Un port en camaïeux
La péninsule du Cap Bon joue les atouts de la couleur : entre les
fruits de la mer, les baies vernissées de la terre, les coques bigarrées de ses
barques. Belle carte de visite touristique s’il fallait encore le préciser. Pimpante,
la Méditerranée !
Plus la région s’effile vers le
nord, plus elle se renforce de promontoires. Sa façade Est interrompt alors sa chaîne
de plages de sable blanc. A l’abri du Ras Mostefa
(Cap Mostefa) gîte le quatrième port de pêche de Tunisie : Kelibia.
Kelibia, se prononce en tunisien Klibia (قليبية). Terme
arabisant l’antique Clupea (boucliers)
puis Clypea, il doit son nom au
relief de ses flancs incurvés formant les contreforts de cet éperon marin. Klibia caracole en crête
comme une vigie entre deux criques, Klibia se baigne à quai. A l’œil nu, les
côtes de Sicile.
L’ocre du fort
La
forteresse ocre, comme l’éminence rocheuse, contraste avec la blancheur de la
ville actuelle. Bâtie par les Puniques au Vème siècle av. JC, détruite par
Rome, sa reconstruction date de Byzance (VIème siècle ap. JC). Et si la vieille
ville-haute a disparu, la citadelle demeure.
Point
stratégique, son importance militaire se renforce sous les Aghlabides (IX-XIème),
les Hafsides (XIII-XVIème) puis les Turcs (XVI-XIXème siècle) face aux
incursions espagnoles. Sous le Protectorat, un phare est ajouté. Pendant la
seconde guerre mondiale les Allemands s’en servent comme blockhaus.
Le
borj (citadelle) garde son apparence
massive mais ses murailles épaisses, flanquées de tours imposantes n’hébergent
plus que des spectacles nocturnes de plein-air dans sa cour centrale.
Rouge comme murex, ciment, piment
A une dizaine de kilomètres par la côte,
la Cité punique de Kerkouane, totalement en ruine (depuis 255 av. JC), offre
les vestiges d’une ville artisanale tournée vers la fabrication et la
commercialisation de la pourpre. Extraite du murex, la fructueuse production antique
de cette teinture implique bien d’autres corps de métiers : du tailleur de
pierre qui creuse les cuves dans la roche à la macération, à l’entretien des
fourneaux, au trempage, au pêcheur de coquillages… Le tout, dans une puanteur
épouvantable !
Pas
moins de 12 000 coquilles pour teindre un peplum ! Les estimations
actuelles en témoignent, ainsi que l’importance des résidus amoncelés sur le
site. Mais si le quotidien des teinturiers est une éprouvante patience, elle
semble compensée par les bienfaits d’un certain confort. Le Punique est
épicurien et le bain régénérateur n’est plus un secret depuis cinq siècles av.
JC.
De
la baignoire au lavabo d’eau douce, le temps s’écoule tranquille dans les
vasques cimentées de rouge, jusqu’au drame qui éradiqua totalement la petite
communauté de son repaire perché au-dessus des falaises. Cruelle rivalité entre
Rome et Carthage !
Moins
lucrative mais manne du pauvre, les piments rouges séchés en grappe agitent
leur guirlandes au vent de l’été. Coup de fouet énergétique, ils entrent dans
la composition de l’harissa.
L’arrière-pays du bourg agricole de Menzel-Temime
y figure en bonne place, tant pour la production maraîchère que pour son
conditionnement. Menzel pourrait être
l’équivalent latin de villa qui signifiait
exploitation agricole.
L’or des astres
Tout
aussi ancestrale et tout autant pénible, la pêche au lambara (lamparo) ponctue les ténèbres sur des flouka (felouques à rames, à voile triangulaire ou à moteur). La
nuit voit des flottilles de centaines d’embarcation prendre le large, armées
d’amphores et de gargoulettes : non sans risque. Mille miroitements
flashent sur les eaux sombres.
Tout
aussi renommé, le muscat sec de Kelibia contraint les vignerons à une vendange
à la main pour assurer la qualité du cru. Grappes blondes sous tonnelles,
grains translucides dans les vignobles !
«
Ce vin se caractérise par sa robe brillante jaune or soutenu, son nez floral
très parfumé et sa bouche fruitée. Une harmonie totale pour accompagner des
salades, des avocats aux crevettes, un lapin au Muscat, une entrée au jambon et
au melon, un poisson. »
L’eau
à la bouche vient aussi du Festival annuel du Film Amateur de Kelibia (FIFAK).
Il se tient maintenant fin août. Les écrans investissent la place durant une
semaine au bonheur des jeunes créateurs. Manifestation qui n’hésite pas à
innover sur des sujets tabous, à bousculer les a priori, depuis la déposition
de la dictature en 2011. Emulsions à bloc sur les écrans.
La chasse au bleu en eaux limpides
A
propos de photos, que pêche-t-on au lambara ?
La sardine, le maquereau, l’anchois. Poissons « bleus » sous
luminaires, des éclats d’écailles ruisselantes à ne pas manquer.
Petit tour vidéo en prairie de Posidonie
Parallèlement
à la chasse sous-marine, les clubs de plongée se multiplient. On peut y chasser
des images (appareillé) ou en apnée : un nombre impressionnant de variétés
aux couleurs de l’arc-en-ciel. Les plongeurs des sports nautiques de Kelibia organisent même des opérations de
sensibilisation pour le bien-être des fonds marins.
sensibilisation pour le bien-être des fonds marins.
Du
poulpe, seiche, calamar aux chevrettes, en passant par le maigre, le loup, la
dorade, le mérou, pajot, soriole, mulet, dorades, oursins… la chasse y est réglementée. Les pêcheurs y
vendent leur récolte toute fraîche directement aux badauds sur les plages ou
font le tour des restaurants des bords de mer.
A
la fraîche, petits matins ou fin de nuit, dégustation pieds dans l’eau, limpide
à souhaits !
« Un trou de verdure »
Une
légende rapporte que le premier olivier de Tunisie aurait été planté par les
marins phéniciens, dans la localité d’Azmour (près du mausolée Sidi Maâouia Echeref). Il aurait été
âgé de quelques 2 000 à 3 000 ans…
Mais
il n’a pas survécu à la décision du conseil municipal qui a décidé, à la fin
des années 80 de le remplacer par un rond-point. La multiplication des
ronds-points en Tunisie a alimenté pas mal de chroniques et tout autant de
profiteurs. Les arbres tutélaires de toutes espèces subissent le même sort dans
d’autres régions.
Dommage !
A Midoun (Jerba), « el Zitoun el
Adhom » (l’olivier aux œufs) existe encore. Mais les enfants n’y fêtent
plus l’Aïd es Sghir, en échangeant des œufs colorés…
Ceci n’est pas une légende, mais Tanit à Kerkouane… |
Perdurent les légendes… et celles des pêcheurs d’épaves ne se noient pas encore dans les abysses de la Méditerranée.
Avec
ses journées de la chanson populaire du terroir, son colloque des jeunes
écrivains, ses journées des arts plastiques et ses fouilles archéologiques
bénévoles, le tourisme culturel perce
lentement à Kelibia et ses environs. Les initiatives des petites unités vont
bon train. Alors, si vous voulez être plus proche de l’habitant et
vivre à son rythme…
Un article de Monak
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de l’auteur avant toute utilisation ou reproduction du texte ou des images sur
Internet, dans la presse traditionnelle ou ailleurs.
Prenez le temps de ce petit détour panoramique à Kelibia en suivant ce lien : https://www.facebook.com/photo.php?v=1145661686356
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