as rappelé, cette sorte d'intimidation régulière évoque la glorieuse époque du GIP.

    Il y a un déséquilibre trop flagrant entre les possibilités pour le patronat et les politiques de nuire aux auteurs et les difficultés considérables pour s'en défendre et recouvrer ses droits. C'est anormal.

    Dans les enquêtes et audiences, on sent très bien la gêne, les réticences des gendarmes, des policiers et même du procureur. Au jour d'aujourd'hui, dans tous les cas, les responsables ne sont toujours pas inquiétés et les auteurs subissent toujours l'ensemble des conséquences, même quand ils gagnent devant les juridictions concernées.

    Nous subissons cette marginalisation parce que les intéressés ne nous rejoignent pas et ne s'organisent pas autour du syndicat.

    Merci encore pour votre soutien.

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  4. Réponses
    1. Le plus simple, pour se tenir au courant, est de suivre les événements sur la page FB du S A J dont voici la publication quelques heures après l'entretien avec le Haussaire.

      "Syndicat des Auteurs et des Journalistes de Polynésie Française

      Vice-RectoratGate: nous avons été reçus ce matin durant une heure par la direction du cabinet du Haut Commissaire de la République en Polynésie française. Réunion trés cordiale oû nous avons exprimé nos griefs et nos propositions. Une écoute attentive marquée parfois d'un certain étonnement au relaté des faits manifestement illicites... Nous attendons désormais une proposition raisonnable qui satisferait les auteurs spoliés avant la seconde quinzaine du mois de janvier. Nous remercions le "comité de soutien" qui s'était spontanément constitué à la sortie du Haussariat et tous ceux qui ont témoigné amitiés et soutiens aux auteurs. Mauruuru roa à tous !"

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