Le Droit et les colonisations
Les festivités d’accueil achevées, les festivaliers réciproquement présentés, place aux émotions de l’écran, à ce va-et-vient entre obscurité des salles et plein feu des projecteurs sur les créateurs cinématographiques ou leur sujet d’enquête... aux dédales entre montage, questionnements et finalisation avec les réalisateurs.
L’accent semble être mis cette année sur l’assise médiatique de la manifestation, son amplification, son impact, pour en rehausser l’écho : un regain de rituels éparpillés dans la communauté française du Pacifique, avec Wallis & Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, comme jamais auparavant. Kava partagé entre festivaliers participants et organisateurs, la cérémonie inaugurale n’a plus qu’à se déployer, comme ailleurs on déroule le tapis rouge. De même, le temps semble être majoré pour la dimension humaine, il aurait tendance à se dilater autour des diverses individualités porteuses d’un projet documentariste.
Les documentaires océaniens volent de leurs propres ailes, se forgent de plus belle leur propre concept et affichent l’originalité de leur esthétique. De plus en plus fouillé et épineux, leur propos ne ménage plus personne... et s’ils savent en maintenir les alternatives, histoire de donner leur place aux arguments même aléatoires, même fallacieux qui tombent d’eux-mêmes. La polémique est au goût du jour et présage d’un avenir douteux. L’atmosphère qui en ressort n’est pas des plus sereines. Le continent océanien continue à se réveiller et à s’affirmer.
Parmi la quarantaine de films présentés au FIFO 2023, les treize en compétition insistent sur la prise de conscience des générations actuelles quant aux termes d’une véritable responsabilisation constructive. Comment honorer la coutume du pardon sans une vraie reconnaissance de culpabilité ?
Dans ces deux derniers siècles et demi de colonisation du Pacifique, ni le Droit des peuples, ni la conscience confessionnelle n’ont épargné les petits, les enfants et les faibles. Les régimes politiques tout comme les Instances religieuses ont exercé sans limite leur hégémonie. Reste maintenant à reconstruire le futur sur les ruines de massacres multiples et essaimés partout...
L'industrie Béton-Prison
A BOY CALLED PIANO, de la réalisatrice et metteure en scène Nina Nawalowalo, présente l’avantage de raconter la vie d’un Samoan émigré en Nouvelle-Zélande, à la manière d’une enquête qui tient le spectateur en haleine jusqu’à la fin... tout en structurant le film comme la mise en abyme du destin exceptionnel d’un homme « broyé », par le biais de séquences dramatisées qu’interprètent des acteurs.
La forme du documentaire est intensément soignée : elle suit les pulsions internes de la vie prénatale, les souvenirs aqueux embryonnaires, ceux qui forgent votre sens artistique - le goût à la musique par exemple - à la prise de conscience des raisons de la crise et de ses conséquences salvatrices face à l’injustice du système colonial d’assimilation néo-zélandais. L’empire de la reine britannique se trouvant visé... Son, image, en appuient l’esthétique particulière.
Elle s’exprime en se coulant au plus près tant par les images que par les paroles, les avis, les opinions des victimes : dont l’Enfant-Piano qui, de la « Haine » où le « système » l’a acculé, se réconcilie avec lui-même, avec sa valeur, son atout d’humain à part entière.
Effectivement se révèlent petit à petit les conclusions de « La Commission Royale d’enquête sur les abus causés par l’assistance de l’État » : tout comme pour la personne concernée - Fa’amoena John Luafutu - des milliers d’enfants autochtones ont été confisqués à leur famille pour être pris en charge par les services d’un « soi-disant Centre d’éducation », véritable camp disciplinaire imposant aux enfants tous les stades de la maltraitance mentale et physique.
Un enfant comme des milliers en Nouvelle-Zélande
Un travail de titan pour réussir à débusquer une escroquerie d’État. L’histoire n’est pas si vieille : elle touche les générations des années 50... sacrifiées, dévoyées par des mesures coercitives. Il faudra attendre 1989 pour que la Convention Internationale des Droits de l’Enfant retienne le droit à la famille, aux loisirs, à la santé, à la protection des mineurs ! ! !
Le gag juridique de l'histoire
Il n’est pas qu’au sein de l’empire britannique que se répandent les pires exactions, la France figure parmi les nations qui imposent le « faites ce que je dis » mais « ne faites pas ce que je fais ». WAAN YAAT : sur une terre de la République française défraie la chronique dans les années1980... Co-réalisé par Emmanuel Desbouiges et Dorothée Tromparent en Nouvelle-Calédonie, il reconstitue l’embuscade de 1984 où succombe une dizaine d’indépendantistes, s’appuie sur les archives du procès, et analyse « l’injustice de la justice » sous couvert de raison d’État.
Quand la violence reste impunie...
Mutisme total, « durable » et bien gardé de la France, plutôt bavarde sur ses victoires légales et légitimées, le verdict acquittant les « prévenus », fauteurs d’embuscade meurtrière sous le verdict de : ...« légitime défense-préventive » ! ! ! Contradiction dans les termes mêmes : d’où leur non-sens.
Ce qui fait doucement rigoler, de la niaiserie des magistrats, s’il ne fallait y déplorer des morts : l’embuscade étant définie depuis la nuit des temps comme « la tactique martiale préméditée dans laquelle des belligérants se dissimulent pour attaquer un ennemi par surprise ».
Sans parler de la façon «chasse à courre» d’achever les blessés avec les chiens, ni des mutilations sexuelles infligées aux cadavres !
Illégalité totale d’une parodie de justice qui cautionne les incapacités de la France à gérer au 20ème siècle les termes d’une « décolonisation annoncée » par De Gaulle pour préparer la fin de la Seconde Guerre Mondiale (avant 1945) ! ! !
Quant aux conséquences pour la Nouvelle-Calédonie, une gestion chaotique avec davantage de pression, une mainmise sur les problèmes sociétaux, une injustice flagrante et encore plus de morts...
Une histoire sans fin...
Un article de Monak
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