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jeudi 1 mars 2018

Simane Wenethem au FIFO 2018



Demain… " Petit chef "

Que la 15ème édition du FIFO n’ait primé aucun des films calédoniens ne signifie pas que la production documentaire du "Caillou" ait démérité cette année. "Danse petit chef, danse", jeté dans la compétition, lance un défi à travers son titre…   

Quel sens lui a donné le réalisateur, éric Michel, originaire de l’île ? Le sujet du film ne porte pas sur la danse, ni sur son évolution formelle qui, jadis propitiatoire, glisserait vers l’aspect loisir ou la plateforme à la mode. Rien de superficiel dans ses images, même si le ton reste enjoué : de l’optimisme alors ? Il ne soulève pas de palabre sur l’éventuelle incapacité de l’artiste à assumer une mission politique. Non, "petit chef"* est une fonction juridiquement définie, la personne morale qui représente le clan. L’interpréter autrement serait assurément ignorer le « statut civil coutumier kanak » actuel qui clarifie le contexte socio-politique du pays…

Des images aux deux bouts du pays…  
Le spectateur mélangé de ce Fifo semble s’être partagé radicalement entre différents modes de perception. S’en tenant à une vision désuète et sectaire, certains ont parfois voulu jouer au petit juge : n’admettant pas que le noir Kanak Simane ose recourir à un art contemporain auquel n’accorder aucune légitimité traditionnelle. Pourtant le slam tient de la même veine que le 'ōrero ; le théâtre, de ces longues mises en scènes rituelles qui officialisent les relations tribales ; la street dance n’est pas si loin de ces danses originelles présentant l’univers symbolique des protagonistes s’affrontant.

Enfin, une frange d’étudiants polynésiens s’est reconnue et projetée dans la démarche d’un artiste au parcours qui les touche. Il est fondamental pour eux d’apprendre à se définir identitairement par eux-mêmes, suite aux séquelles d’un passé colonial funeste.

La voix des exclus
Les éléments précédents étant posés, le film se concentre sur la tranche jeunesse, toutes ethnies confondues. Représentative de plus de 35% de la population totale, elle est abordée sous l’angle de son besoin de poser ses propres enjeux par des actes culturels concrets, au travers d’associations diverses. Et dans le cas présent, oui, ces communautés ont l’air de coopérer ensemble sans complexe, dans le no man’s land de la capitale ! 

Un réalisateur à l’écoute…
Curieusement, à peu près le même pourcentage statistique s’applique à la population kanake (39%). Occasion pour le réalisateur d’adopter le point de vue de Simane, héritier de la chefferie Qanono (à Lifou), qui projette à long terme à concilier, avec les atouts culturels de son métier artistique, son futur rôle de guide coutumier. Pour lors, il cherche à créer un espace d’expression verbale et chorégraphique « toutes ethnies confondues » : caldoches, kanakes et autres, dans cet espace de l’exode urbain.

En effet, quelle place reste-t-il à la jeunesse dans cette crise socio-économique léguée par leurs aînés ? En « perte de repères, en déshérence », le malaise se fait sentir davantage. Ce malaise, Simane le sublime, seul dans son écriture, dans ses compositions slam… Collectivement, dans ses chorégraphies, ou comme acteur de théâtre, de cinéma.

Avec les porteurs de parole…

Hors des ghettos, le Hip Hop
« C’est sur des tournages, à propos de projets culturels en cours, que le réalisateur découvre et colle au parcours de Simane, au plus près de sa réalité, fait sa souris avec ses caméras, sur le montage de son spectacle. »

Contrairement au paysage sociopolitique calédonien, le panorama des danseurs de Simane Wenethem est pluriethnique. La raison en est simple et c’est là qu’elle prend tout son sens. La culture rap et hip hop, issue du mythique ghetto de Harlem, recommence son histoire sous toutes les latitudes des mondes ghettoïsés. Elle a pour vocation de faire disparaître pacifiquement les exclusions et le sectarisme. C’est un héritage d’unité, une culture du dépassement de soi et « par ricochet, le désir de faire évoluer la société »

Revivre mes origines… in Chemin Kanak 2.0
Ce n’est pas un hasard si, au creux des vallées perdues, « naît un mouvement informel de jeunes créateurs en slam, en rap, et autres genres proches des jeunes ». à part la parenthèse du rap-égotrip, ou gangsta bling-bling entre autres, le rap correspond à une démarche philosophique : « un esprit critique, subversif, qui opère la construction d’une idée et d’une œuvre par la déconstruction des raisonnements déjà établis ».

Ce n’est pas un hasard si le tandem Guilhem Chamboredon- Simane Wenethem, revisitent le patrimoine calédonien, dans le désert de la grande ville, du pavé, de la nuit… Un clip sur un slam de Simane et un scénario de Guilhem… une combinatoire où s’exprime leur conviction commune : « L’art est un désir »… La politique peut-elle le devenir ?

Alors, évidemment, amorcer, construire un avenir rassembleur, ça dérange…

Demain, pourquoi pas ?
Être "petit chef", ce n’est pas une vue de l’esprit, (comme pourrait l’entendre un auditoire européen) c’est tout un programme co-défini par la Nouvelle-Calédonie et la France. Simane ne songe pas à y déroger. « Il parle beaucoup de cette brisure intergénérationnelle, de l’errance des jeunes, rappelle éric Michel. Le phénomène est assez fréquent : se pose le problème de la transmission ».

Page de slam
Déjà, le jeune danseur-chorégraphe a réussi à intégrer, sans que personne n’en fasse cas… et à la différence de l’ensemble du pays encore trop accroché à ses communautarismes, des caldoches de Nouméa, d’autres immigrés océaniens… Serait-il en bon chemin vers cet idéal qui figure en tête de tous les objectifs politiques d’avenir : « Un destin commun » ? L’avenir le confirmera.

« D’ici là, Simane continue son travail de dialogue interdisciplinaire, de rassembleur interculturel ; explore le patrimoine kanak au rythme des pulsations de son art ; tend à faire émerger ces expériences résolues de façon interactive ; éprouve, continue à douter… »

S’ouvrir les étoiles…
Le défi est lancé. Comment Simane et d’autres chefs éviteront-ils « de se retrouver dépositaires de rites et de formules vides de leur contenu », comme les mettait en garde Jean-Marie Tjibaou (in Cibau Cibau, Kamo pa Kavaac, Agence de Développement de la Culture Kanake 1998) ? Comment réussiront-ils à recréer une unité culturelle à multiples visages ? Souhaitons-leur de trouver les solutions… L’atmosphère du film n’est pas au pessimisme… alors…


"petit chef"* : une page d’histoire  et voir pour aujourd’hui, page 23, une notion expliquée, « Les pouvoirs des chefs ».


Un article de Monak & Julien Gué

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